En juillet 2011, le gouvernement canadien a publié une liste de 30 individus décrits comme étant des « présumés criminels de guerre », en sollicitant l’aide du public pour les retrouver afin qu’ils soient déportés.
Le gouvernement est bien sûr responsable de l’application des lois, et doit constamment chercher le moyen le plus efficace et le plus juste de le faire. La « liste des personnes les plus recherchées » est une nouvelle approche. Bien que cette dernière semble avoir connu un certain succès à ses débuts, nous croyons qu’elle comporte aussi un grand nombre de désavantages que les Canadiens devraient sérieusement prendre en considération. Il existe de nombreuses questions sous-jacentes dont la complexité ne peut pas être adressée par des solutions simplistes.
Nous souhaitons attirer l’attention sur les points suivants :
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Le Canada a une obligation légale et morale de porter devant la justice les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. S’ils sont déportés dans des pays qui ne disposent pas de la capacité ou de la volonté de les poursuivre en justice selon un procès équitable, ils pourront ne jamais répondre de leurs actes. Le Canada envisage rarement d’autres solutions que la déportation pour les personnes au Canada qui auraient commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Plusieurs solutions favorisant la justice peuvent exister dans ces cas-là, et le Canada devrait aider à s’assurer que justice est faite, que ce soit dans un autre pays, devant une cour ou un tribunal international, ou bien ici au Canada. Le respect de cette obligation permet au Canada de contribuer à répondre aux violations des droits humains à l’échelle internationale, et à garantir une plus grande sécurité dans notre pays et dans le monde.
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Le Canada est lié par de nombreuses obligations juridiques internationales, dont celle de ne pas déporter d’individus vers une situation où ils seraient exposés à de sérieux risques de torture ou d’autres violations graves des droits humains. Le fait de publier une liste de noms étiquetés comme « présumés criminels de guerre » peut potentiellement augmenter le danger auquel les personnes concernées seraient exposés si elles sont déportées vers leur pays d’origine. Il n’est pas évident que le gouvernement ait pris cette possibilité en considération.
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La dénomination « présumés criminels de guerre » est fausse et injuste. La situation des personnes inclues dans cette liste varie énormément, et certaines d’entre elles ne sont pas nécessairement suspectées d’avoir commis un crime. Ces personnes sont alors inclues dans la très large catégorie des conditions d’inadmissibilité de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui s’étend bien au-delà des personnes ayant commis des crimes jusqu’aux personnes qui ont indirectement été associées aux crimes (par exemple, un chauffeur ou un informaticien travaillant pour un gouvernement ayant commis des violations massives des droits humains).
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Le principe de la présomption d’innocence est ébranlé par la publication de cette liste. La majorité, voire la totalité, de ces « présumés criminels de guerre » n’ont pas été accusés de crime, et le Canada ne leur propose pas de procès au cours duquel ils pourraient chercher à blanchir leur nom. La conclusion d’inadmissibilité au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiésnécessite un niveau de preuve beaucoup moins élevé que la condamnation criminelle. Il est donc injuste d’identifier publiquement des personnes comme « présumés criminels de guerre ».
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La publication des noms des « présumés criminels de guerre » peut violer le droit des individus à la protection de la vie privée. Selon la loi, le gouvernement est autorisé à révéler des informations personnelles pour des raisons d’intérêt public, mais seulement si cela est nécessaire. Il n’est pas clair que le gouvernement ait épuisé les autres options possibles (telles que la recherche active de soutien auprès des services de police locaux). Même s’il a été nécessaire de rendre les noms publics, on ne nous a pas expliqué la nécessité de leur associer la dénomination de « criminels de guerre ».
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La publication de la liste des « criminels de guerre », ainsi qu’une seconde liste de « grands criminels », contribue à créer une image négative des non-citoyens comme de dangereux criminels. Le nombre d’individus sur ces listes représente un pourcentage très réduit des nouveaux arrivants au Canada – le fort accent mis par le gouvernement, qui a été repris par les médias, est tout à fait démesuré. Il est malheureusement probable que cela contribue à renforcer la xénophobie existante qui affecte les nouveaux arrivants, en particulier dans le contexte des récents et nombreux messages du gouvernement associant les réfugiés et les immigrés à la criminalité, à la fraude et aux abus. Nous pensons que le gouvernement doit adopter une approche plus équilibrée, et se garder d’alimenter les préjugés xénophobes qui existent au Canada, comme dans toute autre société.
Conseil canadien pour les réfugiés
Centre canadien pour la justice internationale
Association canadienne des libertés civiles
Amnesty International Canadian Section (English branch)
Amnistie Internationale Canada francophone
Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique
Réseau d’intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée (RIVO)
Criminal Lawyers’ Association
Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés
Mouvement fédéraliste mondial-Canada
Law Union of Ontario
Refugee Lawyers Association
Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration
Canadian Centre for Victims of Torture
Manitoba Interfaith Immigration Council
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)