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Bref historique de la réponse du Canada à la situation des réfugiés

Le 4 juin 1969, le Canada signait enfin la Convention relative au statut des réfugiés, 18 ans après son adoption par les Nations Unies, et 15 ans après son entrée en vigueur.

Depuis cette adhésion, le Canada a acquis la réputation enviable de leader mondial dans le domaine de la protection des réfugiés.

Dans les faits, il y a eu du bon et du mauvais dans la réponse du Canada à la situation des réfugiés, tant avant qu’après sa signature de la Convention sur les réfugiés.

 

 

Avant la confédération Des loyalistes et des pacifistes (dont des Mennonites et des Quakers) fuient au Canada pendant la Révolution américaine.Des esclaves qui se sont échappés ainsi que des Noirs libres fuient les É.-U. à la recherche de droits accrus.
1869 La première loi sur l’immigration est adoptée au Canada. Elle ne comporte aucune disposition ayant trait aux réfugiés.
Fin du 19e siècle, début du 20e siècle Des réfugiés de la Russie, notamment des Juifs, des Mennonites et des Doukhobors, s’installent au Canada.
Les années 1920 Suite à la Première Guerre mondiale, des centaines de milliers de personnes sont déplacées en Europe.  Le Canada s’oppose à l’admission des réfugiés parce qu’une fois admis, les réfugiés apatrides ne pourraient pas être déportés.
1922 La Ligue des Nations convoque une conférence intergouvernementale, présidée par Fridtjof Nansen, qui aboutit au développement d’un document de voyage destiné aux réfugiés, « le passeport Nansen ».   Le Canada refuse d’accepter le passeport Nansen parce qu’il ne permet pas le retour des réfugiés.
1923 Le gouvernement adopte un Décret en conseil qui exclut les immigrants « de toute race asiatique ».  La définition d’asiatique comprend les Arméniens fuyant le génocide en Turquie. Seuls  1 300 Arméniens sont admis au Canada entre les deux guerres mondiales.
1923-1930 Le gouvernement canadien collabore avec la communauté mennonite dans l’admission de 20 000 réfugiés mennonites.

 

 

Femmes doukhobores tirant une charrue pour émotter la terre, colonie de Thunder Hill, Manitoba. c 1899. Bibliothèque et Archives Canada,C-000681.

 

Le député Samuel Jacobs défendait « ceux qui sont obligés de quitter leur propre pays en Europe en raison de la persécution religieuse et sociale. Or, notre pays, il me semble, devrait être un havre de paix pour ce genre de personne et nous devrions ouvrir grandes les portes pour tous ceux qui fuient la persécution, qu’elle soit sociale ou autre, dans des pays européens. » 30 mars 1921, Chambre des communes

 

Début des années 1930 Dans le contexte de la dépression et des craintes du communisme, de nombreux chômeurs, syndicalistes et personnes soupçonnées d’être communistes sont déportés. Le risque de persécution n’empêche pas la déportation, malgré les préoccupations soulevées par le Canadian Labour Defence League quant aux dangers d’un renvoi vers des pays fascistes. Hans Kist, un des leaders radicaux déportés en 1932, serait mort torturé dans un camp de concentration allemand.
Les années 1930 Face à l’ascension de Hitler en Allemagne, la communauté juive et certains groupes non-juifs tentent de convaincre le gouvernement d’accepter des réfugiés.  Ils échouent.  L’anti-sémitisme domine au sein du ministère de l’immigration et du public canadien.
1938 Le Saint-Louis quitte Hambourg avec à son bord 907 réfugiés juifs.  Refusé par le Cuba, sa première destination, le navire cherche asile ailleurs dans les Amériques.  Le Canada, tout comme les autres pays, refuse de l’admettre.  Le navire retourne en Europe où la plupart des passagers meurent pendant l’Holocauste.
1938 Le président des É.-U. Roosevelt convoque une conférence à Évian afin de discuter des solutions à la crise des réfugiés.  Le Canada participe à contrecoeur, avec la ferme intention de ne prendre aucun engagement à accepter des réfugiés.
1933-1945 Au cours des 12 ans du régime nazi en Allemagne, le Canada  admet moins de 5 000 réfugiés juifs, un des pires dossiers des pays démocratiques. En 1945, questionné sur le nombre de Juifs que le Canada accepterait après la guerre, un fonctionnaire canadien répond « Aucun c’est déjà trop ».

 

 

« Depuis la guerre, des groupes et des individus tentent sans cesse de faire entrer des réfugiés au Canada mais nous nous sommes battus constamment afin de nous protéger contre l’entrée de ces personnes apatrides sans passeport, du fait que certains de ces rescapés du maelström de la guerre risquent de faire naufrage et une fois devenus un fardeau pour l’État, nous serons obligés de les garder jusqu’à la fin de leur vie. » (F.C. Blair, directeur, Service d’immigration, 1938)
« En tant qu’êtres humains nous devons nous efforcer d’offrir autant que possible l’asile aux personnes qui réussissent à s’échapper. Selon moi, nous devons le faire parce que ces personnes sont des êtres humains et méritent cette considération, et parce que nous sommes des êtres humains et devons agir de la sorte. » Stanley Knowles, député, Chambre des communes, 9 juillet 1943

 

 

1945-1947 Dans la période suivant la guerre, les contrôles d’immigration demeurent serrés, pendant que la pression monte en faveur d’une politique d’immigration plus ouverte et d’une réponse humanitaire aux personnes déplacées en Europe.
1946 Le Comité canadien national pour les réfugiés conseille au comité parlementaire des modifications à la loi canadienne afin d’exempter les réfugiés des restrictions courantes appliquées à l’immigration et de les assujettir uniquement « à des restrictions spéciales que le Parlement jugerait nécessaires et justifiables face au droit moral des réfugiés à l’asile. »
1948 Le premier de 10 bateaux avec à bord 1 593 réfugiés baltes (majoritairement estoniens) arrive sur la côte est du Canada. Ils sont partis de la Suède, où ils vivaient sous la menace d’un rapatriement forcé vers l’Union soviétique. Ils avaient essayé de se réinstaller au Canada mais avaient été frustrés par les longs délais et les obstacles dans le traitement par les autorités d’immigration canadiennes. Ils sont détenus à leur arrivée et traités selon un processus ad hoc. 12 sont déportés mais tous les autres sont acceptés.
1946-1962 Le Canada admet près d’un quart de million de réfugiés.  Ils sont admis comme membres de la famille parrainés, en vertu de programmes de travail contractuel, ou parrainés par le gouvernement ou des groupes d’églises.  Les critères de sélection sont basés sur l’intérêt économique du Canada, les préjugés raciaux et la partialité politique.  Selon John Holmes, un agent des Affaires extérieures, le Canada sélectionnait les réfugiés « comme du bon bétail ».
1950 Un comité des Nations Unies est formé pour rédiger une convention sur les réfugiés.  Le délégué canadien, Leslie Chance, en est le président.
1951 Le gouvernement met en place un programme de prêts de voyage afin d’aider les immigrants d’Europe qui ne peuvent payer leur propre transport.  Les prêts doivent être remboursés dans les deux ans suivant l’arrivée.  Une version de ce programme de prêt existe encore de nos jours pour les réfugiés réinstallés.
1951 Le Conseil des ministres canadien décide de ne pas signer le texte de la Convention sur les réfugiés, finalisé le 28 juillet 1951.  Les ministres s’inquiètent que la Convention empêcherait le Canada de déporter des personnes jugées représenter un risque à la sécurité, notamment des communistes.  Plus globalement, ils s’inquiètent que la Convention conférerait des droits, dont « le droit d’être représenté lors de l’audience de l’appel contre la déportation. »

 

Le délégué canadien, président du comité qui rédigeait la convention sur les réfugiés se trouvait dans une situation pénible suite à la décision tardive de son gouvernement de retirer son appui.  Il essaya d’expliquer les conséquences au ministre des Affaires extérieures : « Tout retrait de notre part à cette étape pourrait créer une situation fort malheureuse.  Tout au long, notre attitude a été perçue comme  progressiste, à la différence des États-Unis, dont la signature a toujours été mise en doute et en conséquence il y avait un sentiment sous-jacent parmi les autres délégations. À mon avis, cela affaiblirait en outre gravement le travail du Haut-Commissaire aux réfugiés avec qui j’espère m’entretenir demain » Télégramme du représentant permanent au Bureau européen des Nations Unies à l’attention du secrétaire d’État aux Affaires extérieures, 3 juillet 1951.

Pour des informations supplémentaires sur les préoccupations du Conseil des ministres, voir  CABINET DOCUMENT NO. 178-51, Ottawa, le 14 juin 1951.

Leslie Chance (à gauche) du Canada à la Conférence des Plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides, Genève, juillet 1951. M Chance, au nom du Canada, a présidé le comité qui a élaboré les conventions discutées. Photo : HCR

1954

Les Nations Unies adoptent la Convention relative au statut des apatrides.  Le Canada n’a toujours pas signé cette Convention.
1956-1957 Suite à l’écrasement de l’insurrection hongroise, plus de 200 000 Hongrois fuient vers l’Autriche. Cédant aux pressions publiques, le gouvernement canadien met en place un programme spécial qui offre aux réfugiés hongrois le transport gratuit au lieu d’un prêt.  Des milliers d’Hongrois arrivent début 1957 sur plus de 200 vols nolisés. Plus de 37 000 Hongrois sont admis en moins d’une année.
1959 Année mondiale des réfugiés. Le Canada admet 325 réfugiés tuberculeux et leur famille (c’est la première fois que le Canada exempte les réfugiés de ses exigences relatives à la santé). Les Affaires extérieures soulèvent encore une fois la question de la signature par le Canada de la Convention, mais le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration s’y oppose.
1960 Le premier ministre John Diefenbaker dépose la Déclaration canadienne des droits.
1967 Des intérêts sont dorénavant perçus sur les prêts de voyage.
1968 Le Canada modifie ses règles afin de permettre aux déserteurs des armées étrangères de devenir résident permanent.  On ouvre ainsi la porte à la régularisation des citoyens états-uniens qui refusent de participer à la guerre au Vietnam.  Au cours des années suivantes, on estime que des dizaines de milliers de résistants à la guerre fuient au Canada (le chiffre exact n’est pas disponible puisqu’ils n’étaient pas acceptés en vertu d’un programme spécifique).
1968 Les troupes du pacte de Varsovie entrent en Tchécoslovaquie. 10 975 Tchécoslovaques entrent au Canada entre le 20 août 1968 et le 1er mars 1969. Selon le rapport annuel du ministère « de nombreuses organisations, universités et agences provinciales et municipales canadiennes ont contribué à l’établissement des réfugiés. Sans cet élan de collaboration publique et privée, la tâche aurait été infiniment plus difficile ».
4 juin 1969 Le Canada adhère à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son protocole de 1967. L’événement passe presque inaperçu et n’est pas couvert par les médias.
1970 Le Canada accueille un groupe de réfugiés tibétains : ils sont parmi les premiers réfugiés non-européens réinstallés au Canada.
1970 Le gouvernement émet une directive pour la détermination de l’éligibilité au statut de réfugiés, destinée aux agents d’immigration qui font la sélection des réfugiés à l’étranger.

 

L'une de plusieurs organisations qui aidaient les réfugiés hongrois à se réinstaller dans un tiers pays. 1956. © UN 56817

 

« Dans les années 1970, l’idée s’est répandue que le Canada était et avait toujours été un havre pour les opprimés. Rétrospectivement, une série restreinte de programmes de réinstallation de réfugiés, avantageux au plan économique, avait été transformée dans l’imaginaire collectif en une résolution humanitaire canadienne massive et de longue date en faveur des réfugiés. » Harold Troper

 

1972 Le président ougandais annonce l’expulsion des Ougandais asiatiques. Le Canada réagit rapidement et met sur pied un bureau à Kampala.  Dans un premier temps, le gouvernement insiste pour appliquer les critères usuels d’immigration, mais plus tard assouplit quelque peu les exigences. Fin 1973, plus de 7 000 Ougandais asiatiques étaient arrivés, dont 4 420 sur des vols spécialement nolisés.
1973 La Loi sur la Commission d’appel de l’immigration est amendée : on élimine le droit universel d’appel d’une mesure de déportation.  Parmi ceux qui peuvent porter une décision en appel, on retrouve les personnes qui prétendent être « un réfugié que protège la Convention ».
1973 Le gouvernement d’Allende au Chili est renversé. Des groupes au Canada, notamment des églises, pressent le gouvernement de protéger les persécutés, mais la réponse canadienne est lente et hésitante (il y a notamment des retards prononcés dans les vérifications sécuritaires). Des critiques attribuent le peu d’enthousiasme du Canada à une motivation idéologique. En février 1975, 1 188 réfugiés du Chili étaient arrivés au Canada.
1976 La nouvelle Loi sur l’immigration est déposée.  Il s’agit de la première loi d’immigration canadienne qui reconnaît que les réfugiés constituent une catégorie spéciale d’immigrants.  Parmi ses objectifs, la Loi avait le devoir de « remplir, envers les réfugiés, les obligations légales du Canada sur le plan international et de maintenir sa traditionnelle attitude humanitaire à l’égard des personnes déplacées ou persécutées ».  La Loi enchâsse la définition d’un réfugié au sens de la Convention, crée un système de détermination du statut de réfugié (les décisions sont prises par le Comité consultatif du statut de réfugié), prévoit l’admission pour des motifs humanitaires des catégories désignées et permet le parrainage privé des réfugiés.  La Loi entre en vigueur en avril 1978.
1978 Le Conseil canadien pour les réfugiés est fondé, sous son nom original du Comité permanent des organismes canadiens au service des réfugiés.
1979-1981 Au milieu de 1979, il y a environ 1,5 million de réfugiés de l’Asie du Sud-Est.  Au mois de juin, le gouvernement canadien annonce que 50 000 réfugiés sud-est-asiatiques seront réinstallés avant la fin de 1980.  Des milliers de Canadiens se montrent disposés à les accueillir, et le Programme de parrainage privé des réfugiés démarre de façon saisissante. Des pressions populaires forcent le gouvernement à ajuster à la hausse son engagement initial à l’égard de la réinstallation des réfugiés. Pour les années 1978-81, les réfugiés représentent le quart de tous les immigrants arrivant au Canada.
4 avril 1985 La Cour suprême du Canada rend l’arrêt Singh, par laquelle elle reconnaît que les demandeurs d’asile ont droit à la justice fondamentale, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Le tribunal statue qu’une audience orale est donc nécessaire en règle générale dans le processus de détermination du statut de réfugié.
1986 Le peuple canadien se fait décerner la médaille Nansen par le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés en reconnaissance de sa « contribution importante et soutenue à la cause des réfugiés ».

 

Une réfugiée vietnamienne au travail dans un supermarché à Montréal. 1979. Photo : UNHCR/9090/H. Gloaguen/VIVA

 

1987 Un groupe de Sikhs arrive par bateau en Nouvelle Écosse et demande le statut de réfugié. Le Premier ministre Brian Mulroney rappelle le Parlement d’urgence afin de déposer le projet de loi C-84, sur la dissuasion et la détention. Malgré la soi-disant urgence, le projet de loi draconien n’est adopté qu’une année plus tard.
1987 Le Canada ratifie la Convention contre la torture.
1989 Des modifications à la Loi sur l’immigration entrent en vigueur, créant un nouveau système de détermination du statut de réfugié et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
1993 La présidente de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié émet des directives sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe. Le Canada est le premier pays au monde à se doter de telles directives.  Des organismes non-gouvernementaux, dont le Conseil canadien pour les réfugiés, militent en faveur de la prise en compte des différences selon le genre.
1999 Devant la fuite de milliers de Kosovars, le HCR demande aux pays de les accueillir.  Le Canada répond avec enthousiasme et admet plus de 5 000 Kosovars.
2002 La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés entre en vigueur – pour la première fois dans l’histoire du Canada, la loi sur l’immigration identifie les réfugiés dans son titre.  Toutefois, les articles de la loi qui accordent aux réfugiés le droit d’appel ne sont pas mis en œuvre.
Décembre 2004 L’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis entre en vigueur.
4 juin 2009 Le 40e anniversaire de la signature par le Canada de la Convention sur les réfugiés.