Aller au contenu principal

Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 : Mesures essentielles pour faire face à la traite des personnes et le rôle du Canada

Introduction

Le 11 juin 2014, l’Organisation internationale du travail (OIT)[1] a adopté un nouveau Protocole relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. Le protocole concerne la traite des personnes et précise des mesures qui visent à empêcher la traite des personnes à des fins de travail forcé et à protéger et à venir en aide aux survivants.

L’objet du protocole est de combler les lacunes dans la mise en œuvre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Tandis que le protocole réaffirme la définition[2] du travail forcé ou obligatoire établie par la convention de 1930, il reconnaît la nécessité d’actualiser les mesures de la convention au regard des changements au contexte global et afin de répondre aux tendances ainsi qu’aux formes d’abus actuelles. Celles-ci comprennent les abus envers les travailleurs et travailleuses vulnérables, particulièrement les migrants dans l’économie privée, ainsi que la traite des personnes à des fins de travail forcé ou obligatoire, qui peut impliquer l’exploitation sexuelle.

Une Recommandation non contraignante sur des mesures complémentaires en vue de la suppression effective du travail forcé a aussi été négociée par les membres de l’OIT. La recommandation vise à apporter une orientation juridique aux gouvernements dans la mise en œuvre de la convention et du protocole et conseille des mesures additionnelles à prendre afin de prévenir et de protéger adéquatement les individus contre le travail forcé ou obligatoire.

Le protocole et la recommandation sont particulièrement pertinents pour les efforts du Canada en vue de contrer les différentes formes de travail forcé et d’abus, y compris la traite à des fins de travail forcé, ce qui touche majoritairement les travailleurs migrants au Canada. Actuellement, le droit canadien du travail ne protège pas adéquatement les travailleurs migrants, et les expose donc à un risque de mauvais traitements, de conditions de travail forcé ou obligatoire, d’exploitation et de traite des personnes. Il s’agit d’un problème croissant, mais évitable. Le Canada a ratifié la convention de 1930, manifestant son engagement à éliminer le travail forcé. Il est d'autant plus important de tourner vers le protocole et la recommandation puisqu’ils offrent des outils importants pour renforcer les mesures de prévention et de protection contre les différentes formes de travail forcé ou obligatoire et d’abus.

Le Conseil canadien pour les réfugiés demande donc au gouvernement du Canada de ratifier le Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, et de mettre en œuvre toutes ses dispositions. Le CCR incite également au gouvernement à adopter la recommandation du protocole.

Le résumé qui suit éclaire les mesures essentielles du protocole concernant la prévention, la protection, et des recours efficaces nécessaires pour combattre le travail forcé ou obligatoire, y compris la traite des personnes.

 

Protocole relatif à la convention sur le travail forcé : mesures essentielles

Le protocole exige des États qui l’ont ratifié qu’ils prennent les mesures suivantes :

  • élaborer une politique et un plan d’action nationaux visant la suppression du travail forcé, en coordination avec les organisations d’employeurs et de travailleuses et de travailleurs, parmi d’autres groupes de la société civile concernés;
  • éduquer et informer des personnes considérées au risque de devenir soumis au travail forcé ou obligatoire, ainsi que des employeurs afin d’éviter leur participation dans des pratiques de travail forcé;
  • veiller à ce que le droit du travail et d’autres lois concernés avec la prévention du travail forcé étendent et appliquent à tous les travailleurs et à l’ensemble de secteurs de l’économie;
  • renforcer des services de l’inspection du travail et d’autres services chargés de faire appliquer cette législation;
  • protéger des personnes, en particulier des travailleurs migrants, contre les pratiques abusives ou frauduleuses au cours du processus de recrutement et de placement;
  • appuyer les secteurs publics et privés dans la prise d'initiatives pour prévenir et répondre aux risques de travail forcé ou obligatoire dans leurs opérations;
  • faire face aux causes profondes et aux facteurs qui accroissent le risque de travail forcé;
  • prendre des mesures pour identifier, libérer, protéger et venir en aide aux personnes ayant subi le travail forcé, y compris des mesures pour permettre leur rétablissement et leur réadaptation ;
  • assurer l’accès de toutes les personnes ayant subi le travail forcé à des mécanismes de recours et de réparation, dont l’indemnisation, sans égard à leur statut d’immigration;
  • prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes ne soient pas tenues d’engager des poursuites à l’encontre de victimes pour des activités illicites qu’elles auraient été contraintes de réaliser en conséquence directe de leur soumission au travail forcé ou obligatoire;
  • coopérer au niveau international afin de prévenir et d’éliminer toutes les formes de travail forcé ou obligatoire.

 

Recommandation relative au travail forcé : mesures complémentaires essentielles

La recommandation complétant la convention et le protocole offre une orientation plus détaillée aux gouvernements afin de soutenir ses actions dans les domaines de protection, de prévention, de recours, de contrôle de l’application et de la coopération internationale. Les mesures conseillées comprennent :

  • la collecte de données fiables sur la nature et l’ampleur du travail forcé ou obligatoire, ce qui permettrait une évaluation des progrès accomplis;
  • l’établissement ou renforcement : (a) des politiques et des plans d’action nationaux reposant sur une approche soucieuse de l’enfant et attentive à la dimension de genre, et (b) des autorités et mécanismes compétents en matière de travail forcé, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, ainsi que d’autres groupes concernés.

Mesures de protection :

  • des efforts ciblés pour identifier et libérer les individus soumis au travail forcé;
  • des mesures de protection aux personnes ayant subi le travail forcé sans conditionner leur accès à la protection à sa coopération lors de la procédure pénale ou d’autres procédures;
  • des mesures pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des survivants, notamment par :
    • des efforts  pour protéger la sécurité des survivants, ainsi que des membres de leur famille et des témoins;
    • des services spécialisés (par exemple, en offrant un logement adéquat et approprié, des soins de santé et des services de réadaptation, parmi d’autres services) aux personnes ayant subi le travail forcé, comprenant également les personnes qui ont subi des violences sexuelles;
    • de l’aide matérielle, sociale et économique.
  • la protection des migrants ayant subi le travail forcé, quel que soit leur statut d’immigration, notamment par :
    • l’octroi d’une période de réflexion et de rétablissement afin de leur permettre de rester temporairement dans le pays où elles se trouvent avant de décider de prendre des mesures de protection ou de faire appel à la justice;
    • l’octroi d’un permis de séjour temporaire ou permanent et l’accès au marché du travail, et en facilitant le rapatriement sûr et volontaire de la personne.

Mesures de prévention :

  • des initiatives qui répondent au travail des enfants et qui créent des opportunités ciblant l’éducation pour les filles et les garçons;
  • des garanties élémentaires de sécurité sociale;
  • des campagnes ciblées de sensibilisation pour les personnes les plus exposées au risque d’être soumises au travail forcé, ainsi que des campagnes concernant les sanctions encourues en cas de la participation aux pratiques de travail forcé;
  • des services d’orientation et d’information pour les migrants, au départ et à l’arrivée;
  • des politiques qui considèrent les risques auxquels sont confrontés des groupes particuliers de migrants et qui répondent aux circonstances pouvant conduire à des situations de travail forcé;
  • la coordination des efforts avec d’autres gouvernements afin de prévenir la traite des personnes, y compris des efforts visant à réglementer, autoriser et contrôler l’activité des recruteurs et des agences d’emploi et à éliminer l’imposition de frais de recrutement pour les travailleuses et les travailleurs.

Mécanismes de recours :

  • garantir aux personnes ayant subi le travail forcé, tant citoyen que non citoyen, l’accès à la justice et d’autres recours, tels que l’indemnisation des dommages personnels et matériels;
  • faciliter l’accès à l’information pour les personnes ayant subi le travail forcé au sujet de leurs droits et des services disponibles, ainsi que l’accès à l’assistance juridique, de préférence gratuite.

Mesures de contrôle de l’application :

  • tenir les entreprises et d’autres entités juridiques responsables des violations relatives au travail forcé, et les soumettre à des sanctions telles que la confiscation des profits tirés de tel travail, ou d’autres actifs;
  • renforcer les mesures d’identification et élaborer des indicateurs qui pourraient être utilisés par les inspecteurs du travail, les forces de l’ordre, les agents des services sociaux, les agents des services de l’immigration, le ministère public, les employeurs, les organisations d’employeurs et de travailleurs, les organisations non gouvernementales et les autres acteurs concernés.

Coopération internationale :

  • renforcer la coopération internationale entre les institutions chargées de l’application de la législation du travail, en plus de celles chargées de l’application du droit pénal;
  • coopérer au niveau international pour prévenir et répondre à l’usage du travail forcé par le personnel diplomatique.
 

[1] L’OIT est une agence spécialisée des Nations Unies  qui porte sur les normes du travail et œuvre à l’obtention du travail décent pour tous, http://ilo.org/global/lang--fr/index.htm. Le Canada en est un pays membre. 

[2] L’article 2.1 de la Convention sur le travail forcé désigne comme travail forcé ou obligatoire : « tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré ».