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La traite des personnes à des fins de travail forcé : Document d'information

Introduction : La traite des personnes

Il y a traite des personnes lorsque quelqu’un profite de l’exploitation d’autrui, que ce soit par la coercition, la tromperie ou la fraude. Cette exploitation peut prendre différentes formes, notamment le travail forcé dans des secteurs aussi divers que celui de la construction, des services,  de l’industrie manufacturière, de l’agriculture, du travail domestique ainsi que de l’industrie du sexe et de la prostitution. Peu importe l’aspect qu’elle revêt, la traite des personnes constitue une atteinte aux droits humains fondamentaux. Elle touche les hommes, les femmes et les enfants.

Le présent document vise à fournir des renseignements sur la traite à des fins de travail forcé tel qu’il se présente au Canada.

La traite à des fins de travail forcé dans le monde

Construction - traiteLa traite à des fins de travail forcé survient dans un contexte où les inégalités économiques tant à l’échelle mondiale qu’au niveau local forcent un grand nombre de personnes à chercher des moyens pour mieux se protéger et subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leur famille.

Près de 21 millions de personnes sont en situation de travail forcé dans le monde, et parmi elles, on compte plus de femmes que d’hommes. La plupart de ces personnes sont exploitées par des particuliers ou par des entreprises. Une minorité d’entre elles sont soumises au travail forcé par des organismes d’état[1]

La traite prend source de contextes socio-économiques ou politiques qui favorisent la pauvreté et la persécution ou qui engendrent des conflits et des inégalités (notamment fondées sur le genre). Alors que de nombreuses personnes sont aux prises avec le travail forcé au sein même de leur communauté, ces causes encouragent souvent les gens à immigrer dans l’espoir d’améliorer leur sort.

Les restrictions accrues en matière de politiques d’immigration dans le monde nuisent à la sécurité du processus migratoire et augmentent la vulnérabilité des migrants. Les trafiquants profitent de ces limitations ainsi que par l’absence de protections juridique et sociale disponibles aux personnes migrantes.

Les formes de travail forcé

Il y a traite à des fins de travail forcé lorsque des moyens sont utilisés (notamment l’abus des vulnérabilités d’une personne) afin d’asservir une personne en la persuadant à se consacrer à un travail déterminé ou à exécuter un service précis.

La section suivante décrit les différentes composantes qui définissent la traite.

Il s’agit d’un acte par lequel une personne est :

  • recrutée par un individu ou une organisation, et souvent imposée d’énormes frais et convaincue de contracter une importante dette pour obtenir un emploi;
  • déplacée d’un pays à un autre (ou à l’intérieur d’un même pays).

Il s’agit d’un moyen par lequel une personne est : 

  • trompée par de promesses attrayantes (bon emploi, scolarisation ou autres) pour finalement se rendre compte qu’elles étaient fausses ou que les conditions (par exemple l’emploi et le salaire) sont pires que prévues;
  • isolée et contrôlée afin de limiter sa liberté de mouvement, sa capacité de communiquer avec les membres de sa famille ou avec d’autres personnes ; elle est sous une surveillance constante;
  • menacée de ne pas être payée correctement, de ne pas être payée du tout ou de se faire imposer des pénalités; menacée également d’agression physique, de dénonciation aux autorités et de déportation; et enfin, harcelée dans le but de la contrôler et d’assurer sa soumission;
  • privée de son passeport, de ses pièces d’identité et de son permis de travail;
  • victime d’abus d’une situation de vulnérabilité dont le manque de moyens économiques viables, l’impossibilité de trouver un emploi, le surendettement, la barrière linguistique, l’absence de proches ou d’un réseau de soutien;
  • forcée de participer à des actes criminels comme la fraude ou le vol, et donc plus asservis du fait de sa culpabilité.

Il s’agit d’une situation d’exploitation dans laquelle une personne est : 

  • sous-payée, pas payée du tout, ou dont le salaire est amputé de manière injustifiable (p. ex. pour payer un loyer trop élevé);
  • forcée de travailler des heures supplémentaires non payées;
  • obligée de payer des frais de recrutement frauduleux;
  • contrainte de s’endetter par l’entremise d’un prêt, d’une avance sur salaire ou pour le règlement de frais frauduleux, dans le but de la maintenir dans une situation de servitude;
  • vendue à différents employeurs par des recruteurs ou par des agents.

Les employeurs ou les recruteurs ne sont pas les seuls responsables de situation de traite. Certaines personnes sont exploitées avec la complicité de connaissances, de voisins ou de membres de leur famille. 

La traite à des fins de travail forcé au Canada

Au cours des dernières années, le Canada a privilégié l’immigration temporaire plutôt que l’immigration permanente. Ainsi, un nombre grandissant de travailleurs étrangers viennent occuper un emploi temporaire au Canada afin de combler les besoins de main-d’œuvre sans disposer des mêmes droits que les autres travailleurs. Ces conditions et les restrictions concernant leur emploi les exposent aux mauvais traitements et à l’exploitation.

La traite des personnes est la forme d’exploitation la plus grave à laquelle sont exposés les travailleurs migrants au Canada.

Les travailleurs migrants et la traite à des fins de travail forcé

Au Canada, la traite à des fins de travail forcé concerne surtout les travailleurs migrants. Les personnes les plus touchées par les mauvais traitements et l’exploitation détiennent souvent un permis de travail valide obtenu sous le volet « professions peu spécialisées » du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), qui comprend les travailleurs « à rémunération peu élevée » et du secteur agricole primaire, ainsi que les aides familiaux résidants. Ces travailleurs étrangers temporaires peuvent se trouver dans la restauration et l’hôtellerie. Ils travaillent également dans le secteur agricole, dans l’industrie de la transformation des aliments, de la construction et de la production manufacturière, ainsi qu’en tant que domestique.

Les vulnérabilités des travailleurs étrangers temporaires à la traite des personnes

Les dispositions du PTET exposent les travailleurs migrants à l’exploitation et à la traite pour les raisons suivantes :

  • L’absence d’un statut permanent précarise la situation des travailleurs puisqu’ils ne disposent pas pleinement du droit ou de la possibilité de porter plainte pour mauvais traitements.
  • Les permis de travail liés à un employeur spécifique exposent les travailleurs à la déportation s’ils quittent l’employeur désigné. Ce type de permis limite la possibilité de chercher un nouvel emploi et de porter plainte dans le cas de mauvais traitements ou de salaire impayé.
  • L’hébergement fourni par l’employeur ou partagé avec lui, ou encore, en ce qui concerne les aides familiaux résidants, l’obligation d’habiter dans la résidence privée de l’employeur. Cette pratique permet d’isoler facilement les travailleurs, de leur soutirer de l’argent par le biais d’un loyer et de les exploiter.
  • L’isolement physique et social aggravé par la barrière linguistique empêchant tout contact avec la société d’accueil.
  • L’accès limité aux services.
  • Le manque d’accès à une formation linguistique ou sur leurs droits, au système d’éducation ou aux programmes fédéraux d’aide à l’établissement.
  • L’absence de surveillance et de mise en application de la réglementation favorise le recours à des pratiques illégales comme des frais de recrutement élevés menant à un endettement considérable et à la servitude.[2]

Malheureusement, les modifications apportées au PTET en juin 2014 ont peu fait pour améliorer la protection des travailleurs. Bien que des normes de surveillance et de contrôle aient été établies, de telles mesures reposent encore essentiellement sur un système de plaintes qui sera très peu utilisé par les travailleurs migrants, car cela risque de mener à la déportation.

Le virage vers une politique d’immigration plus restrictive au Canada augmente le risque de la traite à des fins de travail forcé, car les trafiquants profitent de cette nouvelle situation pour exploiter les personnes rendues ainsi vulnérables.

Les demandeurs d’asile et la traite à des fins de travail forcé

Les trafiquants forcent parfois leurs victimes à déposer une demande d’asile, ayant peu de chance d’être acceptée ou qui n’est pas poursuivie, ce qui expose ces personnes  à un renvoi. Les trafiquants peuvent ainsi les menacer et les asservir plus facilement dans le but d’exploiter leur travail de diverses manières.

Les récentes modifications apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés empêchent les migrants dont la demande d’asile a été refusée, retirée ou abandonnée d’en présenter une autre, notamment pour le permis de résidence temporaire qui est parfois offert aux victimes de la traite.[3]  Ces mesures empêchent les personnes d’échapper à leurs trafiquants qui peuvent ainsi les asservir aisément par des menaces de dénonciation et de déportation.
 

En 2010, 23 ressortissants hongrois ont été trafiqués à des fins de travail forcé au Canada et ont été obligés de demander l’asile. Leurs pièces d’identité avaient été confisquées dès leur arrivée. Ils ont été contraints ensuite de travailler sur des chantiers de construction sept jours sur sept, sans salaire, et de commettre des actes criminels. Ils ont subi des menaces et des agressions physiques. Ils étaient constamment sous surveillance et devaient loger au sous-sol chez leurs trafiquants.

Sous les nouvelles dispositions de la loi, le Canada n’aurait probablement accordé aucune forme de protection à ces ressortissants.

Les situations familiales et domestiques

La traite à des fins de travail forcé a également lieu dans des situations où une personne est forcée à la servitude domestique par des membres de la famille ou par des personnes autres. Parmi ces personnes, on retrouve :

  • Maison - traiteLes enfants contraints de travailler à la maison ou exploités de quelconque manière;
  • Les travailleurs domestiques accompagnant leurs employeurs au Canada et qui sont forcés de travailler sans salaire ;
  • Les conjoints, parents ou grands-parents exploités économiquement ou forcés de travailler à domicile, ou à l’extérieur, sous des menaces de violence ou de déportation. La nouvelle politique en matière de résidence permanente conditionnelle fragilise la situation de certains conjoints parrainés.​[4]  Le mariage forcé peut également servir à exploiter un conjoint.[5]

La traite à des fins de travail forcé et la précarité du statut migratoire

Les personnes dont le statut d’immigration est précaire, ou celles qui vivent sans statut sont particulièrement susceptibles à la traite à des fins de travail forcé. Même si elles sont entrées comme travailleurs étrangers temporaires, demandeurs d’asile, étudiants, touristes et personnes sans statut, les trafiquants  peuvent profiter des droits limités des personnes au Canada et de la menace d’emprisonnement et de déportation.

Depuis les modifications à la politique d’immigration du Canada, on constate une augmentation des personnes dont le statut est temporaire et précaire.

Pistes de solution

Il est possible de réduire les risques de la traite et d’accroître les ressources offertes aux personnes ayant subi la traite en :

  • élargissant l’accès au statut permanent ;
  • étendant les droits de ceux qui possèdent un statut temporaire et en appliquant les lois pour les protéger d’abus ;
  • mettant en œuvre des mesures légales de protection pour les personnes ayant subi la traite, dont le statut au Canada est précaire.
 

[1] Organisation international du travail (OIT) Estimation du travail force dans le monde (2012) : http://bit.ly/1qyIq2V.

[2] Voir Profiting from the Precarious: How recruitment practices exploit migrant workers, Metcalf Foundation (en anglais) : http://bit.ly/QnrPBt.

[3] Conseil canadien pour les réfugiés, L’accès des non-citoyens ayant subi la traite à la protection : http://ccrweb.ca/fr/protection-traite.

[4]  Conseil canadien pour les réfugiés, La résidence permanente conditionnelle pour les conjoints parrainés : http://ccrweb.ca/fr/residence-permanente-conditionnelle

[5] Voir Resource Information Guide to Human Trafficking Systems through Forced Marriages, South Asian Women’s Centre (SAWC) (en anglais)  : ccrweb.ca/en/resource-information-guide-human-trafficking-forced-marriages

Les travailleurs migrants: Contexte international

Résumé

Depuis dix ans, le CCR mène une campagne pour les droits des travailleurs migrants au Canada. Cette campagne met l’accent sur la protection des droits des travailleurs migrants au Canada, ainsi que sur leur accès à la résidence permanente et aux services. Puisque la migration temporaire de la maind’oeuvre est un phénomène mondial, le CCR commence à s’impliquer dans des activités concernant la justice migratoire à l’extérieur des frontières du Canada. Prenons le temps d’examiner de plus près la dynamique globale de la migration du travail…

Réfugiés et immigrants : un glossaire

De nombreux termes sont utilisés pour parler des réfugiés et des immigrants. Certains ont une signification juridique, d’autres ont une connotation péjorative. L’utilisation des termes appropriés est essentielle au respect des personnes et favorise la tenue d’un débat éclairé dans ce domaine.

À PROPOS DES RÉFUGIÉS

Réfugié : une personne qui a dû fuir la persécution et qui se trouve à l’extérieur de son pays d’origine.

Réfugié au sens de la Convention : une personne dont la situation correspond à la définition qui se trouve dans la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Cette définition est reprise dans la loi canadienne et est largement acceptée à l’échelle internationale. Afin de correspondre à la définition, une personne doit se trouver hors de son pays d’origine et craindre avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Demandeur d’asile (ou demandeur du statut de réfugié) : une personne qui a fui son pays et demande la protection dans un autre pays. On ne peut savoir si le demandeur est un réfugié tant qu’une décision n’a pas été prise dans son cas.

Réfugié réinstallé : une personne qui a fui son pays, qui est temporairement dans un autre pays et qui se voit offrir la résidence permanente par un troisième pays. Les réfugiés réinstallés au Canada sont choisis à l’étranger et deviennent résidents permanents dès leur arrivée au Canada.

Les réfugiés réinstallés sont reconnus réfugiés par le gouvernement avant leur arrivée au Canada. Les demandeurs d’asile reçoivent une détermination du statut de réfugié après leur arrivée au Canada.

 

Personne protégée : selon la Loi canadienne sur l’immigration et la protection des réfugiés, une personne reconnue par le Canada soit comme (a) réfugié au sens de la Convention, soit comme (b) personne à protéger (par exemple, une personne qui risque d’être torturée si elle est expulsée du Canada).

Personne déplacée à l'intérieur de son pays : une personne déplacée de force, mais qui demeure à l’intérieur de son pays d’origine.

Apatride : une personne qui n’est citoyenne d’aucun État. Certains réfugiés sont apatrides, mais pas tous. De la même façon, les apatrides ne sont pas forcément des réfugiés.

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE UN RÉFUGIÉ ET UN IMMIGRANT?

Un réfugié est forcé de fuir pour sauver sa vie. Un immigrant choisit d’aller vivre dans un autre pays.

 

Lorsqu’un réfugié devient citoyen d’un autre pays (comme le Canada), il n’est plus un réfugié.

Vous entendrez peut-être aussi ... réfugié politique, économique, environnemental : ces termes n’ont aucune signification juridique. Ils peuvent porter à confusion du fait qu’ils suggèrent qu’il existe différentes catégories de réfugiés, ce qui n’est pas le cas.

À PROPOS DES IMMIGRANTS

Immigrant : une personne qui s’est établie de façon permanente dans un autre pays.

Résident permanent : une personne qui a acquis le droit de vivre de façon permanente au Canada . La personne peut être venue au Canada comme immigrante ou réfugiée. Lorsque les résidents permanents deviennent citoyens canadiens, ils ne sont plus résidents permanents.

D’AUTRES TERMES  FAISANT RÉFÉRENCE AUX PERSONNES EN DEHORS DE LEUR PAYS D’ORIGINE

Résident temporaire : une personne qui a la permission de rester au Canada sur une base temporaire. Les visiteurs et les étudiants sont des résidents temporaires, de même que les travailleurs étrangers temporaires, tels que les travailleurs agricoles et les aides familiales résidentes.

Migrant : une personne qui se trouve hors de son pays d’origine. On utilise parfois ce mot pour parler de toute personne hors de son pays natal, dont celles qui sont citoyennes canadiennes depuis des décennies. Plus souvent, ce mot désigne les personnes en mouvement et celles qui ont un statut temporaire ou qui n’ont aucun statut dans le pays où ils vivent.

Migrant économique : une personne qui change de pays pour le travail ou pour améliorer sa situation économique. Ce terme est correctement employé lorsque les motivations sont purement d’ordre économique. Cependant, les motivations des migrants sont généralement complexes et ne sont pas nécessairement évidentes à première vue. Il est donc dangereux d’appliquer ce terme trop rapidement à un individu ou à un groupe de migrants.

Personne sans statut : une personne qui n’a pas reçu la permission de rester dans le pays ou qui est restée au-delà de la période de validité de son visa. Peuvent être incluses dans ce terme des personnes qui ont été pénalisées par les failles du système, tels les demandeurs d’asile dont la demande a été refusée, mais qui ne sont pas renvoyés à cause d’une situation de risque généralisé dans leur pays d’origine.

VOUS ENTENDREZ PEUT-ÊTRE :

Immigrant illégal/migrant illégal : ces termes posent problème parce qu’ils criminalisent la personne, plutôt que l’acte d’entrer ou de séjourner de façon irrégulière dans un pays. Le droit international reconnaît que les réfugiés peuvent être contraints d’entrer dans un pays sans documents officiels ou sans autorisation. Il est donc trompeur de les qualifier de « migrants illégaux ». De la même façon, une personne sans statut a pu être victime de coercition par des trafiquants : une telle personne devrait être traitée comme la victime d’un crime, et non comme une criminelle.

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