Le Canada a  été examiné à deux reprises par le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant  quant à sa conformité à la Convention relative aux droits de l’enfant.  L’heure est venue pour le troisième examen du  Canada.
Dans ses rapports  précédents, le Comité des droits de l’enfant a souligné plusieurs domaines où  le Canada manque à son devoir concernant les enfants réfugiés et immigrants.
Malgré les recommandations  de  l’ONU, plusieurs de ces problèmes  persistent à ce jour.
Le Comité a regretté que :
- « les  principes de la non-discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du  respect des opinions de l’enfant n’aient pas toujours été pris en considération  de façon entièrement satisfaisante par les organes administratifs chargés des  enfants réfugiés ou immigrants. » (#13)
 
    - « des  fonctionnaires des services d’immigration ont recours à des mesures de  privation de liberté à l’encontre d’enfants, pour des raisons de sécurité ou à  d’autres fins » (#13)
 
    - « l’insuffisance  des mesures prises pour que les demandes de réunification familiale soient  traitées de façon favorable avec humanité et diligence. » (#13)
 
    - « la  longueur des formalités nécessaires pour obtenir la réunification familiale  lorsque un ou plusieurs membres d’une famille ont obtenu le statut de réfugié  au Canada et lorsque des enfants réfugiés ou immigrants nés au Canada risquent  d’être séparés de leurs parents, si ces derniers font l’objet d’un arrêté d’expulsion. »  (#13)
 
Le Comité a recommandé : 
- « d’attacher  une attention particulière à la mise en oeuvre de l’article 22 [concernant les  enfants demandeurs d’asile] et des principes généraux de la Convention,  notamment à ceux qui concernent l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect  de ses opinions pour tout ce qui a trait à la protection des enfants réfugiés  et immigrants, notamment en cas d’expulsion. » (#24)
 
    - « de  prendre toutes les mesures possibles pour faciliter et accélérer la  réunification familiale lorsque le statut de réfugié au Canada a été octroyé à  un ou plusieurs membres d’une famille. Il devrait en outre chercher des  solutions propres à éviter les mesures d’expulsion causant la séparation de  familles, dans l’esprit de l’article 9 de la Convention. » (#24)
 
    - « d’examiner, eu égard aux dispositions de la  Convention, la situation des enfants non accompagnés et des enfants qui se sont  vu refuser le statut de réfugié et sont en attente d’expulsion. La privation de  liberté, notamment ne doit être décidée qu’en dernier ressort à l’égard d’enfants,  en particulier d’enfants non accompagnés, que ce soit pour des raisons de  sécurité ou à d’autres fins, conformément à l’article 37 b) de la Convention. »  (#24)
 
Le rapport intégral 
 
Le Comité s’inquiétait :
- « de  l’accroissement du nombre des femmes et des enfants étrangers faisant l’objet de la  traite qui entrent sur le sol canadien. » (#52)
 
Le Comité a exprimé sa préoccupation face :
- « aux allégations selon lesquelles les enfants de  migrants sans statut reconnu seraient exclus du système scolaire dans certaines  provinces. » (#44)
 
    - à  « l’absence:
 
- De politique nationale  touchant les enfants non accompagnés demandeurs d’asile;
 
        - De procédure standard pour  la désignation d’un représentant légal de ces enfants;
 
        - De définition des «enfants séparés» et de données fiables sur les  enfants demandeurs d’asile;
 
        - De formation adaptée et d’approche  cohérente des autorités fédérales dans la remise des enfants vulnérables aux  services sociaux. »  (#46) 
 
    
Le Comité a recommandé au Canada de :
- « faire en sorte qu’un plan national d’action cohérent et complet  fondé sur les droits soit adopté, qui vise tous les enfants, en particulier  ceux des groupes les plus vulnérables tels que les autochtones, les migrants et  les réfugiés, répartissant les responsabilités, établissant des priorités  claires, un calendrier et une répartition préliminaire des ressources  nécessaires conformément à la Convention aux niveaux fédéral, provincial,  territorial et local, en coopération avec la société civile. » (#13)
 
    - « accorder une attention particulière à la  pleine mise en œuvre de l’article 4 de la Convention en définissant l’ordre de  priorité des allocations budgétaires de façon à assurer la mise en œuvre des  droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en particulier ceux des  groupes marginalisés et économiquement défavorisés, «au maximum de ses  ressources disponibles». » (#18)
 
    - s’assurer « que  le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant consacré à l’article 3 fasse l’objet  d’une analyse approfondie et soit objectivement mis en œuvre au regard de  différentes situations d’enfants et de groupes d’enfants (autochtones, par  exemple), et qu’il soit intégré dans tous les processus de révision des textes  de loi concernant des enfants, toutes les procédures judiciaires et décisions  judiciaires et administratives, mais aussi dans les projets, programmes et  services ayant un impact sur les enfants. » (#25)
 
    - « prendre  davantage de mesures en application de l’article 7 de la Convention, y compris  des mesures tendant à assurer l’enregistrement des naissances et à faciliter  les demandes d’octroi de la nationalité, pour résoudre les situations d’apatridie.  Le Comité suggère en outre à l’État partie de  ratifier la Convention relative au statut des apatrides de 1954. » (#27)
 
    - « prendre  des mesures pour veiller à ce que tous les enfants jouissent sur un pied d’égalité de la  même qualité de services de santé, en accordant une attention particulière aux enfants autochtones et aux  enfants des zones rurales et isolées. » (#35)
 
    - s’assurer « qu’un enseignement  primaire de qualité gratuit respectueux de l’identité culturelle de chacun des  enfants soit disponible et accessible à tous, en accordant une attention  particulière aux enfants des communautés rurales, aux autochtones et aux  réfugiés ou demandeurs d’asile. » (#45a)
 
    - « éviter, par principe, de  placer des mineurs non accompagnés en détention et de rendre plus clair que,  dans l’intention du législateur, ce type de détention est une mesure de  «dernier ressort», le droit de contester rapidement la légalité de toute  détention étant garanti conformément à l’article 37 de la Convention » (#47(c))
 
    - « élaborer de meilleures lignes  directrices opérationnelles et de politique générale en matière de retour dans  le pays d’origine des enfants séparés qui n’ont pas besoin de protection  internationale » (#47(d))
 
    - «   veiller à ce que les enfants réfugiés et demandeurs d’asile aient accès aux  services fondamentaux, tels que l’éducation et la santé, et à ce que l’octroi  des prestations aux familles de demandeurs d’asile se fasse sans discrimination  susceptible de se répercuter sur les enfants » (#47(e))
 
    - « veiller à la rapidité des procédures en  matière de regroupement familial. » (#47(f))
 
Le rapport intégral 
 
1. L’intérêt supérieur de l’enfant
De  nombreuses décisions d’immigration qui touchent les enfants sont encore prises  sans considération adéquate (voire sans aucune considération) de l’intérêt  supérieur de l’enfant.  En conséquence, certains  enfants sont séparés de leurs parents et d’autres sont privés de la  réunification familiale.  Pour des  informations supplémentaires, voir le rapport : L’intérêt supérieur de l’enfant dans les décisions sur les motifs  humanitaires, septembre 2008.1
 2. La réunification familiale
De nombreuses  familles réfugiées doivent attendre des années pour la réunification familiale,  ce qui entraîne un coût énorme pour les enfants et viole l’obligation du Canada  de traiter la réunification familiale « dans un esprit positif, avec  humanité et diligence ».  Les enfants  en Afrique et dans certaines régions de l’Asie font face à des attentes particulièrement  longues.  En 2008, la moitié des demandes  de réunification de la part de familles réfugiées traitées au bureau des visas  de Nairobi prenait plus de 22 mois.  À  Colombo, la moitié prenait plus de 30 mois.2  Des tests ADN sont fréquemment exigés, sont  coûteux et longs à faire. Certains réfugiés font face à des obstacles  particuliers, tels que des familles touchées par la règle du « membre de la  famille exclu » (Règlement 117(9)d)).  Les  enfants séparés reconnus réfugiés n’ont aucun droit en vertu de la loi à la  réunification avec leurs parents et frères et sœurs.
3. Les enfants en détention
Même si la Loi sur l’immigration et la protection des  réfugiés prévoit que la détention des enfants devrait se limiter à  « une mesure de dernier recours », un nombre important d’enfants sont  détenus au Canada en vertu de la loi sur l’immigration, certains accompagnés d’un  parent et d’autres seuls.  En décembre 2008,  61 enfants étaient détenus, dont 10 étaient des enfants non-accompagnés.  Au cours de l’été 2008, une fille âgée de 11  ans a passé un mois en détention à Montréal après avoir été identifiée comme  une possible victime de la traite.  Elle  a passé une partie de ce temps isolée.
4. L’absence d’une politique nationale pour  enfants séparés demandeurs d’asile
Malgré la recommandation  claire du Comité onusien, le Canada n’a toujours pas élaboré une politique  nationale pour les enfants séparés demandeurs d’asile.  Il en résulte que certains de ces enfants  extrêmement vulnérables tombent entre les mailles du filet.  Le gouvernement ne maintient même pas de statistiques  fiables sur le nombre d’enfants séparés qui demandent l’asile.
5. Les enfants en situation de pauvreté
Les enfants  réfugiés et immigrants au Canada connaissent des taux élevés de pauvreté.  Plusieurs appartiennent à des familles racisés  qui sont surreprésentés parmi les pauvres.  Une étude de janvier 2007 de Statistique  Canada a conclu qu’une proportion élevée d’immigrants récents fait face à un  faible revenu chronique, même si un plus grand nombre d’immigrants arrivent au  Canada hautement qualifié au plan professionnel.3  Les réfugiés font face à des défis particuliers.  Par exemple, le gouvernement canadien s’attend  à ce que les réfugiés réinstallés paient leur transport au Canada : il en  résulte que les familles passent leurs premières années au Canada à essayer de  rembourser une dette allant jusqu’à 10 000$.   Les enfants de ces familles ressentent souvent qu’ils doivent travailler  afin de contribuer au remboursement du prêt.4  D’autres familles, telles que celles provenant  de pays sous moratoire qui demeurent pendant de nombreuses années sans résidence  permanente, sont privées de la Prestation fiscale canadienne pour enfants.
6. L’absence de protection pour les  enfants ayant subi la traite
La seule  mention des victimes de la traite dans la Loi  sur l’immigration et la protection des réfugiés se trouve dans le règlement  qui cite le fait d’avoir été victime de la traite parmi les facteurs pouvant  donner lieu à la détention, incluant celle des enfants.  Rien dans la loi ne protège spécifiquement  les droits des victimes de la traite.  En  conséquence, une fille de 11 ans a passé un mois seule en détention en 2008.5
7. Les enfants apatrides
Le Canada n’a toujours pas ratifié la Convention relative au statut des  apatrides de 1954. Pire encore, des modifications à la Loi sur la citoyenneté  adoptée en 2008 augmentent le risque que des enfants de citoyens canadiens  naissent apatrides.6
Mars 2009