Réformer le Programme des travailleurs étrangers temporaires: Réponse du CCR au rapport HUMA

Introduction

Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) a salué l’annonce par le gouvernement fédéral de l’examen du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), comme une occasion de s’attaquer aux préoccupations liées au programme, notamment celles qui concernent les droits fondamentaux des travailleurs migrants qui y participent.

Le CCR a soumis au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA) un mémoire décrivant nos  préoccupations et recommandations clés, dans le but d’améliorer l’intégrité du programme en protégeant les droits des travailleurs migrants.

La publication du rapport HUMA a eu lieu le 19 septembre 2016. Maintenant que le rapport a été publié, le gouvernement du Canada doit agir rapidement pour faire face aux graves lacunes du Programme des travailleurs étrangers temporaires, à la fois en réponse aux recommandations du comité, et afin d’aborder d’autres questions cruciales insuffisamment traitées dans le rapport.

Les permis de travail ouverts

Le CCR félicite le comité pour sa recommandation faite au gouvernement d’éliminer immédiatement l’exigence d’un permis de travail fermé (spécifique à l’employeur). Ce changement important sera une étape nécessaire pour réduire la vulnérabilité des travailleurs migrants aux mauvais traitements. Cependant, nous croyons que les permis de travail devraient être ouverts, et les travailleurs migrants devraient avoir les mêmes droits à la mobilité professionnelle que les travailleurs canadiens.

L’accès à la résidence permanente

Le CCR demande au gouvernement d’agir rapidement pour donner l’accès à la résidence permanente à tous les travailleurs migrants. Ceci est crucial, étant donné que le statut précaire et temporaire des travailleurs migrants est à l’origine de leur vulnérabilité face aux abus, tel que reconnu par le rapport du comité.

La recommandation du comité, qui privilégie l’accès aux travailleurs migrants qui se sont intégrés dans la société canadienne, ne prend pas en compte le fait que l’intégration est à peu près impossible pour de nombreux travailleurs migrants dans les catégories peu qualifiées. Ils vivent souvent avec d’autres travailleurs étrangers, dans des lieux de travail situés dans des localités isolées, et n’ont pas droit aux cours de  langue, ce qui entraîne des barrières linguistiques. Afin d’éviter la discrimination et l’exclusion, « l’intégration dans la société canadienne » ne doit pas être une condition préalable à l’accès à la résidence permanente.

Le CCR croit que les travailleurs devraient être en mesure de demander le statut de résident permanent en même temps qu’ils demandent le permis de travail. Il a été démontré que les « voies » à la résidence permanente qui rendent les travailleurs migrants dépendants de leur employeur pour le soutien, créent une ouverture pour les abus.

Délais

Comme recommandé par le comité, le CCR exhorte le gouvernement à retirer la règle sur la période cumulative du maximum de quatre ans.

Surveillance et application des règles

Le CCR accueille favorablement les recommandations du comité sur les mécanismes de surveillance et d’application des règles, et estime que le gouvernement doit agir rapidement pour combler les lacunes en matière de respect du programme par les employeurs, et de protection des droits des travailleurs migrants, notamment en veillant à la bonne application des lois du travail, et à la mise en place d’un système de réglementation pour les recruteurs, comme indiqué dans le rapport.

Comme le comité le mentionne, les travailleurs migrants doivent être informés de leurs droits dans le cadre du programme, y compris la façon de signaler les abus. Ces mesures doivent être accompagnées par des dispositions visant à garantir un soutien et un recours dans le cas où un signalement d’abus engendre la perte d’emploi, et qu’ils soient protégés contre le rapatriement involontaire.

Les lacunes

Le comité a entendu des témoignages convaincants sur plusieurs questions cruciales qui ne sont pas abordées dans les recommandations finales.

Les services d’accueil et d’établissement: le gouvernement fédéral devrait élargir les critères d’admissibilité aux services d’accueil et d’établissement à tous les travailleurs migrants, y compris les travailleurs étrangers temporaires et les travailleurs agricoles saisonniers. Le manque d’accès aux services et aux cours de langues conduit à l’isolement, un manque d’information et de soutien, et une vulnérabilité accrue.

La réunification familiale: les travailleurs migrants devraient être autorisés à amener leurs conjoints et enfants avec eux au Canada, afin d’éviter les impacts négatifs sur la santé mentale des individus et les communautés, liés à  la séparation de la famille. Les travailleurs migrants qui ont participé aux audiences du comité ont parlé avec éloquence de l’impact de la séparation à long terme sur eux-mêmes et sur leur famille.

Les travailleurs agricoles saisonniers: comme d’autres travailleurs migrants, les participants au Programme des Travailleurs agricoles saisonniers se retrouvent dans des situations de vulnérabilité, séparation familiale prolongée et abus; ils devraient bénéficier de toutes améliorations apportées au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Ces changements sont nécessaires pour faire face aux pratiques abusives au sein du Programme des travailleurs agricoles saisonniers dont le comité a entendu parler.

Conclusion

Le rapport HUMA parle de certaines préoccupations principales soulevées par les travailleurs migrants et leurs défenseurs, et peut être un outil utile pour un changement de politique. Le gouvernement fédéral doit agir pour faire face aux préoccupations soulevées par les témoins et par ceux qui ont présenté des mémoires, dans l’intérêt de la protection des droits des travailleurs migrants et du renforcement de la société canadienne en permettant à tous les travailleurs de contribuer et  d’en profiter d’une manière égale.

Au-delà des critiques portées sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires, le CCR croit qu’il doit y avoir un débat public sur l’évolution de la politique d’immigration canadienne au cours des dernières années envers la migration de travail temporaire. Le CCR croit que le Canada doit se séparer du recours croissant aux programmes de migration temporaire de la main-d’œuvre, qui sont entachés d’abus, et revenir à  l’immigration permanente en tant que stratégie pour répondre aux besoins du marché du travail, et pour la construction de la nation. Plus précisément, nous recommandons la révision du programme d’immigration économique du Canada, afin d’inclure les travailleurs peu qualifiés, afin qu’ils puissent venir comme immigrants sans être séparés de leur famille, ou sans être soumis à la précarité des voies vers la résidence permanente qui dépendent du parrainage de l’employeur.

Le CCR encourage le gouvernement à demander les commentaires de la société civile  lors de l’élaboration des modifications à ce programme et des autres. Les travailleurs migrants eux-mêmes et les organismes qui travaillent avec eux, sont les mieux placés pour informer les changements de politique, et nous invitons le gouvernement à favoriser une relation de consultation et de collaboration continue.