Chronologie axée sur les réfugiés et la discrimination
Partie 1 : 1900 - 1949
1900 | 41 681 immigrants sont admis au Canada. |
1896-1905 | Clifford Sifton occupe le poste de ministre de l’Intérieur (avec des responsabilités en matière d’immigration). Il œuvre à peupler les prairies d’immigrants agricoles. Pour l’Ouest canadien, il cherche des fermiers (de préférence en provenance des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, sinon de l’Europe du Nord). L’immigration en ville est découragée (en fait, beaucoup d’immigrants rejoindront rapidement la main-d’œuvre industrielle). "Je pense qu’un paysan vigoureux vêtu d’un manteau de mouton, né sur la terre, dont les aïeux cultivent la terre depuis dix générations, accompagné d’une femme bien en chair et d’une demi-douzaine d’enfants, voilà des recrues de bonne qualité." L’immigration des Américains noirs est activement découragée, souvent sous le prétexte qu’ils sont peu adaptés au climat canadien. |
1900-1921 | 138 000 Juifs immigrent au Canada. Bon nombre d’entre eux sont des réfugiés fuyant les pogroms de la Russie tsariste et de l’Europe de l’Est. Il y a aussi les Doukhobors qui arrivaient de la Russie, où ils subissaient de la persécution. |
1900 | La taxe pour les immigrants chinois passe de 50$ à 100$. Cette taxe a été introduite en 1885. |
1901 | Recensement (1)
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1903 | La taxe pour les immigrants chinois passe à 500$. De 1901 à 1918, les immigrants chinois paient 18 millions $ (comparé à 10 millions $ dépensés en promotion pour l’immigration européenne). |
1906 | Loi d’Immigration. Selon Frank Oliver, ministre de l’Intérieur, la Loi vise à "permettre au ministère de l’Immigration de gérer les immigrants indésirables" en fournissant un moyen de contrôle. Les catégories d’immigrants "interdits" sont étendues. La Loi autorise le gouvernement à déporter des immigrants après deux ans de résidence (sera plus tard étendu à trois, puis cinq ans). Les motifs de déportation incluent le fait de devenir une charge publique, la folie, l’infirmité, la maladie, le handicap, la criminalité et l’immoralité. De telles déportations ont eu cours avant 1905, mais après 1906, avec cette loi, leur nombre augmente drastiquement. |
1906-1907 | 4 700 Indiens, principalement des Sikhs du Pendjab arrivent à Vancouver. Les arrivées de Japonais et de Chinois augmentent (plus de 2 300 Japonais arrivent en 1907). La réaction de la communauté blanche de la Colombie-Britannique est décrite par le ministre de l’Intérieur comme "presque hystérique". "Un défilé anti-asiatique" organisé par la Ligue d’exclusion asiatique se termine en émeute, avec des dégâts énormes dans les quartiers chinois et japonais. |
1907 | Une délégation gouvernementale partie au Japon signe un accord par lequel le gouvernement japonais limite volontairement l’émigration de Japonais vers le Canada à 400 personnes par an. |
1908 | La règle du « voyage direct » est imposée par décret. À l’époque, les navires arrivant de l’Inde et du Japon s’arrêtent à Hawaii. Les sommes d’argent exigées des Indiens à l’arrivée passent de 50 $ à 200 $. |
1908 | Des amendements sont apportés à la loi sur l’immigration chinoise. La liste de personnes interdites est élargie alors que les catégories de personnes exemptes de la taxe sont restreintes. |
1908 | Création d’un service d’inspection à la frontière des États-Unis et du Canada. |
1910 | Loi d’immigration. Cette loi donne un important pouvoir discrétionnaire au gouvernement pour gérer l’immigration par décrets. L’article 38 permet au gouvernement d’interdire l’admission d’immigrants en vertu de la règle du « voyage direct » ou d’une race jugée inadaptée au climat ou aux exigences du Canada. La loi étend les motifs de déportation pour inclure l’immoralité et les délits politiques (la Section 41). La Loi introduit le concept de "domicile " qui est acquis après trois ans de résidence au Canada (étendu par la suite à cinq ans). |
1910 | Des fermiers noirs de l’Oklahoma souhaitent émigrer au Canada pour fuir le racisme accru chez eux. Un certain nombre de chambres de commerce et le Conseil municipal d’Edmonton interpellent Ottawa pour empêcher l’immigration noire. En 1911, un décret est rédigé interdisant l’admission « de tout immigrant de race noire, laquelle race est jugée peu adaptée au climat et aux exigences du Canada ». Le décret ne sera jamais proclamé, néanmoins, ce mouvement d’immigration sera efficacement stoppé, notamment par une interprétation stricte des examens médicaux. Sur plus de 1 million d’Américains ayant immigré au Canada entre 1896 et 1911, moins de 1 000 sont des Afro-Américains. |
1910-1911 | Premier programme d’aide domestique ciblant les Caraïbes : 100 Guadeloupéennes arrivent au Québec. |
1911 | Recensement.
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1912-1914 | La Dominion Iron and Steel Company envoie deux sidérurgistes barbadiens en Barbade pour recruter des sidérurgistes. |
1913 | L’immigration a atteint un niveau record de 400 810 nouvelles arrivées (le niveau le plus haut du siècle). |
Juin 1914 | Un député de la Chambre des communes : "Comment pouvons-nous continuer à encourager le commerce entre le Canada et l’Asie et espérer ensuite empêcher les Asiatiques d’entrer dans notre pays ?" |
1914 | Le Komagatu Maru arrive de la Chine à Vancouver avec à bord 376 Indiens, auxquels l’accès au Canada est refusé. Après deux mois passé dans le port et suite à un appel infructueux auprès de la Cour suprême de Colombie-Britannique, le bateau repart. Entre 1914 et 1920 seulement un Indien sera admis au Canada comme immigrant. |
1914 | Adoption de la Loi sur les mesures de guerre, accordant au gouvernement des pouvoirs élargis pour arrêter, détenir et déporter des personnes. Les “ressortissants de pays ennemis” doivent s’enregistrer et sont soumis à de nombreuses restrictions. Durant la guerre, 8 000 à 9 000 "ressortissants de pays ennemi" sont internés. Plusieurs seront par la suite libérés pour combler les pénuries de main-d’œuvre. |
1915-19 | Immigration très limitée pendant la guerre. |
1917 | Loi privant de droits civils les "ressortissants de pays ennemi" qui avaient été naturalisés depuis 1902. |
1917 | Création par décret du Bureau d’Immigration et de Colonisation. |
1917 | Environ 4 000 Huttériens immigrent en Alberta en provenance du Dakota du Sud, où ils subissent des discriminations en tant que germanophones peu disposés à appuyer les efforts de guerre. Ils sont acceptés par le Canada grâce à un décret de 1899 destiné à l’origine aux Doukhobors. |
1918 | Les Industrial Workers of the World (Travailleurs industriels du monde - les « Wobblies ») et 13 autres groupes socialistes ou anarchistes sont déclarés illégaux. Un autre décret interdit les publications en finlandais, russe, ukrainien, hongrois et allemand. Pendant plusieurs années, les « Wobblies » seront une cible prioritaire des activités gouvernementales anti-agitateurs, en raison des craintes de subversion ennemie et de la « menace bolchevique », ainsi que à la pression d’industriels intéressés à contrer le militantisme des travailleurs. Les fonctionnaires d’immigration utilisent toutes les mesures dont ils disposent pour déporter des membres IWW. Par exemple, un homme a été déporté parce qu’il avait « créé une agitation et une perturbation en préconisant ouvertement les opinions de l’IWW » lorsqu’il était dans un train. L’argument légal pour le déporter était qu’il avait créé ou avait essayé de créer une émeute ou un désordre public au Canada (article 41 de la Loi). |
1918-19 | À la fin de guerre, des immigrants sont renvoyés de leur travail pour libérer des emplois pour les soldats de retour. |
1919 | Une Division de Femmes est créée dans les Services de l’immigration. Un programme est développé pour prendre « soin » des femmes célibataires (surtout des Britanniques, dans les années 1920). Le gouvernement veut sauver les femmes de la « ruine ». Les femmes immigrantes qui se sont engagées dans des relations sexuelles en dehors du mariage sont susceptibles d’être déportées (parfois pour raison de prostitution, ou si elles ont un enfant illégitime en raison du fait qu’elles sont devenues une charge publique puisqu’elles seraient en général congédiées). |
1919 | Des modifications sont apportées à la Loi d’Immigration, ajoutant de nouveaux motifs pour refuser l’entrée et pour la déportation (l’infériorité constitutionnelle psychopathique, l’alcoolisme chronique, l’analphabétisme, etc.). L’article 38 permettait au Cabinet d’interdire toute race, nationalité ou catégorie d’immigrants pour motif « des conditions économiques, industrielles, ou autres existant temporairement au Canada » (le chômage est alors élevé), parce qu’elles étaient inadaptées, ou à cause « de leurs habitudes particulières, de leur mode de vie et de leurs méthodes de détention de biens ». En vertu d’un amendement supplémentaire ajouté à la dernière minute, en réponse à la Grève générale de Winnipeg, dont les leaders sont des activistes britanniques, les ressortissants britanniques sont soumis à la déportation pour des raisons politiques. Cet amendement particulier sera abrogé en 1928. |
Juin 1919 | Se basant sur l’article 38 de la Loi d’Immigration, un décret est publié interdisant l’entrée de Doukhobors, de Mennonites et de Huttériens, en raison « de leurs habitudes particulières, de leur mode de vie et de leurs méthodes de détention de biens ». |
1919 | Amendement à la Loi sur la naturalisation. La citoyenneté pourrait être révoquée dans le cas d’une personne jugée révoltée ou déloyale, ou si elle n’était pas de bonne moralité lors de l’octroi du certificat. |
1920 | Un fonctionnaire de l’immigration : «À l’heure actuelle, nous sommes à la recherche d’une méthode plus efficace que celle dont nous nous disposons pour empêcher l’arrivée ici d’un grand nombre d’ êtres médiocres en provenance de l’Europe, dont la venue ici est considérée plus à la lumière d’une catastrophe que toute autre chose. » |
1921 | Recensement
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1922 | Le Parlement britannique adopte la « Empire Settlement Act » : elle offre des voyages subventionnés et de la formation aux couples mariés, travailleurs agricoles célibataires, domestiques et adolescents âgés de 14 à 17 ans. On a aidé 130 000 immigrants au Canada dans le cadre de cette loi. Un Accord est prévu pour la sélection, la surveillance et l’aide aux travailleuses domestiques. Entre janvier 1926 et le 31 mars 1931, 689 femmes sont arrivées conformément à cet accord. 4.6 % ont été déportées, pour des raisons comme "l’illégitimité", "l’immoralité", "problème médical", "le mariage", "mauvaise conduite" et "condamnation criminelle" (c’étaient les raisons invoquées par le ministère, mais pas nécessairement les bases légales pour les déportations). |
Juin 1922 | Révocation du décret concernant les habitudes particulières, mode de vie et méthodes de détention de biens tel qu’appliqué aux Mennonites et Huttériens, ouvrant la porte aux Mennonites russes faisant face à la persécution dans la Russie communiste. 20 000 s’établissent au Canada entre 1923 et 1929. Les Doukhobors restent interdits. |
Juin 1922 | Un amendement à la loi sur l’opium et les narcotiques prévoit la déportation "d’étrangers résidents" (c’est-à-dire les immigrants au Canada depuis 5 ans ou plus) ayant des condamnations liées à la drogue. Cette mesure visait notamment les Chinois. En 1923-1924, 35 % des déportations effectuées par la Division du Pacifique se fondaient sur ces dispositions. |
Janvier 1923 | Un décret exclu « tout immigrant de toute race asiatique » à l’exception des agriculteurs, des manœuvres agricoles, des travailleuses domestiques, et des femmes et des enfants d’une personne résidant légalement au Canada. |
1923 | Fonctionnaire de l’immigration : "il y a des tentatives continuelles par des indésirables de nationalités étrangères et appauvries d’entrer au Canada, mais ces tentatives seront freinées autant que possible à la source. » |
1923 | Après une période de morosité économique d’après-guerre et de faible niveau d’immigration, on observe un encouragement prudent à l’immigration. La porte s’ouvre aux citoyens de la Grande-Bretagne, des États-Unis et « des pays préférés » (la Norvège, la Suède, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, la Hollande, la Belgique et la France). Seuls les agriculteurs, les manœuvres agricoles, les travailleuses domestiques et les membres de la famille parrainés peuvent être admis de pays « non préférés » : l’Autriche, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la Bulgarie, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie. L’Europe du Sud n’est pas mentionnée. |
Juin 1923 | Loi d’Immigration chinoise. Cette loi interdit l’entrée à tous les immigrants chinois sauf les diplomates, les étudiants, les enfants de Canadiens et une catégorie d’investisseur. À part des protestations de la communauté chinoise au Canada, il n’y a pratiquement aucune voix d’opposition. Le jour de l’entrée en vigueur de cette Loi - le 1er juillet - est connu par les Canadiens chinois comme « le jour d’humiliation ». |
1923-24 | Le suicide de trois enfants immigrants mène à une étude par une délégation parlementaire britannique du programme qui a envoyé des enfants au Canada. Certains enfants sont des orphelins, mais la plupart ont laissé des parents derrière eux. Environ 100 000 enfants ont immigré au Canada par ce programme, qui a duré de 1868 jusqu’aux années 1930. En 1925, suite au rapport de la délégation, le gouvernement canadien met fin à l’immigration d’enfants de moins de 14 ans non accompagnés par des parents. |
1925 | L’entente avec les sociétés ferroviaires est signée entre le gouvernement, le Canadien Pacifique et le Canadien National. Les chemins de fer allaient recruter des immigrants, y compris en provenance des pays « non préférés » de l’Europe centrale et du Nord. Plus de 185 000 Européens du centre de l’Europe entreront au Canada conformément à l’entente (1925-1929). |
1929 | Le Conseil canadien de colonisation mennonite cherche désespérément à faire entrer 1 000 familles mennonites faisant face à la déportation en Sibérie. Le gouvernement de la Saskatchewan, comme d’autres provinces, les refuse. Finalement 1 300 Mennonites s’installeront surtout en Ontario. |
1930 | La dépression s’étant installée, un nombre accru de personnes sont déportées pour le motif qu’elles sont « devenues une charge publique ». De 1930 à 1934, 16 765 immigrants sont déportés pour cette raison (plus de 6 fois plus que pendant les 5 années précédentes). Le nombre de déportations pour raison de causes médicales et de criminalité a aussi augmenté. |
Sept. 1930 | Décret (P.C. 2115) interdisant l’admission « de tout immigrant de toute race asiatique », à l’exception des femmes et des enfants mineurs de citoyens canadiens (peu d’Asiatiques ont accès à la citoyenneté). |
1931 | Décret exigeant que les Chinois et les Japonais renoncent à leur ancienne citoyenneté avant d’être naturalisés. La loi japonaise ne permettant pas la révocation de la citoyenneté, cette règle avait pour effet d’empêcher la naturalisation des Japonais. De toute façon, depuis 1923, très peu d’Asiatiques ont pu obtenir la naturalisation, le système étant très discriminatoire. |
1931 | Recensement
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1931 | Déportations d’immigrants qui ont organisé ou participé aux grèves ou à d’autres activités syndicales. Le maire de Winnipeg, Ralph Webb, fait campagne pour déporter et empêcher l’admission des communistes et des agitateurs. Il fait pression pour « la déportation de tous les indésirables ». |
Mars 1931 | Dans le contexte de crise économique, un décret est adopté (P.C. 695) qui limite l’admission aux citoyens américains, aux sujets britanniques et aux agriculteurs ayant des moyens économiques. |
Août 1931 | Le parti communiste devient illégal en vertu du Code criminel. Les immigrants membres du parti communiste, même s’ils sont naturalisés, peuvent perdre leur citoyenneté canadienne et être déportés. |
Fin 1931 | La déportation politique est devenue une politique fédérale. Le ministre de la Justice organise une réunion spéciale appuyée par le ministre de la Défense nationale, le commissaire à l’Immigration, le chef d’état-major militaire et le commissaire de la GRC. Le nombre de personnes déportées pour des motifs politiques est inconnu, parce qu’ils peuvent techniquement avoir été déportés pour d’autres raisons (condamnation criminelle, vagabondage ou constituant une charge publique). |
Début 1930s | La déportation massive de chômeurs (28 097 personnes sont déportées entre 1930 et 1935). Après un tollé, le ministère change sa politique en suspendant les déportations de ceux qui ont trouvé un travail au moment où les mesures d’expulsion sont prêtes. |
Mai 1932 | Lors d’une «rafle rouge », des leaders de gauche d’un peu partout au Canada sont arrêtés et envoyés à Halifax pour des interrogatoires et des déportations. L’un d’entre eux est un citoyen canadien de naissance. Il poursuit en justice le gouvernement pour détention arbitraire, mais malgré des critiques de la Cour d’appel du Manitoba quant aux abus de procédures, il perd sa cause. Les autres, connus comme les "Dix d’Halifax", perdent leur appel devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse bien qu’ait été reconnu le fait que le ministère n’avait pas agi en conformité complète avec la loi. Malgré de vastes protestations, ils sont déportés. |
1934 | On refuse 94 % de demandes de naturalisation. Des évaluations confidentielles de la GRC mènent aux refus sur la base de l’activisme politique ou syndical ou "du mauvais caractère". |
1936 | L’immigration devient un volet du ministère des Mines et des Ressources. |
1937 | Rapport annuel sur l’immigration : « il y a actuellement une grande pression à nos portes pour l’admission de milliers de peuples en détresse d’Europe ». |
1938 | Un certain nombre d’individus et groupes, y compris l’Église anglicane, l’Église Unie, le YMCA, des clubs de service locaux et la Fédération du commonwealth coopératif (CCF), aussi que des groupes communautaires juifs, invitent le gouvernement à admettre des réfugiés juifs. Ils s’opposent à des groupes tels que les Native Sons of Canada, Leadership League et Canadian Corps. Les voix antisémites sont particulièrement fortes au Québec. |
Mars 1938 | F.C. Blair, directeur de l’Immigration Branch (un antisémite, qui s’est personnellement assuré que pratiquement aucun Juif ne soit admis au Canada pendant cette période) : « Depuis la guerre, des efforts ont été faits par des groupes et des individus pour faire admettre des réfugiés au Canada, mais nous nous sommes battus depuis le début pour nous protéger contre l’admission de telles personnes apatrides sans passeports, pour la raison que, sortant du tourbillon de la guerre, certains d’entre eux sont susceptibles de faire naufrage et quand ils deviennent des charges pour l’état nous devons les garder pour le reste de leur vie. » |
Juillet 1938 | Le Canada participe (à contrecœur) à la Conférence sur les réfugiés d’Évian. Les représentants canadiens ont des instructions du premier ministre Mackenzie King à l’effet de ne pas soutenir la création d’une structure permanente pour traiter des questions relatives aux réfugiés ou n’importe quelles initiatives visant à engager des pays à accueillir une part des réfugiés. |
Oct. 1938 | Lors d’une réunion de la Société de la ligue des nations du Canada, le Conseil canadien des réfugiés et des victimes de persécution est mis sur pied. Depuis que le gouvernement a affirmé sa réticence à admettre des réfugiés faute d’appui de la population, le conseil concentre ses efforts sur l’éducation du public, organisant des réunions publiques et publiant une brochure « le Canada devrait-il admettre des réfugiés? » Devant l’échec de ses efforts pour changer les politiques, le comité intervient dans des cas individuels, parfois avec des résultats positifs. Parmi les réfugiés admis, on retrouve l’industriel tchèque Thomas Bata et 82 de ses ouvriers. |
1938 | Note à Mackenzie King par les ministères des Affaires extérieures et des Mines et Ressources : « nous ne voulons pas prendre trop de Juifs, mais vu l’état des choses, nous ne voulons pas le dire publiquement. Nous ne voulons pas légitimer la mythologie aryenne en imposant une distinction formelle pour des buts d’immigration entre des Juifs et des non-juifs. La distinction pratique, cependant, doit être faite et devrait être dessinée avec la discrétion et la sympathie du ministère compétent, sans besoin de fixer une minute formelle de politique. » |
Nov. 1938 | La Grande-Bretagne demande au Canada d’accueillir quelques réfugiés allemands des Sudètes qui ont fui devant les nazis vers Prague. Les compagnies ferroviaires sont envoyées pour examiner l’immigration potentielle de fermiers et de verriers. Le Canada consent à en prendre 1 200, mais demande à la Grande-Bretagne de payer 1 500 $ par famille pour le transport et les coûts d’installation (la Grande-Bretagne avait offert 1 000 $). Tandis que les négociations continuent, l’Allemagne occupe le reste de la Tchécoslovaquie, empêchant la réinstallation de la plupart des réfugiés. 303 familles et 72 hommes célibataires qui avaient précédemment réussi à arriver en Grande-Bretagne sont accueillis en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Ils ont peu ou pas d’expérience agricole, mais il ne leur est pas permis de s’installer dans les villes. |
Déc. 1938 | En réponse à la crise des réfugiés, le gouvernement rappelle simplement sa politique générale : les réfugiés qui entrent dans les catégories d’immigrants admissibles peuvent venir au Canada. |
1939 | Le Saint-Louis a navigué de l’Allemagne avec 930 réfugiés juifs à bord. Aucun pays dans les Amériques ne leur permet d’aborder. 44 Torontois en vue envoient un télégramme au premier ministre du Canada le pressant de donner asile aux réfugiés, en vain. Le bateau est forcé de retourner en Europe où plusieurs des réfugiés meurent aux mains des nazis. |
1940 | Dans une étude comparative sur les déportations en Grande-Bretagne, l’Irlande du Nord, le Canada, l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, C.F. Fraser a mis en évidence que les pratiques du Canada étaient les plus arbitraires et le pouvoir judiciaire canadien apathique : « la caractéristique la plus notable des cas de déportation au Canada est le désir apparent d’obtenir que les agitateurs de tout pays sortent à tout prix ... L’organe exécutif du gouvernement dans sa hâte de se doter de cette politique ... a fait preuve d’un mépris marqué pour les finesses de procédures. » |
1940 | 2 500 hommes « ressortissants d’un pays ennemi potentiellement dangereux » internés par la Grande-Bretagne sont envoyés au Canada. Ils sont logés dans des prisons de haute sécurité. En fait, beaucoup d’entre eux sont juifs. En 1945, ils sont reclassés comme des « réfugiés internés (étrangers amis) ». 972 acceptent une offre de devenir citoyen canadien. Beaucoup poursuivront des carrières en vue dans le monde universitaire ou des arts. |
1941 | Recensement
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1942 | L’immigration atteint son plus bas niveau du siècle : 7 576. |
Févr. 1942 | 22 000 Canadiens d’origine japonaise sont expulsés. Beaucoup vont dans les camps de détention de la Colombie-Britannique, d’autres plus à l’est. La détention continue jusqu’à la fin de la guerre, moment où le gouvernement canadien en encourage beaucoup à "être rapatriés" au Japon. 4 000 quittent, dont plus de la moitié sont nés au Canada. |
1945-1947 | Durant le début de l’après-guerre, les contrôles d’immigration restent serrés, tandis que la pression monte pour une politique d’immigration plus ouverte et une réponse humanitaire aux personnes déplacées en Europe. |
Mai 1946 | Un décret est publié permettant aux citoyens canadiens de parrainer des frères et des soeurs, des parents, des neveux et des nièces orphelins. |
Mai 1946 | Les fonctionnaires canadiens ont reçu la consigne d’accepter des documents d’identité et des documents de voyage à défaut de passeport pour les personnes déplacées. |
Juillet 1946 | Le gouvernement décide d’admettre 3 000 vétérans polonais. Ils sont obligés de travailler dans une ferme pendant un an après leur arrivée au Canada. |
1946 | La loi sur la citoyenneté canadienne est adoptée, créant une citoyenneté canadienne séparée, distincte de la citoyenneté britannique (le Canada est le premier pays du Commonwealth à le faire). |
Nov. 1946 | Le premier ministre annonce des mesures d’urgence en faveur de la réinstallation de réfugiés européens. Aucune mesure concrète n’est prise avant quelques mois et la porte ne s’est pas ouverte pour les réfugiés sans parents au Canada avant le milieu de 1947. La sélection de réfugiés est guidée par des considérations économiques (le Ministère du Travail a été impliqué), des préjugés ethniques (des Juifs sont régulièrement rejetés) et les préjugés politiques (les personnes ayant des sympathies de gauche ou communistes sont étiquetées "indésirables"). Les réfugiés doivent aussi être en bonne santé. Selon un agent des Affaires extérieures, le Canada choisissait les réfugiés "comme de bons bovins de boucherie". |
Janv. 1947 | Les Italiens ont été retirés de la catégorie de « ressortissants d’un pays ennemi » entrainant une période d’immigration italienne significative. |
Avril 1947 | Début de la vague des Personnes déplacées. 186 154 personnes déplacées sont venues au Canada entre 1947 et 1952. |
1 Mai 1947 | Le premier ministre Mackenzie King fait une déclaration dans la Chambre des communes précisant la politique d’immigration du Canada. « La politique du gouvernement vise à favoriser la croissance de la population du Canada en encourageant l’immigration. Le gouvernement veillera à travers la législation, les règlements et une administration rigoureuse, à assurer la sélection prudente et l’établissement permanent du nombre d’immigrants qui peuvent être avantageusement absorbés par notre économie nationale. » Quant à la discrimination, il précise que le Canada est « parfaitement en droit de sélectionner les personnes qu’il considère comme des citoyens futurs désirables ». Cependant, il concède qu’il serait préférable de mettre fin à « la discrimination répréhensible ». D’autre part, « le peuple canadien ne souhaite pas, en conséquence d’une immigration massive, voir un changement fondamental des caractéristiques de notre population. L’immigration à grande échelle de l’Orient changerait la composition fondamentale de la population canadienne ». |
1er mai 1947 | Un décret est publié permettant à des résidents (et non seulement des citoyens) de parrainer leur fiancé (e), conjoint(e) et enfants célibataires. |
Mai 1947 | La Loi sur l’immigration chinoise est abrogée, après des pressions, par exemple de la part du Comité pour l’abrogation de la Loi sur l’immigration chinoise, formé par des églises et des groupes syndicaux. L’immigration chinoise est dorénavant régie par les règles de 1930 à l’égard des « Asiatiques », qui ne permettent que le parrainage de femmes et d’enfants par des citoyens canadiens. |
Août 1948 | Le premier d’un total de 9 bateaux transportant 987 réfugiés estoniens arrive sur la côte Est du Canada. Ils ont navigué de la Suède, d’où ils étaient menacés de rapatriement forcé en Union soviétique. Ils avaient essayé de se réinstaller au Canada, mais avaient été contrecarrés par les longs retards et les barrières dans le traitement d’immigration canadien. Ils ont été détenus à l’arrivée et traités selon des mesures ad hoc. Tous sauf 12 ont été acceptés (les 12 ont été déportés). |
1950 | Le ministère de la Citoyenneté et l’Immigration est créé. |
Juin 1950 | Un décret est publié remplaçant les mesures précédentes concernant la sélection des immigrants. La préférence est maintenue pour des immigrants britanniques, irlandais, français et américains. Les catégories d’immigrants européens admissibles sont élargies pour inclure les candidats en santé, avec des compétences et qui pourraient facilement s’intégrer. Le décret donne un vaste pouvoir discrétionnaire de refus et les Noirs continuent à être pour la plupart exclus. |
1950 | Les Allemands disparaissent de la catégorie des « ressortissants d’un pays ennemi ». |
(1) Les chiffres provenant du recensement doivent considérés avec circonspection, compte tenu des nombeux facteurs de distorsion. Les groupes discriminés sont souvent sous-représentés. Les catégories imposées à la population par les recenseurs sont elles-mêmes révélatrices.