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Histoire

100 ans d’immigration au Canada 1900 – 1999

Chronologie axée sur les réfugiés et la discrimination

Partie 1 : 1900 - 1949

1900 41 681 immigrants sont admis au Canada.
1896-1905 Clifford Sifton occupe le poste de ministre de l’Intérieur (avec des responsabilités en matière d’immigration). Il œuvre à peupler les prairies d’immigrants agricoles. Pour l’Ouest canadien, il  cherche des fermiers (de préférence en provenance des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, sinon de l’Europe du Nord). L’immigration en ville est découragée (en fait, beaucoup d’immigrants rejoindront rapidement la main-d’œuvre industrielle). "Je pense qu’un paysan vigoureux vêtu d’un manteau de mouton, né sur la terre, dont les aïeux cultivent la terre depuis dix générations, accompagné d’une femme bien en chair et d’une demi-douzaine d’enfants, voilà des recrues de bonne qualité." L’immigration des Américains noirs est activement découragée, souvent sous le prétexte qu’ils sont peu adaptés au climat canadien.
1900-1921 138 000 Juifs immigrent au Canada. Bon nombre d’entre eux sont des réfugiés fuyant les pogroms de la Russie tsariste et de l’Europe de l’Est. Il y a aussi les Doukhobors qui arrivaient de la Russie, où ils subissaient de la persécution.
1900 La taxe pour les immigrants chinois passe de 50$ à 100$. Cette taxe a été introduite en 1885.
1901 Recensement (1)
  • 5 371 315 personnes au Canada dont 684 671 (12.7%) sont immigrants (nés hors Canada).
  • Parmi les immigrants, 57% sont des hommes. Environ un quart sont arrivés au cours des 5 derniers ans; 57% viennent des îles Britanniques , 19% des États-Unis, 5% de Russie, 4% d’Allemagne et 2.5% (17 043 personnes) de Chine, 4 674 du Japon, 1 222 de Syrie, 357 de Turquie, 699 des Antilles. Le seul pays d’Afrique nommé est l’Afrique du Sud avec 128 immigrants.
  • Parmi les immigrants, 55% ont la nationalité canadienne. Seulement 4% des Chinois (668 personnes) étaient citoyens.
1903 La taxe pour les immigrants chinois passe à 500$. De 1901 à 1918, les immigrants chinois paient 18 millions $ (comparé à 10 millions $ dépensés en promotion pour l’immigration européenne).
1906 Loi d’Immigration. Selon Frank Oliver, ministre de l’Intérieur, la Loi vise à "permettre au ministère de l’Immigration de gérer les immigrants indésirables" en fournissant un moyen de contrôle. Les catégories d’immigrants "interdits" sont étendues. La Loi autorise  le gouvernement à déporter des immigrants après deux ans de résidence (sera plus tard étendu à trois, puis cinq ans). Les motifs de déportation incluent le fait de devenir une charge publique, la folie, l’infirmité, la maladie, le handicap, la criminalité et l’immoralité. De telles déportations ont eu cours avant 1905, mais après 1906, avec cette loi, leur nombre augmente drastiquement.
1906-1907 4 700 Indiens, principalement des Sikhs du Pendjab arrivent à Vancouver. Les arrivées de Japonais et de Chinois augmentent (plus de 2 300 Japonais arrivent en 1907). La réaction de la communauté blanche de la Colombie-Britannique est décrite par le ministre de l’Intérieur comme "presque hystérique". "Un défilé anti-asiatique" organisé par la Ligue d’exclusion asiatique se termine en émeute, avec des dégâts énormes dans les quartiers chinois et japonais.
1907 Une délégation gouvernementale partie au Japon signe un accord par lequel le gouvernement japonais limite volontairement l’émigration de Japonais vers le Canada à 400 personnes par an.
1908 La règle du « voyage direct » est imposée par décret.  À l’époque, les navires arrivant de l’Inde et du Japon s’arrêtent à Hawaii. Les sommes d’argent exigées des Indiens à l’arrivée passent de 50 $ à 200 $.
1908 Des amendements sont apportés à la loi sur l’immigration chinoise. La liste de personnes interdites est élargie alors que les catégories de personnes exemptes de la taxe sont restreintes.
1908 Création d’un service d’inspection à la frontière des États-Unis et du Canada.
1910 Loi d’immigration. Cette loi donne un important pouvoir discrétionnaire au gouvernement  pour gérer l’immigration par décrets. L’article 38 permet au gouvernement d’interdire l’admission d’immigrants en vertu de la règle du « voyage direct » ou d’une race jugée inadaptée au climat ou aux exigences du Canada. La loi étend les motifs de déportation pour inclure l’immoralité et les délits politiques (la Section 41). La Loi introduit le concept de "domicile " qui est acquis après trois ans de résidence au Canada (étendu par la suite à cinq ans).
1910 Des fermiers noirs de l’Oklahoma souhaitent émigrer au Canada pour fuir le racisme accru chez eux. Un certain nombre de chambres de commerce et le Conseil municipal d’Edmonton interpellent Ottawa pour empêcher l’immigration noire. En 1911, un décret est rédigé interdisant l’admission « de tout immigrant de race noire, laquelle race est jugée peu adaptée au climat et aux exigences du Canada ». Le décret ne sera jamais proclamé, néanmoins, ce mouvement d’immigration sera efficacement stoppé, notamment par une interprétation stricte des examens médicaux. Sur plus de 1 million d’Américains ayant immigré au Canada entre 1896 et 1911, moins de 1 000 sont des Afro-Américains.
1910-1911 Premier programme d’aide domestique ciblant les Caraïbes : 100 Guadeloupéennes arrivent au Québec.
1911 Recensement.
  • 7 206 643 personnes, dont 22% d’immigrants.
  • Parmi les immigrants, seulement 39% sont des femmes (2% soit 646 des immigrants d’origine chinoise); 49% viennent des îles Britanniques, 19% des États-Unis, 6% de Russie; 223 sont nés en Afrique (hors Afrique du Sud), 211 t des Antilles.
  • Sur les 752 732 immigrants, 47% sont naturalisés dont 9.5% (2 578) de Chinois, 22.5% de Japonais (1 898).
1912-1914 La Dominion Iron and Steel Company envoie deux sidérurgistes barbadiens en Barbade pour recruter des sidérurgistes.
1913 L’immigration a atteint un niveau record de 400 810 nouvelles arrivées (le niveau le plus haut du siècle).
Juin 1914 Un député de la Chambre des communes : "Comment pouvons-nous continuer à encourager le commerce entre le Canada et l’Asie et espérer ensuite empêcher les Asiatiques d’entrer dans notre pays ?"
1914 Le Komagatu Maru arrive de la Chine à Vancouver avec à bord 376 Indiens, auxquels l’accès au Canada est refusé. Après deux mois passé dans le port et suite à un appel infructueux auprès de la Cour suprême de Colombie-Britannique, le bateau repart. Entre 1914 et 1920 seulement un Indien sera admis au Canada comme immigrant.
1914 Adoption de la Loi sur les mesures de guerre, accordant au gouvernement des pouvoirs élargis pour arrêter, détenir et déporter des personnes. Les “ressortissants de pays ennemis” doivent s’enregistrer et sont soumis à de nombreuses restrictions. Durant la guerre, 8 000 à 9 000 "ressortissants de pays ennemi" sont internés. Plusieurs seront par la suite libérés pour combler les pénuries de main-d’œuvre.
1915-19 Immigration très limitée pendant la guerre.
1917 Loi privant de droits civils les "ressortissants de pays ennemi" qui avaient été naturalisés depuis 1902.
1917 Création par décret du Bureau d’Immigration et de Colonisation.
1917 Environ 4 000 Huttériens immigrent en Alberta en provenance du Dakota du Sud, où ils subissent des discriminations en tant que germanophones peu disposés à appuyer les efforts de guerre. Ils sont acceptés par le Canada grâce à un décret de 1899 destiné à l’origine aux Doukhobors.
1918 Les Industrial Workers of the World (Travailleurs industriels du monde - les « Wobblies ») et 13 autres groupes socialistes ou anarchistes sont déclarés illégaux. Un autre décret interdit les publications en finlandais, russe, ukrainien, hongrois et allemand. Pendant plusieurs années, les  « Wobblies » seront une cible prioritaire des activités gouvernementales anti-agitateurs, en raison des craintes de subversion ennemie et de la « menace bolchevique », ainsi que à la pression d’industriels intéressés à contrer le militantisme des travailleurs. Les fonctionnaires d’immigration utilisent toutes les mesures dont ils disposent pour déporter des membres IWW. Par exemple, un homme a été déporté parce qu’il avait « créé une agitation et une perturbation en préconisant ouvertement les opinions de l’IWW » lorsqu’il était dans un train. L’argument légal pour le déporter était qu’il avait créé ou avait essayé de créer une émeute ou un désordre public au Canada (article 41 de la Loi). 
1918-19 À la fin de guerre, des immigrants sont renvoyés de leur travail pour libérer des emplois pour les soldats de retour.
1919 Une Division de Femmes est créée dans les Services de l’immigration. Un programme est développé pour prendre « soin » des femmes célibataires (surtout des Britanniques, dans les années 1920). Le gouvernement veut sauver les femmes de la « ruine ». Les femmes immigrantes qui se sont engagées dans des relations sexuelles en dehors du mariage sont susceptibles d’être déportées (parfois pour raison de prostitution, ou si elles ont un enfant illégitime en raison du fait qu’elles sont devenues une charge publique puisqu’elles seraient en général congédiées).
1919 Des modifications sont apportées à la Loi d’Immigration, ajoutant de nouveaux motifs pour refuser l’entrée et pour la déportation (l’infériorité constitutionnelle psychopathique, l’alcoolisme chronique, l’analphabétisme, etc.). L’article 38 permettait au Cabinet d’interdire toute race, nationalité ou catégorie d’immigrants pour motif « des conditions économiques, industrielles, ou autres existant temporairement au Canada » (le chômage est alors élevé), parce qu’elles étaient inadaptées, ou à cause « de leurs habitudes particulières, de leur mode de vie et de leurs méthodes de détention de biens ». En vertu d’un amendement supplémentaire ajouté à la dernière minute, en réponse à la Grève générale de Winnipeg, dont les leaders sont des activistes britanniques, les ressortissants britanniques sont soumis à la déportation pour des raisons  politiques. Cet amendement particulier sera abrogé en 1928.
Juin 1919 Se basant sur l’article 38 de la Loi d’Immigration, un décret est publié interdisant l’entrée de Doukhobors, de Mennonites et de Huttériens, en raison « de leurs habitudes particulières, de leur mode de vie et de leurs méthodes de détention de biens ».
1919 Amendement à la Loi sur la naturalisation. La citoyenneté pourrait être révoquée dans le cas d’une personne jugée révoltée ou déloyale, ou si elle n’était pas de bonne moralité lors de l’octroi du certificat.
1920 Un fonctionnaire de l’immigration : «À l’heure actuelle, nous sommes à la recherche d’une méthode plus efficace que celle dont nous nous disposons pour empêcher l’arrivée ici d’un grand nombre d’ êtres médiocres en provenance de l’Europe, dont la venue ici est considérée plus à la lumière d’une catastrophe que toute autre chose. »
1921 Recensement
  • 8 787 949 personnes, dont 22% d’immigrants. 44% des immigrants sont des femmes (3% des Chinois et 32% des Italiens); 82% des immigrants sont au Canada depuis 10 ans et plus.  52% sont nés aux Îles britanniques, 19% aux États-Unis, 5% en Russie, 1 760 en Afrique du Sud.
  • Sur les  890 282 immigrants nés en dehors de l’Empire britannique, 58% sont naturalisés. 33 % (3 902) des Japonais étaient des citoyens. Le nombre de Chinois naturalisés a diminué de 2 578 en 1911 à 1 766.
1922 Le Parlement britannique adopte la  « Empire Settlement Act »  : elle offre des voyages subventionnés et de la formation aux couples mariés,  travailleurs agricoles célibataires, domestiques et adolescents âgés de 14 à 17 ans. On a aidé 130 000 immigrants au Canada dans le cadre de cette loi. Un Accord est prévu pour la sélection, la surveillance et l’aide aux travailleuses domestiques. Entre janvier 1926 et le 31 mars 1931, 689 femmes sont arrivées conformément à cet accord.  4.6  % ont été déportées, pour des raisons comme "l’illégitimité", "l’immoralité", "problème médical", "le mariage", "mauvaise conduite" et "condamnation criminelle" (c’étaient les raisons invoquées par le ministère, mais pas nécessairement les bases légales pour les déportations).
Juin 1922 Révocation du décret concernant les habitudes particulières, mode de vie et méthodes de détention de biens tel qu’appliqué aux Mennonites et Huttériens, ouvrant la porte aux Mennonites russes faisant face à la persécution dans la Russie communiste. 20 000 s’établissent au Canada entre 1923 et 1929. Les Doukhobors restent interdits.
Juin 1922 Un amendement à la loi sur l’opium et les narcotiques prévoit la déportation "d’étrangers résidents" (c’est-à-dire les immigrants au Canada depuis 5 ans ou plus) ayant des condamnations liées à la drogue. Cette mesure visait notamment les Chinois. En 1923-1924, 35 % des déportations effectuées par la Division du Pacifique  se fondaient sur ces dispositions.
Janvier 1923 Un décret exclu « tout immigrant de toute race asiatique » à l’exception des agriculteurs, des manœuvres agricoles, des travailleuses domestiques, et des femmes et des enfants d’une personne résidant légalement au Canada.
1923 Fonctionnaire de l’immigration : "il y a des tentatives continuelles par des indésirables de nationalités étrangères et appauvries d’entrer au Canada, mais ces tentatives seront freinées autant que possible à la source. »
1923 Après une période de morosité économique d’après-guerre et de faible niveau d’immigration, on observe un encouragement prudent à l’immigration. La porte s’ouvre aux citoyens de la Grande-Bretagne, des États-Unis et « des pays préférés » (la Norvège, la Suède, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, la Hollande, la Belgique et la France). Seuls les agriculteurs, les manœuvres agricoles, les travailleuses domestiques et les membres de la famille parrainés peuvent être admis de pays « non préférés » : l’Autriche, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la Bulgarie, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie. L’Europe du Sud n’est pas mentionnée.
Juin 1923 Loi d’Immigration chinoise. Cette loi interdit l’entrée à tous les immigrants chinois sauf les diplomates, les étudiants, les enfants de Canadiens et une catégorie d’investisseur. À part des protestations de la communauté chinoise au Canada, il n’y a pratiquement aucune voix d’opposition. Le jour de l’entrée en vigueur de cette Loi - le 1er juillet - est connu par les Canadiens chinois comme « le jour d’humiliation ».
1923-24 Le suicide de trois enfants immigrants mène à une étude par une délégation parlementaire britannique du programme qui a envoyé des enfants au Canada. Certains enfants sont des orphelins, mais la plupart ont laissé des parents derrière eux. Environ 100 000 enfants ont immigré au Canada par ce programme, qui a duré de 1868 jusqu’aux années 1930. En 1925, suite au rapport de la délégation, le gouvernement canadien met fin à l’immigration d’enfants de moins de 14 ans non accompagnés par des parents.
1925 L’entente avec les sociétés ferroviaires est signée entre le gouvernement, le Canadien Pacifique et le Canadien National. Les chemins de fer allaient recruter des immigrants, y compris en provenance des pays « non préférés » de l’Europe centrale et du Nord. Plus de 185 000 Européens du centre de l’Europe entreront au Canada conformément à l’entente (1925-1929).
1929 Le Conseil canadien de colonisation mennonite cherche désespérément à faire entrer 1 000 familles mennonites faisant face à la déportation en Sibérie. Le gouvernement de la Saskatchewan, comme d’autres provinces, les refuse. Finalement 1 300 Mennonites s’installeront surtout en Ontario.
1930 La dépression s’étant installée, un nombre accru de personnes sont déportées pour le motif qu’elles sont « devenues une charge publique ». De 1930 à 1934, 16 765 immigrants sont déportés pour cette raison (plus de 6 fois plus que pendant les 5 années précédentes). Le nombre de déportations pour raison de causes médicales et de criminalité a aussi augmenté.
Sept. 1930 Décret (P.C. 2115) interdisant l’admission « de tout immigrant de toute race asiatique », à l’exception des femmes et des enfants mineurs de citoyens canadiens (peu d’Asiatiques ont accès à la citoyenneté).
1931 Décret exigeant que les Chinois et les Japonais renoncent à leur ancienne citoyenneté avant d’être naturalisés. La loi japonaise ne permettant pas la révocation de la citoyenneté, cette règle avait pour effet d’empêcher la naturalisation des Japonais. De toute façon, depuis 1923, très peu d’Asiatiques ont pu obtenir la naturalisation, le système étant très discriminatoire. 
1931 Recensement
  • 10 376 786 personnes, dont 22% d’immigrants
  • 44% des immigrants sont des femmes (mais 14% des immigrants asiatiques); 67% sont au Canada depuis 10 ans et plus. 49% sont nés aux îles britanniques, 15% aux États-Unis, et moins de 3% en Asie. 40% vivent en région rurale. En provenance d’Afrique, seuls les Sud-Africains sont nommés. 1 296 personnes sont nées en Amérique du Sud. 55% sont naturalisés.
  • En ce qui concerne les origines « raciales » de la population totale, on compte 52% originaire des îles britanniques, 28% de France. Il y a  aussi 156 726 Juifs, 84 548 d’origine « asiatique » et 19 456 « Noirs ». 97.7% de la population est d’origine européenne.
1931 Déportations d’immigrants qui ont organisé ou participé aux grèves ou à d’autres activités syndicales. Le maire de Winnipeg, Ralph Webb, fait campagne pour déporter et empêcher l’admission des communistes et des agitateurs. Il fait pression pour « la déportation de tous les indésirables ».
Mars 1931 Dans le contexte de crise économique, un décret est adopté (P.C. 695) qui limite l’admission aux citoyens américains, aux sujets britanniques et aux agriculteurs ayant des moyens économiques.
Août 1931 Le parti communiste devient illégal en vertu du Code criminel. Les immigrants membres du parti communiste, même s’ils sont naturalisés, peuvent perdre leur citoyenneté canadienne et être déportés.
Fin 1931 La déportation politique est devenue une politique fédérale. Le ministre de la Justice organise une réunion spéciale appuyée par le ministre de la Défense nationale, le commissaire à l’Immigration, le chef d’état-major militaire et le commissaire de la GRC. Le nombre de personnes déportées pour des motifs politiques est inconnu, parce qu’ils peuvent techniquement avoir été déportés pour d’autres raisons (condamnation criminelle, vagabondage ou constituant une charge publique).
Début 1930s La déportation massive de chômeurs (28 097 personnes sont déportées entre 1930 et 1935). Après un tollé, le ministère change sa politique en suspendant les déportations de ceux qui ont trouvé un travail au moment où les mesures d’expulsion sont prêtes.
Mai 1932 Lors d’une «rafle rouge », des leaders de gauche d’un peu partout au Canada sont arrêtés et envoyés à Halifax pour des interrogatoires et des déportations. L’un d’entre eux est un citoyen canadien de naissance. Il poursuit en justice le gouvernement pour détention arbitraire, mais malgré des critiques de la Cour d’appel du Manitoba quant aux abus de procédures, il perd sa cause. Les autres, connus comme les "Dix d’Halifax", perdent leur appel devant la Cour suprême de  la Nouvelle-Écosse bien qu’ait été reconnu le fait que le ministère n’avait pas agi en conformité complète avec la loi. Malgré de vastes protestations, ils sont déportés.
1934 On refuse 94 % de demandes de naturalisation. Des évaluations confidentielles de la GRC mènent aux refus sur la base de l’activisme politique ou syndical ou "du mauvais caractère".
1936 L’immigration devient un volet du ministère des Mines et des Ressources.
1937 Rapport annuel sur l’immigration : « il y a actuellement une grande pression à nos portes pour l’admission de milliers de peuples en détresse d’Europe ».
1938 Un certain nombre d’individus et groupes, y compris l’Église anglicane, l’Église Unie, le YMCA, des clubs de service locaux et la Fédération du commonwealth coopératif (CCF), aussi que des groupes communautaires juifs, invitent le gouvernement à admettre des réfugiés juifs. Ils s’opposent à des groupes tels que les Native Sons of Canada, Leadership League et Canadian Corps.  Les voix antisémites sont particulièrement fortes au Québec.
Mars 1938 F.C. Blair, directeur de l’Immigration Branch (un antisémite, qui s’est personnellement assuré que pratiquement aucun Juif ne soit admis au Canada pendant cette période) : «  Depuis la guerre, des efforts ont été faits par des groupes et des individus pour faire admettre des réfugiés au Canada, mais nous nous sommes battus depuis le début pour nous protéger contre l’admission de telles personnes apatrides sans passeports, pour la raison que, sortant du tourbillon de la guerre, certains d’entre eux sont susceptibles de faire naufrage et quand ils deviennent des charges pour l’état nous devons les garder pour le reste de leur vie. »
Juillet 1938 Le Canada participe (à contrecœur) à la Conférence sur les réfugiés d’Évian. Les représentants canadiens ont des instructions du premier ministre Mackenzie King à l’effet de ne pas soutenir la création d’une structure permanente pour traiter des questions relatives aux réfugiés ou n’importe quelles initiatives visant à engager des pays à accueillir une part des réfugiés.
Oct. 1938 Lors d’une réunion de la Société de la ligue des nations du Canada, le Conseil canadien des réfugiés et des victimes de persécution est mis sur pied. Depuis que le gouvernement a affirmé sa réticence à admettre des réfugiés faute d’appui de la population, le conseil concentre ses efforts sur l’éducation du public, organisant des réunions publiques et publiant une brochure « le Canada devrait-il admettre des réfugiés? » Devant l’échec de ses efforts pour changer les politiques,  le comité intervient dans des cas individuels, parfois avec des résultats positifs. Parmi les réfugiés admis, on retrouve l’industriel tchèque Thomas Bata et 82 de ses ouvriers.
1938 Note à Mackenzie King par les ministères des Affaires extérieures et des Mines et Ressources : « nous ne voulons pas prendre trop de Juifs, mais vu l’état des choses, nous ne voulons pas le dire publiquement. Nous ne voulons pas légitimer la mythologie aryenne en imposant une distinction formelle pour des buts d’immigration entre des Juifs et des non-juifs. La distinction pratique, cependant, doit être faite et devrait être dessinée avec la discrétion et la sympathie du ministère compétent, sans besoin de fixer une minute formelle de politique. »
Nov. 1938 La Grande-Bretagne demande au Canada d’accueillir quelques réfugiés allemands des Sudètes qui ont fui devant les nazis vers Prague. Les compagnies ferroviaires sont envoyées pour examiner l’immigration potentielle de fermiers et de verriers. Le Canada consent à en prendre 1 200, mais demande à la Grande-Bretagne de payer 1 500 $ par famille pour le transport et les coûts d’installation (la Grande-Bretagne avait offert 1 000 $). Tandis que les négociations continuent, l’Allemagne occupe le reste de la Tchécoslovaquie, empêchant la réinstallation de la plupart des réfugiés. 303 familles et 72 hommes célibataires qui avaient précédemment réussi à arriver en Grande-Bretagne sont accueillis en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Ils ont peu ou pas d’expérience agricole, mais il ne leur est pas permis de s’installer dans les villes.
Déc. 1938 En réponse à la crise des réfugiés, le gouvernement rappelle simplement sa politique générale : les réfugiés qui entrent dans les catégories d’immigrants admissibles peuvent venir au Canada.
1939 Le Saint-Louis a navigué de l’Allemagne avec 930 réfugiés juifs à bord. Aucun pays dans les Amériques ne leur permet d’aborder. 44 Torontois en vue envoient un télégramme au premier ministre du Canada le pressant de donner asile aux réfugiés, en vain. Le bateau est forcé de retourner en Europe où plusieurs des réfugiés meurent aux mains des nazis.
1940 Dans une étude comparative sur les déportations en Grande-Bretagne, l’Irlande du Nord, le Canada, l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, C.F. Fraser a mis en évidence que les pratiques du Canada étaient les plus arbitraires et le pouvoir judiciaire canadien apathique : « la caractéristique la plus notable des cas de déportation au Canada est le désir apparent d’obtenir que les agitateurs de tout pays sortent à tout prix ... L’organe exécutif du gouvernement dans sa hâte de se doter de cette politique ... a fait preuve d’un mépris marqué pour les finesses de procédures. »
1940 2 500 hommes « ressortissants d’un pays ennemi potentiellement dangereux » internés par la Grande-Bretagne sont envoyés au Canada. Ils sont logés dans des prisons de haute sécurité. En fait, beaucoup d’entre eux sont juifs. En 1945, ils sont reclassés comme des « réfugiés internés (étrangers amis) ». 972 acceptent une offre de devenir citoyen canadien. Beaucoup poursuivront des carrières en vue dans le monde universitaire ou des arts.
1941 Recensement
  • 11 506 655 personnes, dont 17.5% d’immigrants
  • 45% des immigrants sont des femmes. Les immigrants des États-Unis sont les seuls où les femmes sont plus nombreuses que les hommes. 
  • 90% sont au Canada depuis 10 ans et plus (33% depuis 30 ans et plus).
  • 44% sont originaires des îles Britanniques, 14% des États-Unis, 7% de Pologne et 5% de Russie. On compte 29 095 immigrants de la Chine (dont seulement 1 426 femmes), 9 462 du Japon et 5 886 d’autres Asiatiques (incluant les "Arabes, Arméniens, Indiens, Syriens, Turcs..."). Aucune mention des Africains.
1942 L’immigration atteint son plus bas niveau du siècle : 7 576.
Févr. 1942 22 000 Canadiens d’origine japonaise sont expulsés. Beaucoup vont dans les camps de détention de la Colombie-Britannique, d’autres plus à l’est. La détention continue jusqu’à la fin de la guerre, moment où le gouvernement canadien en encourage beaucoup à "être rapatriés" au Japon. 4 000 quittent, dont plus de la moitié sont nés au Canada.
1945-1947 Durant le début de l’après-guerre, les contrôles d’immigration restent serrés, tandis que la pression monte pour une politique d’immigration plus ouverte et une réponse humanitaire aux personnes déplacées en Europe.
Mai 1946 Un décret est publié permettant aux citoyens canadiens de parrainer des frères et des soeurs, des parents, des neveux et des nièces orphelins.
Mai 1946 Les fonctionnaires canadiens ont reçu la consigne d’accepter des documents d’identité et des documents de voyage à défaut de passeport pour les personnes déplacées.
Juillet 1946 Le gouvernement décide d’admettre 3 000 vétérans polonais. Ils sont obligés de travailler dans une ferme pendant un an après leur arrivée au Canada.
1946 La loi sur la citoyenneté canadienne est adoptée, créant une citoyenneté canadienne séparée, distincte de la citoyenneté britannique (le Canada est le premier pays du Commonwealth à le faire).
Nov. 1946 Le premier ministre annonce des mesures d’urgence en faveur de la réinstallation de réfugiés européens. Aucune mesure concrète n’est prise avant quelques mois et la porte ne s’est pas ouverte pour les réfugiés sans parents au Canada avant le milieu de 1947. La sélection de réfugiés est guidée par des considérations économiques (le Ministère du Travail a été impliqué), des préjugés ethniques (des Juifs sont régulièrement rejetés) et les préjugés politiques (les personnes ayant des sympathies de gauche ou communistes sont étiquetées "indésirables"). Les réfugiés doivent aussi être en bonne santé. Selon un agent des Affaires extérieures, le Canada choisissait les réfugiés "comme de bons bovins de boucherie".
Janv. 1947 Les Italiens ont été retirés de la catégorie de « ressortissants d’un pays ennemi » entrainant une période d’immigration italienne significative.
Avril 1947 Début de la vague des Personnes déplacées. 186 154 personnes déplacées sont venues au Canada entre 1947 et 1952.
1 Mai 1947 Le premier ministre Mackenzie King fait une déclaration dans la Chambre des communes précisant la politique d’immigration du Canada. «  La politique du gouvernement vise à favoriser la croissance de la population du Canada en encourageant l’immigration. Le gouvernement veillera à travers la législation, les règlements et une administration rigoureuse, à assurer la sélection prudente et l’établissement permanent du nombre d’immigrants qui peuvent être avantageusement absorbés par notre économie nationale. » Quant à la discrimination, il précise que le Canada est « parfaitement en droit de sélectionner les personnes qu’il considère comme des citoyens futurs désirables ». Cependant, il concède qu’il serait préférable de mettre fin à « la discrimination répréhensible ». D’autre part, « le peuple canadien ne souhaite pas, en conséquence d’une immigration massive, voir un changement fondamental des caractéristiques de notre population. L’immigration à grande échelle de l’Orient changerait la composition fondamentale de la population canadienne ».
1er mai 1947 Un décret est publié permettant à des résidents (et non seulement des citoyens) de parrainer leur fiancé (e), conjoint(e) et enfants célibataires.
Mai 1947 La Loi sur l’immigration chinoise est abrogée, après des pressions, par exemple de la part du Comité pour l’abrogation de la Loi sur l’immigration chinoise, formé par des églises et des groupes syndicaux. L’immigration chinoise est dorénavant régie par les règles de 1930 à l’égard des « Asiatiques », qui ne permettent que le parrainage de femmes et d’enfants par des citoyens canadiens.
Août 1948 Le premier d’un total de 9 bateaux transportant 987 réfugiés estoniens arrive sur la côte Est du Canada. Ils ont navigué de la Suède, d’où ils étaient menacés de rapatriement forcé en Union soviétique. Ils avaient essayé de se réinstaller au Canada, mais avaient été contrecarrés par les longs retards et les barrières dans le traitement d’immigration canadien. Ils ont été détenus à l’arrivée et traités selon des mesures ad hoc. Tous sauf 12 ont été acceptés (les 12 ont été déportés).
1950 Le ministère de la Citoyenneté et l’Immigration est créé.
Juin 1950 Un décret est publié remplaçant les mesures précédentes concernant la sélection des immigrants. La préférence est maintenue pour des immigrants britanniques, irlandais, français et américains. Les catégories d’immigrants européens admissibles sont élargies pour inclure les candidats en santé, avec des compétences et qui pourraient facilement s’intégrer. Le décret donne un vaste pouvoir discrétionnaire de refus  et les Noirs continuent à être pour la plupart exclus.
1950 Les Allemands disparaissent de la catégorie des « ressortissants d’un pays ennemi ».

(1) Les chiffres provenant du recensement doivent  considérés avec circonspection, compte tenu des nombeux facteurs de distorsion. Les groupes discriminés sont souvent sous-représentés. Les catégories imposées à la population par les recenseurs sont elles-mêmes révélatrices.  

Bref historique de la réponse du Canada à la situation des réfugiés

Le 4 juin 1969, le Canada signait enfin la Convention relative au statut des réfugiés, 18 ans après son adoption par les Nations Unies, et 15 ans après son entrée en vigueur.

Depuis cette adhésion, le Canada a acquis la réputation enviable de leader mondial dans le domaine de la protection des réfugiés.

Dans les faits, il y a eu du bon et du mauvais dans la réponse du Canada à la situation des réfugiés, tant avant qu’après sa signature de la Convention sur les réfugiés.

 

 

Avant la confédération Des loyalistes et des pacifistes (dont des Mennonites et des Quakers) fuient au Canada pendant la Révolution américaine.Des esclaves qui se sont échappés ainsi que des Noirs libres fuient les É.-U. à la recherche de droits accrus.
1869 La première loi sur l’immigration est adoptée au Canada. Elle ne comporte aucune disposition ayant trait aux réfugiés.
Fin du 19e siècle, début du 20e siècle Des réfugiés de la Russie, notamment des Juifs, des Mennonites et des Doukhobors, s’installent au Canada.
Les années 1920 Suite à la Première Guerre mondiale, des centaines de milliers de personnes sont déplacées en Europe.  Le Canada s’oppose à l’admission des réfugiés parce qu’une fois admis, les réfugiés apatrides ne pourraient pas être déportés.
1922 La Ligue des Nations convoque une conférence intergouvernementale, présidée par Fridtjof Nansen, qui aboutit au développement d’un document de voyage destiné aux réfugiés, « le passeport Nansen ».   Le Canada refuse d’accepter le passeport Nansen parce qu’il ne permet pas le retour des réfugiés.
1923 Le gouvernement adopte un Décret en conseil qui exclut les immigrants « de toute race asiatique ».  La définition d’asiatique comprend les Arméniens fuyant le génocide en Turquie. Seuls  1 300 Arméniens sont admis au Canada entre les deux guerres mondiales.
1923-1930 Le gouvernement canadien collabore avec la communauté mennonite dans l’admission de 20 000 réfugiés mennonites.

 

 

Femmes doukhobores tirant une charrue pour émotter la terre, colonie de Thunder Hill, Manitoba. c 1899. Bibliothèque et Archives Canada,C-000681.

 

Le député Samuel Jacobs défendait « ceux qui sont obligés de quitter leur propre pays en Europe en raison de la persécution religieuse et sociale. Or, notre pays, il me semble, devrait être un havre de paix pour ce genre de personne et nous devrions ouvrir grandes les portes pour tous ceux qui fuient la persécution, qu’elle soit sociale ou autre, dans des pays européens. » 30 mars 1921, Chambre des communes

 

Début des années 1930 Dans le contexte de la dépression et des craintes du communisme, de nombreux chômeurs, syndicalistes et personnes soupçonnées d’être communistes sont déportés. Le risque de persécution n’empêche pas la déportation, malgré les préoccupations soulevées par le Canadian Labour Defence League quant aux dangers d’un renvoi vers des pays fascistes. Hans Kist, un des leaders radicaux déportés en 1932, serait mort torturé dans un camp de concentration allemand.
Les années 1930 Face à l’ascension de Hitler en Allemagne, la communauté juive et certains groupes non-juifs tentent de convaincre le gouvernement d’accepter des réfugiés.  Ils échouent.  L’anti-sémitisme domine au sein du ministère de l’immigration et du public canadien.
1938 Le Saint-Louis quitte Hambourg avec à son bord 907 réfugiés juifs.  Refusé par le Cuba, sa première destination, le navire cherche asile ailleurs dans les Amériques.  Le Canada, tout comme les autres pays, refuse de l’admettre.  Le navire retourne en Europe où la plupart des passagers meurent pendant l’Holocauste.
1938 Le président des É.-U. Roosevelt convoque une conférence à Évian afin de discuter des solutions à la crise des réfugiés.  Le Canada participe à contrecoeur, avec la ferme intention de ne prendre aucun engagement à accepter des réfugiés.
1933-1945 Au cours des 12 ans du régime nazi en Allemagne, le Canada  admet moins de 5 000 réfugiés juifs, un des pires dossiers des pays démocratiques. En 1945, questionné sur le nombre de Juifs que le Canada accepterait après la guerre, un fonctionnaire canadien répond « Aucun c’est déjà trop ».

 

 

« Depuis la guerre, des groupes et des individus tentent sans cesse de faire entrer des réfugiés au Canada mais nous nous sommes battus constamment afin de nous protéger contre l’entrée de ces personnes apatrides sans passeport, du fait que certains de ces rescapés du maelström de la guerre risquent de faire naufrage et une fois devenus un fardeau pour l’État, nous serons obligés de les garder jusqu’à la fin de leur vie. » (F.C. Blair, directeur, Service d’immigration, 1938)
« En tant qu’êtres humains nous devons nous efforcer d’offrir autant que possible l’asile aux personnes qui réussissent à s’échapper. Selon moi, nous devons le faire parce que ces personnes sont des êtres humains et méritent cette considération, et parce que nous sommes des êtres humains et devons agir de la sorte. » Stanley Knowles, député, Chambre des communes, 9 juillet 1943

 

 

1945-1947 Dans la période suivant la guerre, les contrôles d’immigration demeurent serrés, pendant que la pression monte en faveur d’une politique d’immigration plus ouverte et d’une réponse humanitaire aux personnes déplacées en Europe.
1946 Le Comité canadien national pour les réfugiés conseille au comité parlementaire des modifications à la loi canadienne afin d’exempter les réfugiés des restrictions courantes appliquées à l’immigration et de les assujettir uniquement « à des restrictions spéciales que le Parlement jugerait nécessaires et justifiables face au droit moral des réfugiés à l’asile. »
1948 Le premier de 10 bateaux avec à bord 1 593 réfugiés baltes (majoritairement estoniens) arrive sur la côte est du Canada. Ils sont partis de la Suède, où ils vivaient sous la menace d’un rapatriement forcé vers l’Union soviétique. Ils avaient essayé de se réinstaller au Canada mais avaient été frustrés par les longs délais et les obstacles dans le traitement par les autorités d’immigration canadiennes. Ils sont détenus à leur arrivée et traités selon un processus ad hoc. 12 sont déportés mais tous les autres sont acceptés.
1946-1962 Le Canada admet près d’un quart de million de réfugiés.  Ils sont admis comme membres de la famille parrainés, en vertu de programmes de travail contractuel, ou parrainés par le gouvernement ou des groupes d’églises.  Les critères de sélection sont basés sur l’intérêt économique du Canada, les préjugés raciaux et la partialité politique.  Selon John Holmes, un agent des Affaires extérieures, le Canada sélectionnait les réfugiés « comme du bon bétail ».
1950 Un comité des Nations Unies est formé pour rédiger une convention sur les réfugiés.  Le délégué canadien, Leslie Chance, en est le président.
1951 Le gouvernement met en place un programme de prêts de voyage afin d’aider les immigrants d’Europe qui ne peuvent payer leur propre transport.  Les prêts doivent être remboursés dans les deux ans suivant l’arrivée.  Une version de ce programme de prêt existe encore de nos jours pour les réfugiés réinstallés.
1951 Le Conseil des ministres canadien décide de ne pas signer le texte de la Convention sur les réfugiés, finalisé le 28 juillet 1951.  Les ministres s’inquiètent que la Convention empêcherait le Canada de déporter des personnes jugées représenter un risque à la sécurité, notamment des communistes.  Plus globalement, ils s’inquiètent que la Convention conférerait des droits, dont « le droit d’être représenté lors de l’audience de l’appel contre la déportation. »

 

Le délégué canadien, président du comité qui rédigeait la convention sur les réfugiés se trouvait dans une situation pénible suite à la décision tardive de son gouvernement de retirer son appui.  Il essaya d’expliquer les conséquences au ministre des Affaires extérieures : « Tout retrait de notre part à cette étape pourrait créer une situation fort malheureuse.  Tout au long, notre attitude a été perçue comme  progressiste, à la différence des États-Unis, dont la signature a toujours été mise en doute et en conséquence il y avait un sentiment sous-jacent parmi les autres délégations. À mon avis, cela affaiblirait en outre gravement le travail du Haut-Commissaire aux réfugiés avec qui j’espère m’entretenir demain » Télégramme du représentant permanent au Bureau européen des Nations Unies à l’attention du secrétaire d’État aux Affaires extérieures, 3 juillet 1951.

Pour des informations supplémentaires sur les préoccupations du Conseil des ministres, voir  CABINET DOCUMENT NO. 178-51, Ottawa, le 14 juin 1951.

Leslie Chance (à gauche) du Canada à la Conférence des Plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides, Genève, juillet 1951. M Chance, au nom du Canada, a présidé le comité qui a élaboré les conventions discutées. Photo : HCR

1954

Les Nations Unies adoptent la Convention relative au statut des apatrides.  Le Canada n’a toujours pas signé cette Convention.
1956-1957 Suite à l’écrasement de l’insurrection hongroise, plus de 200 000 Hongrois fuient vers l’Autriche. Cédant aux pressions publiques, le gouvernement canadien met en place un programme spécial qui offre aux réfugiés hongrois le transport gratuit au lieu d’un prêt.  Des milliers d’Hongrois arrivent début 1957 sur plus de 200 vols nolisés. Plus de 37 000 Hongrois sont admis en moins d’une année.
1959 Année mondiale des réfugiés. Le Canada admet 325 réfugiés tuberculeux et leur famille (c’est la première fois que le Canada exempte les réfugiés de ses exigences relatives à la santé). Les Affaires extérieures soulèvent encore une fois la question de la signature par le Canada de la Convention, mais le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration s’y oppose.
1960 Le premier ministre John Diefenbaker dépose la Déclaration canadienne des droits.
1967 Des intérêts sont dorénavant perçus sur les prêts de voyage.
1968 Le Canada modifie ses règles afin de permettre aux déserteurs des armées étrangères de devenir résident permanent.  On ouvre ainsi la porte à la régularisation des citoyens états-uniens qui refusent de participer à la guerre au Vietnam.  Au cours des années suivantes, on estime que des dizaines de milliers de résistants à la guerre fuient au Canada (le chiffre exact n’est pas disponible puisqu’ils n’étaient pas acceptés en vertu d’un programme spécifique).
1968 Les troupes du pacte de Varsovie entrent en Tchécoslovaquie. 10 975 Tchécoslovaques entrent au Canada entre le 20 août 1968 et le 1er mars 1969. Selon le rapport annuel du ministère « de nombreuses organisations, universités et agences provinciales et municipales canadiennes ont contribué à l’établissement des réfugiés. Sans cet élan de collaboration publique et privée, la tâche aurait été infiniment plus difficile ».
4 juin 1969 Le Canada adhère à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son protocole de 1967. L’événement passe presque inaperçu et n’est pas couvert par les médias.
1970 Le Canada accueille un groupe de réfugiés tibétains : ils sont parmi les premiers réfugiés non-européens réinstallés au Canada.
1970 Le gouvernement émet une directive pour la détermination de l’éligibilité au statut de réfugiés, destinée aux agents d’immigration qui font la sélection des réfugiés à l’étranger.

 

L'une de plusieurs organisations qui aidaient les réfugiés hongrois à se réinstaller dans un tiers pays. 1956. © UN 56817

 

« Dans les années 1970, l’idée s’est répandue que le Canada était et avait toujours été un havre pour les opprimés. Rétrospectivement, une série restreinte de programmes de réinstallation de réfugiés, avantageux au plan économique, avait été transformée dans l’imaginaire collectif en une résolution humanitaire canadienne massive et de longue date en faveur des réfugiés. » Harold Troper

 

1972 Le président ougandais annonce l’expulsion des Ougandais asiatiques. Le Canada réagit rapidement et met sur pied un bureau à Kampala.  Dans un premier temps, le gouvernement insiste pour appliquer les critères usuels d’immigration, mais plus tard assouplit quelque peu les exigences. Fin 1973, plus de 7 000 Ougandais asiatiques étaient arrivés, dont 4 420 sur des vols spécialement nolisés.
1973 La Loi sur la Commission d’appel de l’immigration est amendée : on élimine le droit universel d’appel d’une mesure de déportation.  Parmi ceux qui peuvent porter une décision en appel, on retrouve les personnes qui prétendent être « un réfugié que protège la Convention ».
1973 Le gouvernement d’Allende au Chili est renversé. Des groupes au Canada, notamment des églises, pressent le gouvernement de protéger les persécutés, mais la réponse canadienne est lente et hésitante (il y a notamment des retards prononcés dans les vérifications sécuritaires). Des critiques attribuent le peu d’enthousiasme du Canada à une motivation idéologique. En février 1975, 1 188 réfugiés du Chili étaient arrivés au Canada.
1976 La nouvelle Loi sur l’immigration est déposée.  Il s’agit de la première loi d’immigration canadienne qui reconnaît que les réfugiés constituent une catégorie spéciale d’immigrants.  Parmi ses objectifs, la Loi avait le devoir de « remplir, envers les réfugiés, les obligations légales du Canada sur le plan international et de maintenir sa traditionnelle attitude humanitaire à l’égard des personnes déplacées ou persécutées ».  La Loi enchâsse la définition d’un réfugié au sens de la Convention, crée un système de détermination du statut de réfugié (les décisions sont prises par le Comité consultatif du statut de réfugié), prévoit l’admission pour des motifs humanitaires des catégories désignées et permet le parrainage privé des réfugiés.  La Loi entre en vigueur en avril 1978.
1978 Le Conseil canadien pour les réfugiés est fondé, sous son nom original du Comité permanent des organismes canadiens au service des réfugiés.
1979-1981 Au milieu de 1979, il y a environ 1,5 million de réfugiés de l’Asie du Sud-Est.  Au mois de juin, le gouvernement canadien annonce que 50 000 réfugiés sud-est-asiatiques seront réinstallés avant la fin de 1980.  Des milliers de Canadiens se montrent disposés à les accueillir, et le Programme de parrainage privé des réfugiés démarre de façon saisissante. Des pressions populaires forcent le gouvernement à ajuster à la hausse son engagement initial à l’égard de la réinstallation des réfugiés. Pour les années 1978-81, les réfugiés représentent le quart de tous les immigrants arrivant au Canada.
4 avril 1985 La Cour suprême du Canada rend l’arrêt Singh, par laquelle elle reconnaît que les demandeurs d’asile ont droit à la justice fondamentale, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Le tribunal statue qu’une audience orale est donc nécessaire en règle générale dans le processus de détermination du statut de réfugié.
1986 Le peuple canadien se fait décerner la médaille Nansen par le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés en reconnaissance de sa « contribution importante et soutenue à la cause des réfugiés ».

 

Une réfugiée vietnamienne au travail dans un supermarché à Montréal. 1979. Photo : UNHCR/9090/H. Gloaguen/VIVA

 

1987 Un groupe de Sikhs arrive par bateau en Nouvelle Écosse et demande le statut de réfugié. Le Premier ministre Brian Mulroney rappelle le Parlement d’urgence afin de déposer le projet de loi C-84, sur la dissuasion et la détention. Malgré la soi-disant urgence, le projet de loi draconien n’est adopté qu’une année plus tard.
1987 Le Canada ratifie la Convention contre la torture.
1989 Des modifications à la Loi sur l’immigration entrent en vigueur, créant un nouveau système de détermination du statut de réfugié et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
1993 La présidente de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié émet des directives sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe. Le Canada est le premier pays au monde à se doter de telles directives.  Des organismes non-gouvernementaux, dont le Conseil canadien pour les réfugiés, militent en faveur de la prise en compte des différences selon le genre.
1999 Devant la fuite de milliers de Kosovars, le HCR demande aux pays de les accueillir.  Le Canada répond avec enthousiasme et admet plus de 5 000 Kosovars.
2002 La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés entre en vigueur – pour la première fois dans l’histoire du Canada, la loi sur l’immigration identifie les réfugiés dans son titre.  Toutefois, les articles de la loi qui accordent aux réfugiés le droit d’appel ne sont pas mis en œuvre.
Décembre 2004 L’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis entre en vigueur.
4 juin 2009 Le 40e anniversaire de la signature par le Canada de la Convention sur les réfugiés.

 

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