Le 4 juin 1969, le Canada signait enfin la Convention relative au statut des réfugiés, 18 ans après son adoption par les Nations Unies, et 15 ans après son entrée en vigueur.
Depuis cette adhésion, le Canada a acquis la réputation enviable de leader mondial dans le domaine de la protection des réfugiés.
Dans les faits, il y a eu du bon et du mauvais dans la réponse du Canada à la situation des réfugiés, tant avant qu’après sa signature de la Convention sur les réfugiés.
Femmes doukhobores tirant une charrue pour émotter la terre, colonie de Thunder Hill, Manitoba. c 1899. Bibliothèque et Archives Canada,C-000681. |
Le député Samuel Jacobs défendait « ceux qui sont obligés de quitter leur propre pays en Europe en raison de la persécution religieuse et sociale. Or, notre pays, il me semble, devrait être un havre de paix pour ce genre de personne et nous devrions ouvrir grandes les portes pour tous ceux qui fuient la persécution, qu’elle soit sociale ou autre, dans des pays européens. » 30 mars 1921, Chambre des communes |
« Depuis la guerre, des groupes et des individus tentent sans cesse de faire entrer des réfugiés au Canada mais nous nous sommes battus constamment afin de nous protéger contre l’entrée de ces personnes apatrides sans passeport, du fait que certains de ces rescapés du maelström de la guerre risquent de faire naufrage et une fois devenus un fardeau pour l’État, nous serons obligés de les garder jusqu’à la fin de leur vie. » (F.C. Blair, directeur, Service d’immigration, 1938) |
« En tant qu’êtres humains nous devons nous efforcer d’offrir autant que possible l’asile aux personnes qui réussissent à s’échapper. Selon moi, nous devons le faire parce que ces personnes sont des êtres humains et méritent cette considération, et parce que nous sommes des êtres humains et devons agir de la sorte. » Stanley Knowles, député, Chambre des communes, 9 juillet 1943 |
Le délégué canadien, président du comité qui rédigeait la convention sur les réfugiés se trouvait dans une situation pénible suite à la décision tardive de son gouvernement de retirer son appui. Il essaya d’expliquer les conséquences au ministre des Affaires extérieures : « Tout retrait de notre part à cette étape pourrait créer une situation fort malheureuse. Tout au long, notre attitude a été perçue comme progressiste, à la différence des États-Unis, dont la signature a toujours été mise en doute et en conséquence il y avait un sentiment sous-jacent parmi les autres délégations. À mon avis, cela affaiblirait en outre gravement le travail du Haut-Commissaire aux réfugiés avec qui j’espère m’entretenir demain » Télégramme du représentant permanent au Bureau européen des Nations Unies à l’attention du secrétaire d’État aux Affaires extérieures, 3 juillet 1951. Pour des informations supplémentaires sur les préoccupations du Conseil des ministres, voir CABINET DOCUMENT NO. 178-51, Ottawa, le 14 juin 1951. |
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Leslie Chance (à gauche) du Canada à la Conférence des Plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides, Genève, juillet 1951. M Chance, au nom du Canada, a présidé le comité qui a élaboré les conventions discutées. Photo : HCR |
1954 |
Les Nations Unies adoptent la Convention relative au statut des apatrides. Le Canada n’a toujours pas signé cette Convention. |
1956-1957 | Suite à l’écrasement de l’insurrection hongroise, plus de 200 000 Hongrois fuient vers l’Autriche. Cédant aux pressions publiques, le gouvernement canadien met en place un programme spécial qui offre aux réfugiés hongrois le transport gratuit au lieu d’un prêt. Des milliers d’Hongrois arrivent début 1957 sur plus de 200 vols nolisés. Plus de 37 000 Hongrois sont admis en moins d’une année. |
1959 | Année mondiale des réfugiés. Le Canada admet 325 réfugiés tuberculeux et leur famille (c’est la première fois que le Canada exempte les réfugiés de ses exigences relatives à la santé). Les Affaires extérieures soulèvent encore une fois la question de la signature par le Canada de la Convention, mais le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration s’y oppose. |
1960 | Le premier ministre John Diefenbaker dépose la Déclaration canadienne des droits. |
1967 | Des intérêts sont dorénavant perçus sur les prêts de voyage. |
1968 | Le Canada modifie ses règles afin de permettre aux déserteurs des armées étrangères de devenir résident permanent. On ouvre ainsi la porte à la régularisation des citoyens états-uniens qui refusent de participer à la guerre au Vietnam. Au cours des années suivantes, on estime que des dizaines de milliers de résistants à la guerre fuient au Canada (le chiffre exact n’est pas disponible puisqu’ils n’étaient pas acceptés en vertu d’un programme spécifique). |
1968 | Les troupes du pacte de Varsovie entrent en Tchécoslovaquie. 10 975 Tchécoslovaques entrent au Canada entre le 20 août 1968 et le 1er mars 1969. Selon le rapport annuel du ministère « de nombreuses organisations, universités et agences provinciales et municipales canadiennes ont contribué à l’établissement des réfugiés. Sans cet élan de collaboration publique et privée, la tâche aurait été infiniment plus difficile ». |
4 juin 1969 | Le Canada adhère à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son protocole de 1967. L’événement passe presque inaperçu et n’est pas couvert par les médias. |
1970 | Le Canada accueille un groupe de réfugiés tibétains : ils sont parmi les premiers réfugiés non-européens réinstallés au Canada. |
1970 | Le gouvernement émet une directive pour la détermination de l’éligibilité au statut de réfugiés, destinée aux agents d’immigration qui font la sélection des réfugiés à l’étranger. |
L'une de plusieurs organisations qui aidaient les réfugiés hongrois à se réinstaller dans un tiers pays. 1956. © UN 56817 |
« Dans les années 1970, l’idée s’est répandue que le Canada était et avait toujours été un havre pour les opprimés. Rétrospectivement, une série restreinte de programmes de réinstallation de réfugiés, avantageux au plan économique, avait été transformée dans l’imaginaire collectif en une résolution humanitaire canadienne massive et de longue date en faveur des réfugiés. » Harold Troper |
Une réfugiée vietnamienne au travail dans un supermarché à Montréal. 1979. Photo : UNHCR/9090/H. Gloaguen/VIVA |