Citoyenneté

Commentaires présentés au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration sur le projet de loi C-18 (Loi concernant la citoyenneté canadienne)

 

Commentaires présentés au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration sur le projet de loi C-18 (Loi concernant la citoyenneté canadienne) novembre 2002

 

Introduction

Le Conseil canadien pour les réfugiés est un groupe d’encadrement qui s’est engagé à protéger les réfugiés au Canada et partout dans le monde et à aider les réfugiés et les immigrants à s’établir. Environ 180 organismes partout au Canada sont membres du CCR. Nous demandons le respect des droits de la personne des nouveaux arrivants et l’intégration réussie des réfugiés et des immigrants à la société canadienne. 

Le Conseil canadien pour les réfugiés a participé activement aux discussions sur les versions précédentes de ce projet de loi, qui a été présenté lors de la 36e législature (projet de loi C-63 durant la première session, et projet de loi C-16 durant la deuxième session). Alors que le projet de loi courant intègre quelques améliorations comparativement aux versions précédentes de ce projet de loi, certaines dispositions nous préoccupent grandement. De plus, quelques nouvelles dispositions du projet de loi C-18 sont inquiétantes, notamment les nouveaux pouvoirs permettant la révocation de la citoyenneté en se fondant sur des renseignements secrets qui semblent offensants à toute personne croyant que les citoyens canadiens ont droit à un processus équitable. 

Égalité de tous les citoyens 

Le Conseil canadien pour les réfugiés apprécie l’articulation claire de l’article 12 sur l’égalité des droits et des obligations de tous les citoyens, sans égard à la façon par laquelle ils sont devenus citoyens. À un moment où, en raison des pratiques discriminatoires des services de l’immigration américaine, les citoyens canadiens ont été traités différemment selon le lieu de leur naissance, il s’avère particulièrement important de mettre l’accent sur l’égalité de tous les citoyens canadiens. 

Nous sommes donc préoccupés par le fait que les dispositions du projet de loi ne reflètent pas entièrement le principe de l’égalité de tous les citoyens. Certains moyens proposés permettant d’annuler ou de révoquer la citoyenneté ne respectent pas le droit à un processus équitable. Certains citoyens pourraient ainsi être privés, injustement, de leur citoyenneté. 

Il existe aussi des inégalités quant au droit de remettre la citoyenneté aux enfants d’une personne. Une citoyenne canadienne étant de la deuxième génération née à l’extérieur du Canada ne doit pas donner naissance à un enfant à l’étranger, car cet enfant ne sera pas citoyen canadien (et se retrouvera peut-être sans citoyenneté). Cette situation s’applique même si cette personne a vécu au Canada toute sa vie, sauf durant les premiers mois. Par contre, un citoyen né au Canada ou entré au pays comme immigrant n’a pas à être préoccupé, par exemple, par le fait d’accepter un travail à l’étranger et de donner naissance à un enfant dans ce pays, car cet enfant serait citoyen canadien. 

Recommandation : Ajouter une disposition indiquant qu’une personne est citoyenne canadienne si la demande pour conserver la citoyenneté de la mère, qui a donné naissance à l’étranger, a été acceptée, conformément à l’article 14.

L’apatridie

Les Canadiens doivent être préoccupés par le problème mondial des apatrides. Au cours des dernières années, ce problème s’est accru. De plus en plus, les membres du Conseil canadien pour les réfugiés signalent que des personnes au Canada sont aux prises avec des problèmes juridiques, car elles n’ont aucun droit ici et, en tant que personnes apatrides, ne peuvent aller nulle part. Même si le nombre d’apatrides au Canada est probablement peu élevé, plusieurs personnes partout dans le monde se retrouvent dans cette situation. 

Nous demandons au gouvernement canadien de jouer un rôle de chef de file, afin d’aborder le problème international de l’apatridie. Malheureusement, même si le Canada a signé la Convention sur la réduction des cas d'apatridie de 1961, il n’a pas signé la Convention de 1954 relative au Statut des apatrides. Nous avons demandé fréquemment au Gouvernement du Canada d’examiner ce problème et de signer la Convention de 1954.

Recommandation : Prendre les mesures nécessaires pour que le Canada signe la Convention de 1954 relative au Statut des apatrides.

Au même moment, le Comité doit étudier attentivement la Loi sur la citoyenneté proposée, en tentant de l’utiliser pour réduire l’apatridie. Cet objectif s’avère important pour les personnes directement touchées par cette loi et pour que la loi canadienne serve de modèle au plan international, pour ce qui est des efforts déployés pour régler le problème de l’apatridie. 

On pourrait ajouter, de façon utile, une simple disposition importante à la Loi, c’est-à-dire une disposition indiquant que la Loi doit être interprétée d’une manière conforme au principe de réduction de l’apatridie. Cette disposition nous permettrait de refléter nos obligations internationales quant à la réduction de l’apatridie. 

Recommandation : Ajouter une disposition indiquant que la Loi doit être interprétée d’une manière conforme au principe de réduction de l’apatridie.

Selon l’article 14 (qui fait déjà partie de la Loi sur la citoyenneté en vigueur), les citoyens canadiens nés à l’étranger perdront leur citoyenneté à 28 ans, si leurs propres parents étaient des citoyens canadiens nés à l’étranger. Durant la présente période de mondialisation, alors que plusieurs Canadiens travaillent et étudient à l’étranger, nous pouvons prévoir que cette situation s’appliquera à de plus en plus de Canadiens. 

Puisque cet article 14 touche les personnes nées après 1977, la disposition entrera en vigueur en 2005. Cette situation pourrait accroître le niveau d’apatridie si une personne ne correspond pas aux exigences nécessaires pour conserver la citoyenneté, même si elle a vécu la majorité de sa vie au Canada. 

Prenons, par exemple, une femme canadienne (nommons-la Anna). Elle est née à l’étranger et donne naissance à l’extérieur du Canada. Anna revient au Canada et amène sa fille, Mariam. À l’âge de 22 ans, Mariam, qui a passé presque toute sa vie au Canada, va étudier à l’étranger, puis revient au Canada à 26 ans. Lorsqu’elle aura 28 ans, elle perdra sa citoyenneté canadienne et pourrait devenir une personne apatride, car elle n’a pas respecté la condition de résidence de trois ans, conformément à l’article 14. Elle aurait dû demander de conserver sa citoyenneté à l’âge de 22 ans. Qui lui expliquera cette situation ? 

On pourrait aborder ce problème en ajoutant une exception à l’article 14, c’est-à-dire qu’on ne pourrait pas révoquer la citoyenneté d’une personne si elle risquait de devenir apatride. 

Recommandation : Modifier l’article 14, de façon à inclure une exception à la règle sur la révocation de la citoyenneté si la personne risquait de devenir apatride. 

L’article 11 du projet de loi tente d’aborder le problème de la création de l’apatridie. Cet article n’améliorerait pas la situation de Mariam, car il exige encore une résidence de trois ans au cours des six années précédentes. Par contre, il pourrait, peut-être, aider son enfant, si elle avait donné naissance à un bébé lorsqu’elle étudiait à l’étranger. Par contre, cet enfant né à l’étranger et peut-être apatride pose problème. Il pourrait devenir un citoyen canadien s’il vivait au Canada pendant trois ans. Toutefois, s’il est apatride, quel statut pourrait-il utiliser pour vivre au Canada ? Pourrait-il même voyager au Canada? 

On pourrait régler tout simplement les deux situations mentionnées ci-dessus en supprimant le sous-article 11 (d) (c’est-à-dire la condition de résidence de trois ans au Canada). 

Nous attirons aussi l’attention sur le fait que la limite d’âge de moins de 28 ans semble arbitraire. Devrions-nous ignorer les personnes apatrides âgées de 28 ou de 29 ans, si ces personnes sont les enfants de citoyens canadiens?

Finalement, à ce sujet, nous notons que, selon le sous-article 11 (e), exigeant que le demandeur ait toujours été apatride, certaines personnes apatrides seront exclues. Au cours des dernières années, nous avons vu comment des changements politiques ont rendu certaines personnes, qui avaient une citoyenneté, apatrides. Cette situation s’est, par exemple, produite lors du démantèlement de l’URSS. Une personne dont un des parents est canadien ne devrait pas, selon nous, demeurer apatride, simplement parce qu’elle avait une citoyenneté qui a été révoquée. (S’il existe des préoccupations quant au fait que des personnes se rendent admissibles en renonçant à leur citoyenneté, on pourrait les exclure, de façon explicite.)

Tout comme la condition de résidence de trois ans et la limite d’âge, cette limite est tirée de la Convention de 1961. Par contre, la Convention ne mentionne que l’État contractant « peut subordonner l’acquisition de sa nationalité » à ces conditions. Elle ne recommande aucunement l’imposition de ces conditions. Nous ne sommes pas obligés d’établir de telles restrictions. Ces conditions ne sont que minimales, plutôt que maximales. Nous croyons que le Canada peut dépasser les conditions minimales. 

Recommandation : Supprimer les sous-articles 11(c) et (d) et modifier le sous-article (e) pour qu’il mentionne que « la personne est apatride et n’est pas devenue apatride en renonçant à sa citoyenneté ». 

Révocation de la citoyenneté par le processus de délivrance des certificats

Le projet de loi C-18 contient une nouvelle disposition, prenant comme exemple une disposition semblable de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.Cette disposition permettrait à un juge d’un tribunal fédéral de révoquer la citoyenneté d’un ancien immigrant sans que le citoyen puisse connaître toutes les preuves présentées. On ne peut pas en appeler de la décision d’un juge touchant la révocation ni en demander le contrôle judiciaire. 

Le Conseil canadien pour les réfugiés croit que ce processus est fondamentalement injuste, dans le contexte de l’immigration. Nous croyons aussi qu’il est injuste dans le processus de citoyenneté. De plus, il est contraire au principe de l’égalité des citoyens d’avoir un processus par lequel des citoyens, qui ont obtenu leur citoyenneté après avoir immigré au Canada, peuvent perdre cette citoyenneté sans pouvoir connaître les preuves présentées et sans pouvoir faire appel de cette décision. Les personnes nées au Canada ne sont pas assujetties à ce processus. 

Recommandation :Supprimer l’article 17. 

Annulation de la citoyenneté 

Grâce au projet de loi C-18, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration détient de nouveaux pouvoirs lui permettant d’annuler la citoyenneté. Les citoyens canadiens qui ont obtenu leur citoyenneté après avoir immigré au Canada peuvent donc perdre leur citoyenneté sans recours et même sans droit d’audience. 

Les nouveaux pouvoirs permettant d’annuler la citoyenneté se trouvent dans l’article 18. Grâce à cet article, le ministre peut annuler la citoyenneté d’une personne, au cours des 5 années suivant l’obtention de la citoyenneté, si le ministre croit que la personne n’est pas admissible ou a obtenu la citoyenneté en utilisant une fausse identité. 

Pour ce qui est de cette disposition qui permet l’annulation d’une citoyenneté qui n’aurait jamais dû être octroyée, elle semble raisonnable et intéressante. Par contre, dans certains cas il est loin d’être simple et direct à déterminer si la citoyenneté a été obtenue de façon illégitime. Par exemple, un citoyen peut être faussement accusé d’avoir utilisé une fausse identité par une personne lui en voulant ou par un gouvernement étranger qui désire le persécuter. Le projet de loi lui-même prévoit que la personne pourrait avoir des arguments à présenter pour se défendre. Cette dernière devrait recevoir un avis et pourrait fournir des observations écrites. Toutefois, qui fait un choix entre les arguments du ministre, qui croit que la citoyenneté a été obtenue de façon illégitime, et ceux du citoyen, qui est en désaccord ? C’est le ministre. Un système dans lequel l’accusateur est aussi le juge ne protège certainement pas les intérêts de la justice. 

Le citoyen dont la citoyenneté peut être annulée ne peut même pas connaître toutes les preuves dont se sert le ministre pour annuler sa citoyenneté. Selon le projet de loi, le citoyen ne recevra qu’un « résumé des motifs de l’ordonnance proposée ». 

De plus, le projet de loi n’indique pas que le ministre doit être convaincu, hors de tout doute raisonnable, que la citoyenneté a été obtenue de façon illégitime. Le ministre n’a qu’à être « satisfait ». Cette situation établit une norme peu élevée qui permet l’annulation de la citoyenneté, même dans les cas où les opinions peuvent être légitimement différentes. Elle nuit à la possibilité d’utiliser des recours efficaces devant les tribunaux, puisque ces tribunaux sont, habituellement, forcés d’accepter la décision du ministre, car ce dernier est « satisfait ». 

Le processus décrit dans le projet de loi courant permettant d’annuler la citoyenneté n’est pas conforme aux normes internationales, en termes de solution adéquate. Des problèmes sérieux sont présents. Les conséquences des décisions auront un impact important sur la vie des personnes touchées. Cette situation doit être reflétée dans les normes de justice offertes en matière de procédure.

Recommandation : Modifier le projet de loi de façon à ce que les décisions touchant l’annulation soient prises par un décideur indépendant, avec le droit à des audiences et des recours complets, y compris le droit à un avis, à la divulgation et à l’assistance d’un avocat. 

Les pouvoirs du Cabinet pour refuser la citoyenneté sont trop vastes

Grâce au projet de loi C-18 (articles 21 et 22), le Cabinet peut refuser d’octroyer la citoyenneté en se fondant sur le fait qu’une personne « a fait preuve de non-respect flagrant et important des principes et des valeurs qui sont le fondement d’une société libre et démocratique ». La documentation du gouvernement cite les personnes qui commettent des crimes haineux ou les personnes qui violent les droits de la personne comme exemples de personnes contre lesquelles on peut utiliser la disposition. Le Conseil canadien pour les réfugiés s’est engagé à combattre les crimes haineux et les violations des droits de la personne. Malgré tout, la disposition est préoccupante. Puisqu’il n’existe aucune définition des principes et des valeurs, le Cabinet pourrait les interpréter de plusieurs façons. Les gouvernements futurs pourraient avoir des idées différentes des personnes auxquelles nous devrions refuser la citoyenneté. 

De plus, l’absence de recours représente une préoccupation.Les principes et les valeurs qui sont le fondement d’une société libre et démocratique incluent le droit à un traitement équitable, tel que mesuré par des normes claires. Une discussion à huis clos du Cabinet, sans accès au processus et sans aucune définition claire des conduites inacceptables, ne correspond pas à la définition d’un traitement équitable. 

L’article 28 comprend une longue liste d’interdictions, y compris des interdictions touchant les personnes qui ont commis des crimes ou qui ne sont pas admissibles selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (par exemple, pour des violations des droits de la personne). S’il existe d’autres catégories de personnes que le gouvernement désire exclure de l’octroi de la citoyenneté, ce dernier devrait les ajouter à l’article 28, plutôt qu’aux pouvoirs spéciaux du Cabinet.

Recommandation : Supprimer les articles 21 et 22. 

Interdictions

L’article 28 comprend une liste étendue des interdictions contre l’octroi de la citoyenneté. Les alinéas 28(c) et (d) sont particulièrement préoccupants pour les réfugiés. Ces alinéas portent sur les accusations et les condamnations à l’extérieur du Canada. Dans certaines parties du monde, elles font partie des tactiques de persécution pour accuser faussement les opposants d’un gouvernement de crimes graves. Au Canada, les réfugiés peuvent obtenir une protection, car ils fuient des accusations fausses ou des condamnations injustes dans leurs pays d’origine. Il serait extrêmement injuste d’offrir une protection à des personnes accusées faussement, puis de leur refuser la citoyenneté en raison de ces mêmes fausses accusations. Les personnes qui sont arrivées au Canada sans être réfugiées peuvent aussi avoir été accusées ou condamnées faussement dans leur pays d’origine, car elles peuvent s’être faites des ennemis en dénonçant l’injustice. 

Recommandation : Modifier les sous-articles 28(c) et (d), afin d’inclure une exception pour les accusations injustes ou les condamnations qui ont été prononcées dans le cadre d’un processus inéquitable. 

RECOMMANDATIONS


1.Ajouter une disposition indiquant qu’une personne est citoyenne canadienne si la demande pour conserver la citoyenneté de la mère, qui a donné naissance à l’étranger, a été acceptée, conformément à l’article 14.

2.Prendre les mesures nécessaires pour que le Canada signe la Convention de 1954 relative au Statut des apatrides.

3.Ajouter une disposition indiquant que la Loi doit être interprétée d’une manière conforme au principe de réduction de l’apatridie.

4.Modifier l’article 14, de façon à inclure une exception à la règle sur la révocation de la citoyenneté si la personne risquait de devenir apatride.

5.Supprimer le sous-article 11(c) (« moins de 28 ans ») et (d) (résidence au Canada) et modifier le sous-article (e) pour qu’il mentionne que « la personne est apatride et n’est pas devenue apatride en renonçant à sa citoyenneté ».

6.Supprimer l’article 17 (révocation de la citoyenneté par le processus de délivrance des certificats). 

7.Modifier le projet de loi de façon à ce que les décisions touchant l’annulation soient prises par un décideur indépendant, avec le droit à des audiences et des recours complets, y compris le droit à un avis, à la divulgation et à l’assistance d’un avocat.

8.Supprimer les articles 21 et 22 (refus de la citoyenneté en se fondant sur le fait qu’une personne « a fait preuve de non-respect flagrant et important des principes et des valeurs qui sont le fondement d’une société libre et démocratique ».

9.Modifier le sous-article 28(c) (accusations criminelles à l’étranger) et 28 (d) (condamnation à l’extérieur du Canada), afin d’inclure une exception pour les accusations injustes ou les condamnations qui ont été prononcées dans le cadre d’un processus inéquitable.

Mémoire au Comité permanent de la Citoyenneté et de l'immigration sur le Projet de loi C-63 (Nouvelle loi sur la citoyenneté proposée)

MÉMOIRE AU COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION SUR LE PROJET DE LOI C-63 (NOUVELLE LOI SUR LA CITOYENNETÉ PROPOSÉE) AVRIL 1999


Introduction
Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) est une organisation-cadre vouée à la protection des réfugiés au Canada et à travers le monde et à l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada. Environ 140 organisations des quatre coins du Canada sont membres du CCR. Nous avons pour but le respect intégral des droits des nouveaux arrivants et l'intégration sociale réussie des réfugiés et des immigrants au Canada.

Le projet de loi C-63 propose un certain nombre de modifications à la Loi sur la citoyenneté qui nous préoccupent puisqu'elles compromettraient gravement le droit des nouveaux arrivants d'être traités équitablement et nuiraient à leur intégration.

Cependant, nous tenons d'abord à vous signaler que nous sommes heureux que le gouvernement ait décidé de ne pas donner suite à la proposition formulée à plusieurs occasions de retirer le droit automatique à la citoyenneté à ceux qui sont nés au Canada. Nous nous sommes vigoureusement opposés à cette proposition qui allait à l'encontre d'un principe national fondamental sur lequel repose le succès du Canada comme pays composé en grande partie d'immigrants : le principe selon lequel quiconque est né ici jouit de droits égaux à la citoyenneté. Se sont également opposées à la proposition plus de 230 autres organisations de partout au Canada qui, comme nous, déploraient la xénophobie que dénotait la suggestion que certains enfants nés au Canada ne sont pas les bienvenus à cause de leur ascendance.

Création d'une catégorie de citoyens de deuxième ordre
Même si le projet de loi C-63 ne change rien aux droits à la citoyenneté acquis en naissant, il mine à d'autres égards l'accueil que le Canada réserve aux nouveaux arrivants et creuse les inégalités entre les citoyens. Le projet de loi C-63 crée en réalité une catégorie de citoyens de deuxième ordre en permettant au gouvernement de dépouiller les citoyens naturalisés de leur citoyenneté sans que leur soit offerte la protection des voies de droit régulières.

Le projet de loi C-63 confère à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration le pouvoir d'annuler la citoyenneté et élargit les mesures de révocation de la citoyenneté. Cela veut dire que les citoyens canadiens nés à l'extérieur du Canada peuvent perdre leur citoyenneté, même après avoir vécu au Canada pendant de nombreuses années, sans pouvoir recourir aux voies de droit régulières et dans certains cas, sans même avoir droit à une audience.

Les pouvoirs complètement nouveaux d'annulation de la citoyenneté sont définis à l'article 18. Celui-ci permettrait à la ministre d'annuler la citoyenneté d'une personne, dans les cinq années suivant la date d'attribution, si elle est convaincue qu'elle n'y avait pas droit ou qu'elle l'a obtenue en utilisant une fausse identité. Cette disposition peut paraître raisonnable et attrayante dans la mesure où elle prévoit l'annulation de la citoyenneté parce qu'elle n'aurait jamais dû être attribuée. Toutefois, il n'est pas toujours facile de déterminer si la citoyenneté a été acquise illégitimement. Le projet de loi lui-même prévoit que l'intéressé pourrait avoir quelque chose à dire pour sa défense : il propose qu'il soit avisé de la situation et qu'il ait l'occasion de présenter des observations écrites. Mais devant les arguments de la ministre qui croit que la citoyenneté a été acquise illégitimement et ceux du citoyen, qui n'est pas d'accord, qui tranchera ? La ministre. Un système à l'intérieur duquel l'accusateur est aussi le juge ne sert évidemment pas les intérêts de la justice.

Qui plus est, le projet de loi ne précise pas que la ministre doit être convaincue hors de tout doute raisonnable que la citoyenneté a été obtenue illégitimement. Elle n'a qu'à en convaincue. La citoyenneté pourrait ainsi être annulée même dans les cas où il pourrait y avoir divergence d'opinions. Le projet de loi mine en réalité la possibilité d'un recours aux tribunaux puisqu'ils seront forcés de s'en remettre à la décision de la ministre quant à savoir si elle est « convaincue ».

L'actuelle Loi sur la citoyenneté prévoit déjà la révocation de la citoyenneté si elle a été acquise par la représentation erronée, la fraude ou la dissimulation délibérée de faits essentiels. Rien ne justifie l'ajout de l'article 18.

Le projet de loi C-63 propose certaines modifications aux règles régissant la révocation de la citoyenneté. Le mot «délibérée » est supprimé du membre de phrase «dissimulation délibérée de faits essentiels ». Le gouvernement propose ainsi de révoquer la citoyenneté de citoyens qui ont fait à leur insu une erreur dans leur demande originale.

La Loi précise que toute représentation erronée, fraude ou dissimulation dans la demande de résidence permanente peut constituer un motif.

Toutes sortes de circonstances peuvent mener à une conclusion de représentation erronée, dont certaines s'expliquent par une erreur de bonne foi, un mauvais conseil ou des choix difficiles pour des personnes sous pression. À cause des circonstances, les réfugiés particulièrement risquent de commettre de telles erreurs. Tandis que les immigrants peuvent en général exercer un certain contrôle sur leur demande de résidence permanente, les réfugiés ont été forcés de s'enfuir, ont perdu la plus grande partie ou la totalité de leurs biens, y compris leurs documents, et font leur demande à un moment où d'intenses pressions s'exercent sur eux, où ils vivent dans des conditions précaires, où ils n'ont guère accès, sinon pas du tout, à des conseils éclairés et où, dans bien des cas, leur vie dépend du sort qui sera réservé à leur demande.

Prenons, par exemple, Sara [ce n'est pas son vrai nom], une réfugiée iraquienne qui a été emprisonnée dans un pays voisin parce que sa présence dans ce pays de refuge n'était pas autorisée. Elle a été sauvée de la prison par des représentants canadiens et réétablie au Canada. Juste avant de partir pour le Canada, elle a épousé son fiancé de longue date. Elle aurait dû en aviser Immigration Canada, mais elle ne l'a pas fait sur les conseils d'un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Elle a été mal conseillée, mais la «dissimulation de faits essentiels » ne dénotait aucune malveillance. Cependant, à cause de cette erreur, jusqu'à la fin de ses jours, elle vivra dans la crainte que le gouvernement essaie de lui enlever son statut de citoyenne canadienne et de résidente permanente.

Son cas est loin d'être unique. Il y en a bien d'autres. Pensons aux familles de réfugiés qui ont un enfant pendant qu'elles attendent qu'Immigration Canada ait terminé le traitement de leur dossier, ainsi qu'aux femmes réfugiées qui sont choisies aux fins de réinstallation au Canada et sur qui d'intenses pressions sont exercées pour qu'elles se marient afin qu'un autre réfugié puisse être réinstallé. Il est rare que ces gens reçoivent de bons conseils et des explications claires sur les exigences du droit canadien. Pourtant, la Loi sur la citoyenneté ne fait aucune distinction entre ce genre d'erreur et la fraude volontaire. Le projet de loi C-63 propose d'aller plus loin encore pour prendre au piège d'innocentes victimes en faisant de la dissimulation à son insu un motif de révocation de la citoyenneté. Même s'ils sont citoyens canadiens depuis des dizaines d'années, une simple erreur faite avant même que ces gens viennent au Canada peut revenir les hanter.

Selon le paragraphe 16(4), la révocation de la citoyenneté pourrait maintenant viser également les enfants ou d'autres personnes à charge. Les enfants ne devraient pas avoir à subir les conséquences des erreurs de leurs parents. Le Ministère a donné à entendre que la disposition ne s'appliquerait normalement pas dans les cas où les enfants seraient au Canada depuis longtemps, mais le projet de loi n'offre aucune protection en ce sens. Il fait en sorte qu'il serait possible pour des citoyens qui ont grandi au Canada et qui ont passé la plus grande partie de leur vie ici de voir leur citoyenneté révoquée en raison d'une erreur ou d'une action frauduleuse dont ils étaient entièrement innocents.

Le CCR recommande que l'article 18 soit supprimé et que les dispositions actuelles relatives à la révocation de la citoyenneté ne soient pas modifiées de la manière prévue, au détriment des droits des citoyens.

Renforcement des exigences en matière de résidence pour l'obtention de la citoyenneté
Si le projet de loi C-63 est adopté, les demandeurs de la citoyenneté ne pourront plus faire entrer le temps passé au Canada avant de devenir résidents permanents dans le calcul des trois années de résidence requises. Cela créera des difficultés particulières pour les réfugiés, les personnes acceptées dans le cadre d'évaluation des risques de retour ou pour des considérations humanitaires et les conjoints parrainés. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi le temps passé au Canada avant de devenir résident permanent ne devrait pas continuer à compter pour l'obtention de la citoyenneté étant donné que, même s'ils n'ont pas de statut permanent, les gens qui vivent ici apprennent à connaître le pays et développent en sentiment de loyauté. Nous constatons que les dispositions actuelles permettent que soient calculées comme des demi-journées seulement les journées passées au Canada avant de devenir résident permanent, ce qui dénote l'importance spéciale au statut de résident permanent.

Ils peuvent avoir attendu patiemment ( ou impatiemment ) une audience dans le cadre du processus de reconnaissance du statut de réfugié. Ils peuvent avoir passé des mois frustrants, voire des années, à attendre le traitement de leur demande de résidence permanente. Est-ce juste de pénaliser encore plus les réfugiés pour les retards dans notre processus ?

Certains réfugiés se sont vu imposer des périodes d'attente particulièrement longues pour des raisons échappant à leur contrôle. Le gouvernement évalue à 13 000 le nombre des réfugiés au sens de la Convention qui sont prisonniers d'un vide juridique, incapables de devenir résidents permanents parce que la loi canadienne les oblige à produire des pièces d'identité. La plupaart de ces réfugiés sont des Somaliens et des Afghans, des réfugiés de pays où il n'y a pas en place de gouvernement qui pourrait leur fournir des pièces d'identité. La catégorie de réfugiés au sens de la Convention non munis de documents leur offre une possibilité de résidence permanente après cinq années d'attente à partir de la date où ils obtiennent la reconnaissance du statut de réfugiés. Il y a aussi d'autres réfugiés pour qui il n'existe pas de programme et qui devront attendre indéfiniment - par exemple, les réfugiés kosovars qui ne peuvent pas produire de pièces d'identité parce que les autorités gouvernementales détruisent systématiquement toute preuve de leur identité dans leurs efforts de persécution.

Parce qu'ils sont tenus de produire des pièces d'identité, les réfugiés sont couramment forcés d'attendre sept ans ou plus longtemps encore après leur arrivée au Canada avant de se voir accorder le statut de résident permanent. En vertu du projet de loi proposé, il leur faudrait ensuite attendre trois années de plus pour pouvoir faire une demande de citoyenneté. Cela ajouterait encore davantage à la discrimination dont sont victimes certaines communautés au Canada, discrimination qui les empêche de devenir membres à part entière de la société.

D'autres réfugiés sont confrontés à des délais, qui se prolongent parfois pendant de nombreuses années, soit parce qu'ils ne peuvent recueillir l'argent nécessaire pour payer les droits de résidence permanente ( frais de traitement de 500 $ par adulte et de 100 $ par enfant en plus des droits de 975 $ exigés par adulte pour l'établissement ) soit parce que le triage sécuritaire prend un temps extrêmement long.

Les réfugiés viennent au Canada non pas comme visiteurs, mais parce qu'ils sont forcés de s'y faire une nouvelle vie. Ils sont immédiatement plongés dans les réalités de la vie quotidienne au Canada : s'y retrouver dans les systèmes de santé et sociaux, trouver et meubler une maison, chercher du travail, aller à l'école. Il en est de même pour les gens qui viennent au Canada retrouver leur conjoint ou pour ceux qui sont acceptés à l'issue de l'examen des risques. Il est tout à fait illogique de penser que tout ce temps et toute l'expérience acquise ne compteraient pour rien dans l'obtention de la citoyenneté canadienne parce qu'ils n'ont pas encore le statut de résident permanent.

L'acquisition de la citoyenneté revêt une importance particulière pour les réfugiés. Un grand nombre d'entre eux tiennent énormément à la sécurité que garantit la citoyenneté. Cela est particulièrement vrai pour les réfugiés qui ont subi des traumatismes très graves, en raison de tortures ou d'autres formes de violence organisée. Les réfugiés qui, avant leur arrivée au Canada, ont pendant des années vécu une existence marginale dnas des camps de réfugiés ou sont allés de pays en pays munis de permis temporaires, désirent fortement avoir un endroit où ils peuvent vraiment être chez eux. Tous les réfugiés ont d'une façon ou d'une autre été rejetés par leur pays d'origine qui n'a pas su les protéger et ont donc particulièrement hâte d'être adoptés entièrement et officiellement par leur nouveau pays. Bon nombre d'entre eux sont en réalité des apatrides. Pour toutes ces raisons, il serait cruel d'imposer une période d'attente additionnelle pour l'obtention de la citoyenneté comme le veut le projet de loi C-63.

Le CCR recommande le maintien des dispositions actuelles selon lesquelles le temps passé au Canada avant l'obtention de la résidence permanente compte.

Renforcement des exigences linguistiques
Le projet de loi C-63 imposera des exigences linguistiques plus rigoureuses aux demandeurs de la citoyenneté en exigeant qu'ils démontrent une connaissance du Canada sans l'aide d'un interprète.

Le CCR est complètement dévoué à la promotion de l'acquisition des langues officielles par les nouveaux arrivants et croit que la capacité de parler le français ou l'anglais est essentielle à l'intégration. Néanmoins, il importe de tenir compte des expériences et situations différentes que chacun a vécues. Tous les nouveaux arrivants ne sont pas capables d'apprendre une langue assez bien pour pouvoir discuter de questions plutôt complexes comme le mécanisme de votation.

Nous craignons que les changements proposés aux règles actuelles ne pénalisent certaines personnes vulnérables qui pourraient avoir de la difficulté à apprendre une nouvelle langue, par exemple les personnes âgées, les victimes de torture ou d'autres personnes gravement traumatisées.

La loi actuelle exige déjà des demandeurs qu'ils aient une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada. Nous croyons qu'une « connaissance suffisante » est en fait adéquate.

Le CCR recommande que la proposition de retirer aux demandeurs le droit à l'aide d'un interprète pour montrer leur connaissance du Canada soit abandonnée.

Perte du pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision
En vertu du projet de loi C-63, les décisions au sujet de la citoyenneté seront désormais prises, non plus par un juge de la citoyenneté jouissant de pouvoirs discrétionnaires, mais par un fonctionnaire devant s'en tenir à des lignes directrices précises. Nous craignons que cela atténue la capacité de tenir compte de considérations humanitaires. Par exemple, les demandeurs peuvent avoir des raisons impérieuses de demander la citoyenneté, mais ne pas satisfaire à l'exigence de trois années de résidence physique parce qu'ils ont dû quitter le Canada pour s'occuper de parents malades. La loi actuelle prévoit aussi que compte peut être tenu de considérations humanitaires de diverses autres façoons et les juges de la citoyenneté sont bien placés pour exercer ce pouvoir discrétionnaire. Par exemple, un réfugié très traumatisé de moins de 18 ans peut rechercher la sécurité qu'offre la citoyenneté. Certaines personnes qui ont de la difficulté à apprendre une nouvelle langue, comme nous l'avons dit ci-dessus, peuvent être exemptées de l'application des exigences linguistiques. Un juge de la citoyenneté peut faire des exceptions dans de tels cas. Le projet de loi C-63 préserve la possibilité d'exercer un pouvoir discrétionnaire (par. 6(3)), mais nous ne savons pas très bien comment un demandeur qui ne traite qu'avec un fonctionnaire pourra obtenir qu'il tienne compte de sa situation particulière. D'après notre expérience, les fonctionnaires sont beaucoup moins prêts que les décideurs indépendants à aller au-delà des règles ordinaires relatives aux considérations humanitaires.

Le CCR recommande que le projet de loi soit modifié de manière à permettre une plus grande souplesse et l'exercice d'un plus grand pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision.

Le pouvoir du Cabinet de refuser la citoyenneté est trop vaste
Le projet de loi C-63 confère au Cabinet le pouvoir de refuser la citoyenneté dans « l'intérêt national » sans donner de définition de ce terme. Cela ouvre la porte à des dénis hautement politiques de la citoyenneté. Le demandeur n'a pas accès aux voies de droit régulières. La notion de « l'intérêt national » n'est pas définie et, même si elle l'était, il serait difficile d'imaginer comment elle pourrait être définie de manière à ne pas poser de problème.

Le CCR recommande la suppression de cette proposition.

Apatridie
Le CCR est préoccupé par la persistance et l'aggravation du problème de l'apatradie à l'échelle mondiale et exhorte le gouvernement à modifier le projet de loi de manière à s'assurer qu'il ne contribue pas à faire augmenter le nombre des apatrides. Même si les dispositions relatives à l'acquisition de la citoyenneté par ascendance permettent au Canada de s'acquitter de ses obligations découlant de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie, nous craignons que des gens dont les parents sont Canadiens ne deviennent apatrides.

Par exemple, prenons le cas hypothétique d'un Canadien qui est né à l'extérieur du Canada et qui épouse une citoyenne d'un autre pays. Ils ont une fille qui acquiert les deux nationalités. Celle-ci grandit et vit dans cet autre pays, mais, à l'âge de 26 ans, elle est forcé de s'enfuir de ce pays comme réfugiée et on lui enlève sa citoyenneté. En tant que citoyenne canadienne, elle pourrait venir au Canada, mais, lorsque'elle aura 28 ans, elle perdra sa citoyenneté canadienne et deviendra apatride parce qu'elle n'aura pas vécu au Canada pendant trois ans (art. 14).

Le CCR recommande que le projet de loi définisse l'objectif de la prévention de l'apatridie et élargisse les dispositions relatives à l'attribution de la citoyenneté afin que tout enfant dont la mère ou le père est canadien et qui serait autrement apatride se voit accorder la citoyenneté canadienne.
 

Proposition pour la régularisation des individus et familles sans statut



  1. Tous les êtres humains ont des droits fondamentaux, tels que reconnus par les instruments internationaux des droits de la personne signés par le Canada et par la Charte canadienne des droits et libertés. L’arrêt Singh de la Cour suprême du Canada en 1985 a confirmé que les droits fondamentaux protégés par la Charte s’appliquent aux non citoyens au Canada. Les obligations du Canada envers les non citoyens incluent celle de respecter leurs droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques.
  2. On ne respecte pas les droits fondamentaux des personnes sans statut au Canada, notamment en ce qui concerne l’accès à la santé, l’éducation, les possibilités d’emploi à temps plein et dans la protection contre la discrimination. Elles sont vulnérables à plusieurs formes d’abus parce que souvent la loi ne les protège pas, que ce soit en principe et/ou en pratique.
  3. L’existence d’immigrants sans statut est le résultat de l’injustice, des inégalités et des restrictions que l’on retrouve dans notre système d’immigration et de protection des réfugiés. Tout plan de régularisation devrait aussi répondre à certains de ces problèmes systémiques.
  4. Les gens se retrouvent sans statut au Canada pour plusieurs raisons. Cependant, la plupart de ces raisons sont liées au fait que ces personnes ont été opprimées sur la base de leur race, leur genre, leur statut social, leur statut économique et/ou une déviation des normes de genre et de sexualité.
  5. Les situations suivantes, entre autres, demandent une attention particulière :
    1. Les réfugiés qui auraient dû recevoir la protection mais qui ont été refusés à cause de défauts dans le système de détermination.
    2. Survivants de la traite des personnes.
    3. Personnes dont certains membres de la famille ont le statut de réfugié ou de résident permanent au Canada. Le Canada devrait respecter pleinement ses obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant en considérant tout d’abord l’intérêt supérieur de l’enfant et en s’assurant que les familles ne soient pas séparées. De plus, on devrait reconnaître ce qu’on appelle au Canada la « famille élargie », ce qui dans plusieurs communautés reflète des liens forts et positifs avec ses frères, sœurs, tantes, oncles, cousins, grands-parents et petits enfants.[1]
    4. Personnes apatrides.
    5. Personnes (souvent des femmes) qui étaient sous parrainage familial mais qui ont laissé leur époux ou épouse à cause de violence domestique.
    6. Survivants de viol ou de torture qui risquent d’être renvoyés dans le pays où ils ont subi viol ou torture.
    7. Personnes dont l’expulsion du Canada impliquerait de sérieuses violations des droits de la personne (par exemple, des personnes ayant un problème médical grave dont le traitement est disponible au Canada mais ne l’est pas dans le pays vers lequel elles seraient déportées).
    8. Personnes venant de pays vers lesquels le Canada n’effectue généralement pas d’expulsions à cause d’une situation de risque généralisé (pays sous moratoire).
    9. Personnes qui sont au Canada sans interruption depuis plusieurs années.
    10. Personnes intégrées au Canada non pas dans une perspective économique étroite mais en tenant compte aussi de leur intégration sociale, culturelle et familiale.
    11. Personnes qui ont travaillé pendant un certain temps dans le cadre de programmes de travail temporaire, notamment comme travailleurs agricoles saisonniers.
  6. Les mécanismes de régularisation devront nécessairement inclure le contrôle sécuritaire pour les demandeurs de résidence permanente, en conformité avec la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le traitement de ces demandes devrait être mis en application selon les règlements officiels pour toutes autres demandes et être complété rapidement.
  1. Protection des réfugiés
    Mettre en place immédiatement la Section d’appels des réfugiés (SAR) prévue spécifiquement par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Tous les cas de réfugiés refusés devraient être révisés par la SAR et il devrait y avoir une suspension temporaire des expulsions pendant ce processus de révision.
  2. Ressortissants de pays sous moratoire
    Créer une catégorie reglémentaire permettant aux ressortissants de pays sous moratoire qui ont vécu au Canada pendant trois ans de faire une demande de résidence permanente.
  3. Survivants de la traite des personnes
    Créer une catégorie reglémentaire permettant aux survivants de la traite des personnes de faire une demande de résidence permanente.
  4. Travailleurs agricoles saisonniers
    Donner l’occasion aux travailleurs agricoles saisonniers de faire une demande de résidence permanente de façon similaire au Programme des aides familiaux résidants.
  5. Une plus grande flexibilité dans le traitement des demandes comportant des considérations humanitaires
    1. Traitement rapide : Traiter rapidement toutes les demandes comportant des considérations humanitaires.
    2. Difficultés démesurées : Éliminer le critère de « difficultés démesurées ». En ce moment, les demandeurs doivent montrer que s’ils devaient retourner dans leur pays d’origine, ils feraient face à des difficultés démesurées. Les difficultés démesurées sont habituellement interprétées comme étant équivalentes au risque à la vie ou à la sécurité.
    3. Intégration réussie : Éliminer l’interprétation strictement économique de ce critère et considérer plutôt aussi des facteurs comme l’intégration sociale, culturelle et familiale (c’est-à-dire les liens avec les communautés dans lesquelles les personnes sans statut vivent, apprennent, travaillent et pratiquent leur religion).
    4. Droits de l’individu : Traiter toutes les demandes en tenant compte des obligations du Canada en vertu des textes internationaux et de la Charte afin de protéger les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques de l’individu.
    5. Apatridie : Le fait qu’une personne est de jure ou de facto apatride devrait en tant que tel être un facteur décisif démontrant des considérations humanitaires.
    6. Parrainage : Reconnaître la valeur d’un parrainage de la part d’un employé, syndicat, groupe de foi, communauté ou organisation non gouvernementale étant capable à la fois de se porter garant du demandeur et de soutenir la continuation de son intégration au Canada. Les membres de la famille immédiate et élargie peuvent aussi constituer des garants potentiels.
    7. Victimes de violence conjugale : Les personnes qui ont quitté un garant à cause de violences conjugales devraient recevoir la résidence permanente sur la base de considérations humanitaires.
    8. Survivants de viol et de torture : Les personnes ayant survécu au viol ou à la torture devraient normalement recevoir la résidence permanente sur la base de considérations humanitaires afin d’éviter le retour au pays où elles ont été violées ou torturées.
    9. Durée du séjour au Canada : La durée du séjour passé au Canada est un facteur favorisant l’obtention de la résidence permanente sur la base de considérations d’ordre humanitaire. Les personnes qui ont été sans interruption au Canada pendant trois ans devraient normalement recevoir la résidence permanente. Cependant, le fait qu’une personne n’ait pas été longtemps au Canada ne devrait pas être un argument contre l’obtention de la résidence lorsqu’il y a d’autres facteurs d’ordre humanitaire.
  6. Parrainage familial à l’intérieur du Canada
    Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a créé en février 2005 des changements qui permettent le parrainage au Canada d’un époux ou d’une épouse sans statut. Bien que ces changements soient bienvenus et positifs, nous croyons que cette décision exclut d’autres personnes qui devraient avoir le droit de participer à un tel processus.

    Ces changements ne permettent pas le parrainage au Canada d’un époux ou d’une épouse sans statut qui fait face à une procédure d’expulsion. Nous suggérons que de tels cas devraient être revus afin que les époux et épouses sans statut qui font face à une mesure d’expulsion non reliée à des préoccupations en matière de sécurité puissent continuer à être parrainés.

    Nous suggérons aussi que le programme de parrainage familial soit élargi afin de reconnaître le parrainage au Canada d’autres membres de la famille immédiate (les enfants par exemple) ou élargie qui vivent et travaillent déjà ici sans statut. Les membres de la famille tels que frères et sœurs, oncles et tantes, devraient être reconnus comme garants légitimes d’autres membres de leur famille et on devrait dès maintenant leur permettre de parrainer des membres de leur famille élargie qui vivent au Canada sans statut.
  7. Programme de modification du statut
    Dans le cas de personnes dont la situation ne tombe pas nécessairement dans l’une des catégories ci dessus, nous suggérons au gouvernement d’introduire un programme de modification du statut, de la même façon qu’en 1972, afin que quiconque étant déjà au Canada à une certaine date (par exemple, deux ans auparavant) puisse faire une demande de statut.
  1. Pas de date limite
    Nous croyons qu’imposer une date limite à tout programme de régularisation créera un stress et une pression additionnels qui ne sont pas nécessaires pour les gens sans statut qui devront alors se battre pour faire leur demande avant la date prévue; mettra un poids sur les organisations non gouvernementales qui seront inondées de demandes d’aide afin de préparer la demande à temps; et imposera aussi un poids additionnel à Citoyenneté et Immigration Canada qui fera face au cauchemar de devoir traiter des centaines de cas avec leur ressources existantes limitées. Nous suggérons qu’un processus de régularisation soit offert avec l’entente que ce processus soit une mesure temporaire mais sans date limite, afin d’éviter les problèmes décrits ci-dessus. Nous suggérons que le gouvernement établisse un calendrier pour revoir l’efficacité ou la nécessité d’un tel programme. Nous croyons que ce critère est important afin de donner au processus une bonne chance de réussir. Une tel critère va permettre d’éviter de devoir terminer le processus après une brève période, uniquement parce qu’il ne serait pas possible d’obtenir les résultats voulus ou attendus.
  2. Tests d’ADN
    Il ne devrait y avoir aucune obligation de test d’ADN afin d’établir les liens familiaux biologiques. Les nouveaux immigrants au Canada et plusieurs communautés établies depuis longtemps dans ce pays ont de longues traditions d’adoption et de prise en charge d’enfants de leur famille élargie et d’autres familles. Ils devraient avoir le droit de parrainer de tels enfants, spécialement dans le cas de familles et d’enfants sans statut, sans devoir donner une preuve d’ADN pour établir la preuve d’une relation biologique. Finalement, le coût d’un test d’ADN va bien au-delà des moyens de plusieurs familles et constitue des difficultés inutiles et excessives si ce n’est une barrière insurmontable.
  3. Documents d’identité
    Les personnes qui sont réfugiés ou qui ont fui des circonstances similaires à celles des réfugiés, de même que les personnes sans statut, font face à des défis graves et insurmontables pour ce qui est de fournir des documents d’identité dans les catégories de non réfugié. Les agents devraient recevoir la directive d’accepter des alternatives satisfaisantes comme c’est le cas pour les personnes protégées.
  4. Frais de service
    Les frais de service représentent une barrière pour certains demandeurs, particulièrement dans le cas d’une famille avec plusieurs enfants. Cette exigence devrait être révisée et on devrait donner discrétion à l’agent d’immigration de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter que ces frais deviennent une barrière. Les frais de service devraient être éliminés dans les cas comportant des considérations humanitaires.
  5. Frais relatifs au droit de résidence permanente (précédemment, droits exigés pour l’établissement)
    Le Conseil canadien pour les réfugiés s’est toujours opposé aux frais relatifs à la résidence permanente. Ces frais qui sont déjà supprimés pour les réfugiés, devraient l’être complètement pour tous les immigrants.
  6. Moratoire sur les expulsions
    Nous proposons comme principe général que l’on n’expulse pas un demandeur qui se présente afin de régulariser son statut et ce, au moins jusqu’à la fin du traitement de chaque cas. Afin d’assurer le succès de tout programme, il est important d’assurer au demandeur que le simple fait de se présenter volontairement et de déposer une demande pour régulariser sa situation ne fera pas de lui une cible pour le processus d’expulsion.
  7. Les demandes de tierces parties
    Le programme d’examen administratif de 1983-1985 donne aux demandeurs la possibilité de soumettre leur demande dans l’anonymat, à travers un représentant, pour le processus initial d’évaluation. Un processus similaire encouragerait les demandeurs à se présenter sans avoir peur des répercussions. Donner un rôle aux organisations non gouvernementales (ONG) afin d’aider à soumettre de telles demandes aiderait à rendre ce processus plus facile à gérer. Comme membres du CCR, nous voudrions offrir notre appui à un tel processus, avec l’entente que les ONG prendraient la responsabilité d’examiner les demandes afin d’assurer qu’elles soient complètes. Ceci serait fait dans le but de faciliter le processus et de ne pas exclure des demandeurs.

 

1. Voir aussi la liste de membres dela famille élargie identifiés dans l’Entente sur les tiers pays sûr ainsi que les définitions de la famille contenues dans les présentations de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration.