Aller au contenu principal

Déclaration sur les passages au chemin Roxham

Conseil canadien pour les réfugiés

Déclaration publique

le 9 mars 2023

Déclaration sur les passages au chemin Roxham

En réponse à l’attention portée actuellement aux personnes qui demandent le statut de réfugié au chemin Roxham, le Conseil canadien pour les réfugiés souligne les points suivants et appelle au respect des droits et de la dignité de tous ceux et celles qui recherchent notre protection.

Le Canada a des obligations légales envers les réfugiés à ses frontières

Garder la porte ouverte aux réfugiés est l’une des obligations légales les plus fondamentales que doivent respecter tous les pays à l’égard des personnes fuyant la persécution. En tant que signataire de la Convention relative au statut des réfugiés, le Canada a l’obligation, en vertu du droit international, de ne pas refouler sommairement les personnes qui demandent une protection. Cette interdiction a pour but de protéger les réfugiés contre le risque d’être renvoyés dans leur pays d’origine pour y subir des persécutions, voire la mort.

Demander au Canada de fermer la frontière aux réfugiés revient à proposer une action qui viole le droit international. Inversement, en vertu du droit international, il n’est pas illégal pour une personne fuyant la persécution de franchir la frontière de manière irrégulière pour demander une protection.

Si le Canada veut avoir une quelconque autorité morale sur la scène mondiale en matière de protection des réfugiés, il doit respecter ses obligations juridiques les plus fondamentales à l’égard des réfugiés et défendre la Convention relative au statut des réfugiés au Canada et à ses frontières.

Les États-Unis ne sont pas sûrs pour tous les réfugiés

Refouler les demandeurs d’asile vers les États-Unis revient à condamner certains d’entre eux à la détention dans des conditions atroces et à un éventuel retour à la persécution dans leur pays d’origine. Dans le cadre de la contestation judiciaire de l’Entente sur les tiers pays sûrs, de multiples preuves ont été présentées aux tribunaux montrant que de nombreux demandeurs d’asile renvoyés aux États-Unis étaient détenus. Les conditions étaient si mauvaises que la Cour fédérale a conclu qu’elles choqueraient la conscience des Canadiens.

Les personnes détenues ont beaucoup moins de chances de voir leur demande d’asile aboutir aux États-Unis. En outre, il existe d’autres obstacles importants à l’accès à l’asile aux États-Unis, notamment un délai d’un an pour déposer une demande et une interprétation très restrictive de la persécution fondée sur le genre. La Cour suprême est en train de décider si l’application de l’Entente sur les tiers pays sûrs viole la Charte canadienne des droits et libertés.

La majorité des personnes qui déposent une demande d’asile au chemin Roxham sont reconnues comme des réfugiés (y compris certaines qui se sont vu refuser l’asile aux États-Unis). Parmi les personnes qui ne sont pas acceptées comme réfugiés, beaucoup fuient néanmoins des situations de violence et de désordre généralisés (comme en Haïti ou au Venezuela). Elles viennent au Canada afin de trouver un endroit sûr pour elles-mêmes et leur famille, car elles ne peuvent trouver la sécurité nulle part ailleurs.

Le Canada n’accueille qu’une petite partie des personnes déplacées dans le monde

Le nombre de demandeurs d’asile au Canada a augmenté, mais c’est normal. Dans le monde entier, le nombre de personnes fuyant en tant que réfugiés a augmenté de façon spectaculaire - à la fin de 2021, on estimait à 89,3 millions le nombre de personnes déplacées de force dans le monde. L’afflux au Canada est extrêmement faible par rapport au nombre de migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

De nombreux pays beaucoup moins riches, comme la Turquie ou la Colombie, accueillent des millions de personnes déplacées, soit bien plus que le Canada.

Au vu de la situation internationale, le Canada devrait faire preuve de leadership et montrer l’exemple en s’adaptant à un plus grand nombre de réfugiés, et non pas fermer ses portes.

Les gens utilisent des voies irrégulières parce que le Canada bloque les voies régulières

Les gens sont confrontés à de nombreux défis et risques lorsqu’ils traversent la frontière au chemin Roxham. S’ils en avaient la possibilité, ils feraient des choix différents. Cependant, les personnes déplacées de force se rendent au chemin Roxham parce que l’Entente sur les tiers pays sûrs signifie qu’elles ne peuvent pas déposer de demande à un point d’entrée. Le Canada pourrait – et devrait – mettre fin aux passages irréguliers au chemin Roxham en se retirant de l’Entente. Les personnes pourraient alors se présenter de manière régulière à n’importe quel point d’entrée dans tout le Canada. Ce serait mieux pour les personnes qui arrivent et mieux pour le Canada.

Le Canada pourrait également élargir les options juridiques pour les personnes déplacées de force. Nous avons vu ce qu’il était possible de faire avec l’introduction, l’année dernière, de l’autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (CUAET). Ce visa permet aux Ukrainiens d’entrer au Canada et de demander un permis de travail ou d’étude. Le Canada a admis plus de 160 000 Ukrainiens depuis le début de l’année 2022 (bien plus que le nombre de demandeurs d’asile). Pourquoi le Canada n’offre-t-il pas des visas d’urgence similaires aux ressortissants d’autres pays en crise? S’il le faisait, beaucoup moins de personnes seraient obligées de traverser au chemin Roxham.

L’équité raciale exige que les personnes noires et de couleur aient également la possibilité d’arriver au Canada de manière régulière et digne. Elles ne devraient pas être obligées de recourir à traverser la frontière de façon irrégulière, souvent au péril de leur vie et de celle de leur famille dans des conditions hivernales difficiles, et être diabolisées pour cela.

Tous les niveaux de gouvernement doivent respecter la dignité des demandeurs d’asile et leur apporter un soutien de base

Les personnes qui demandent le statut de réfugié au Canada, y compris au chemin Roxham, ont pour la plupart fui des situations de violence et des pays en crise. Elles ont souvent subi des voyages incroyablement difficiles et dangereux avant d’arriver au Canada. Nombre d’entre elles sont désespérément inquiètes pour leur famille qu’elles ont dû laisser derrière elles. Si on leur en donne la chance, elles deviennent des membres précieux de nos collectivités, notamment en acceptant des emplois vitaux pour lesquels les travailleurs sont rares.

Elles méritent d’être traitées avec dignité et respect.

Elles méritent également de bénéficier de services d’aide de base, que le gouvernement fédéral ne finance pas à l’heure actuelle. Contrairement à la plupart des nouveaux arrivants au Canada, les demandeurs d’asile ne sont pas éligibles aux services d’établissement, malgré le fait qu’ils ont souvent subi de multiples expériences traumatisantes et qu’ils sont confrontés à des difficultés de traitement complexes au Canada. Il est profondément injuste que certains des nouveaux arrivants les plus vulnérables reçoivent le moins de soutien.

Les personnes qui déposent des demandes d’asile sont confrontées à de nombreux obstacles administratifs qui ajoutent inutilement à l’apparence de désordre. Avec moins d’obstacles administratifs, un accès plus rapide aux permis de travail et la fourniture de services communautaires appropriés, nous verrons que le Canada est capable de répondre aux besoins de ceux et celles qui viennent demander notre protection.

Plus vite les personnes se sentiront en sécurité et bien établies, plus vite elles pourront réaliser leurs projets de vie et continuer à enrichir le tissu social de la société canadienne.