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Des ONG appellent à un accès élargi à la réinstallation des réfugiés à l’échelle mondiale

Le Conseil canadien pour les réfugiés au forum multilatéral à Genève

Genève, 7 juin 2024 - Les délégués d’ONG de 26 pays se réunissant à Genève cette semaine ont lancé un appel en faveur d’actions internationales pour élargir l’accès à la réinstallation des réfugiés et leur offrir des voies de migration supplémentaires, alors que le HCR publie un nouveau rapport indiquant que 2,9 millions de réfugiés à travers le monde devront être réinstallés de façon prioritaire en 2025.

Les Consultations sur la réinstallation et les voies complémentaires (CRVC), un forum annuel d’une durée de trois jours, se sont ouvertes à Genève le 5 juin avec la publication du rapport du HCR sur les besoins en matière de réinstallation à l’échelle mondiale en 2025.

Coprésidées par le gouvernement de l’Australie, le Refugee Council of Australia, le HCR et le Groupe consultatif sur les réfugiés (GCR) des CRVC, les CRVC 2024 réunissent 340 délégués de 44 pays, comprenant des représentants gouvernementaux, des ONG, des organismes dirigés par des réfugiés, des organisations du secteur privé et des institutions universitaires. Le Conseil canadien pour les réfugiés y participe avec une délégation de 11 personnes issues d’organisations membres de partout au Canada, y compris plusieurs personnes qui ont vécu l’expérience de réfugiés et qui sont maintenant installées au Canada.

Le rapport du HCR intitulé Besoins prévisionnels de réinstallation à l’échelle mondiale en 2025 identifie 2,9 millions de réfugiés qui auront besoin d’être réinstallés l’an prochain, soit un demi-million de réfugiés de plus que le nombre de réfugiés qu’avait identifiés le HCR l’an dernier. Le nombre de réfugiés ayant besoin de réinstallation prioritaire en 2025 est 30 fois supérieur aux 96 311 réfugiés qui ont été réinstallés en 2023 après avoir été dirigés par le HCR vers des États de réinstallation.

Une déclaration commune des ONG, présentée par Paul Power, directeur général du Refugee Council of Australia, lors de la séance d’ouverture des CRVC, a soutenu l’appel lancé par Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, pour que les États prennent des engagements durables en faveur de la réinstallation des réfugiés.

Reconnaissant favorablement le fait que certains États ont élargi leurs programmes de réinstallation, la déclaration des ONG soulève des préoccupations quant au nombre de pays qui réduisent ou interrompent leurs programmes de réinstallation en dépit des besoins pressants à l’échelle mondiale. Le Canada fait partie des pays dont les lignes directrices en matière de réfugiés pris en charge par le gouvernement tendent vers la mauvaise direction, avec des objectifs passant de 23 550 en 2023 à 15 250 d’ici 2025.

La déclaration des ONG, qui appelle les États à maintenir et à développer les programmes de réinstallation et de voies d’accès complémentaires, souligne le rôle essentiel que joue la réinstallation pour les réfugiés les plus menacés, en particulier pour les réfugiés LGBTQI+ en provenance de pays où les relations entre personnes de même sexe est criminalisée, pour les femmes et les filles qui subissent des violences fondées sur le sexe et le genre, pour les personnes en situation de handicap et les personnes ayant des besoins complexes en matière de santé, ainsi que pour d’autres réfugiés confrontés à des dangers imminents.

Les CRVC se poursuivent jusqu’à vendredi, alors que les délégués échangent au sujet des progrès accomplis en vertu de la Feuille de route à l’horizon 2030 relative aux solutions pour les réfugiés faisant appel à des pays tiers, une stratégie de 12 ans visant à réinstaller un million de réfugiés et à soutenir la migration de deux millions de réfugiés par des voies complémentaires.

Les discussions sur les voies complémentaires se concentreront sur l’accès des réfugiés à des programmes pour la main-d’œuvre qualifiée, aux voies liées à l’éducation, au parrainage communautaire et au regroupement familial. Le dialogue sur la réinstallation inclura les perspectives des États d’accueil des réfugiés, l’exploration du rôle des organisations dirigées par des réfugiés, les stratégies de soutien aux États ayant de nouveaux programmes de réinstallation ou des programmes en cours d’élaboration, les réponses au changement climatique, ainsi que le rôle de la réinstallation dans le renforcement de la protection des réfugiés LGBTQI+ comme alternative aux itinéraires risqués vers la sécurité.

L’importance du soutien après l’arrivée offert aux réfugiés nouvellement réinstallés sera explorée lors de sessions sur l’orientation avant et après l’arrivée, le soutien aux personnes qui ont survécu à la torture et à des traumatismes, les solutions en matière de logement, l’inclusion numérique, les partenariats avec le secteur privé et la création de communautés accueillantes.

Le texte intégral de la déclaration des ONG se trouve ci-dessous.

 

Consultations sur la réinstallation et les voies complémentaires (CRVC) 2024 

Solutions en action : vers la feuille de route 2030 

Déclaration des ONG 

 

Nous, les organisations non gouvernementales (ONG) participant aux Consultations sur la réinstallation et les voies complémentaires (CRVC) 2024, offrons les commentaires et les recommandations politiques suivants aux acteurs impliqués dans la réinstallation des réfugiés, les voies complémentaires, et l’aide à l’établissement et à l’intégration après l’arrivée.

Introduction 

Le nombre de personnes qui sont déplacées de force et qui ont besoin d’une solution durable et sûre dans un pays tiers a augmenté chaque année depuis les deux dernières décennies. Les problèmes existants de déplacement prolongé ont été exacerbés par une succession de crises de déplacements à grande échelle dans toutes les régions du monde. Parallèlement, de nombreux pays impliqués dans la réinstallation des réfugiés tentent de trouver des solutions aux pénuries de logements et aux crises liées au coût de la vie, ce qui réduit la volonté politique de répondre aux besoins urgents en matière de protection des réfugiés. 

En même temps, de nombreux pays sont confrontés à des pénuries de main-d’œuvre et ont besoin de trouver des personnes qualifiées pour, entre autres, construire des logements dont le besoin est pressant et prendre soin des populations vieillissantes. Les communautés locales, les groupes de la diaspora, les entreprises, les groupes confessionnels, les gouvernements locaux, les universités et d’autres acteurs non étatiques ont montré leur volonté d’offrir du soutien aux réfugiés, car les avantages d’une collaboration multipartite sont clairs.clearly evident. 

Une réalité qui s’était toujours avérée devient aussi maintenant de plus en plus reconnue : si les réfugiés ont besoin de protection et d’un avenir sûr, ce sont également des personnes avec des compétences, des connaissances, des aspirations, des connexions et une volonté de subvenir à leurs besoins et à ceux des autres, de retrouver leurs proches et de contribuer à tout pays qui leur offre pleinement cette chance. Il n’est pas surprenant que nous ayons observé un intérêt grandissant pour les voies de migration qui peuvent compléter la réinstallation, tout en reconnaissant les forces et l’agentivité des réfugiés. Le changement de nom de ce forum à Consultations sur la réinstallation et les voies complémentaires reconnaît la nécessité d’innover et de travailler en collaboration pour accroître les solutions sûres et durables des pays tiers pour les réfugiés.

Retour sur l’année écoulée 

Le Forum mondial sur les réfugiés de 2023 a permis à la communauté mondiale de se réunir pour s’engager à prendre des mesures concrètes pour soutenir les réfugiés et les communautés d’accueil, ce qui s’est traduit par de nombreux engagements qui renforceront la réinstallation et les voies complémentaires s’ils sont mis en œuvre. Les ONG font partie des groupes qui ont pris des engagements importants. Nous assumerons nos responsabilités tout en invitant les autres entités à honorer leurs engagements. 

En juin 2023, nous avons présenté huit recommandations dans la déclaration des ONG lors des Consultations tripartites annuelles sur la réinstallation. Nous avons souligné l’importance des voies complémentaires qui s’ajoutent à la réinstallation et qui offrent des solutions réellement durables. Nous avons appelé à l’équité dans l’accès à la réinstallation et aux voies complémentaires, à la poursuite du travail sur les titres de voyage pour réfugiés, à des investissements accrus dans le soutien avant le départ et l’intégration à long terme, ainsi qu’à des suivis et des évaluations plus robustes. Nous avons souligné que la participation et le leadership des personnes ayant vécu des déplacements forcés étaient essentiels pour construire des communautés d’accueil. 

Nous sommes ravis de pouvoir dire que certains dossiers ont progressé et que le dialogue se poursuit. Les rencontres du forum de cette semaine porteront spécifiquement sur les perspectives des pays hôtes, l’identification fondée sur les besoins, les liens avant et après l’arrivée, l’enjeu des titres de voyage pour réfugiés, le rôle des organisations dirigées par des réfugiés dans la réinstallation et les voies complémentaires, les partenariats et la manière dont nous partageons les connaissances sur l’intégration et l’établissement après l’arrivée. 

En ce qui a trait à la participation significative des réfugiés, nous sommes ravis de constater le renforcement de la participation d’experts ayant vécu l’expérience de réfugié aux CRVC grâce au travail continu de nos collègues du Groupe consultatif sur les réfugiés des CRVC. Cette année, les lignes directrices relatives à la participation aux CRVC ont été révisées afin d’inclure une allocation pour plusieurs représentants des réfugiés dans chaque délégation nationale. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis 2012, lorsque ce forum est devenu l’un des premiers rassemblements multilatéraux à inclure une représentation formelle des réfugiés en allouant jusqu’à cinq places pour les représentants des réfugiés. Aujourd’hui, 60 délégués présents dans la salle se sont identifiés dans les inscriptions comme représentants des réfugiés. Plusieurs représentants présents ont été soutenus financièrement et logistiquement par des agences gouvernementales et des ONG qui reconnaissent que les voix de l’expérience vécue sont essentielles pour que ce forum soit efficace. Nous encourageons les ONG et les agences gouvernementales présentes dans la salle qui ne l’ont pas encore fait à soutenir une participation diversifiée des réfugiés l’an prochain. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que la participation des réfugiés soit soutenue et financée, et pour que les personnes ayant une expérience personnelle du déplacement puissent jouer un rôle accru dans l’élaboration de solutions durables.

Recommandations 

Cette année, nous présentons cinq recommandations pour des actions viables et équitables en faveur de solutions durables pour les réfugiés :

  1. Élargir l’accès à la réinstallation et maintenir une orientation axée sur la protection  

Les ONG font écho à l’appel qu’a lancé Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, à « tous les États qui en ont les moyens de prendre des engagements durables en matière de réinstallation afin d’offrir sécurité et protection à ceux qui en ont le plus besoin ». Les ONG félicitent les États qui se sont engagés à élargir leurs programmes de réinstallation. Nous exprimons notre frustration et nos préoccupations quant à la réduction ou à l’interruption de programmes dans certains pays à un moment où les besoins mondiaux sont si pressants. 

Nous appelons les États à maintenir et à élargir leurs programmes de réinstallation, en soulignant que la réinstallation est et devrait toujours rester un outil de protection central pour les réfugiés qui en ont le plus besoin. Pour les personnes LGBTQI+, la réinstallation peut être une bouée de sauvetage. 64 États dans le monde criminalisent les relations entre personnes de même sexe et les persécutions fondées sur l’identité et l’expression de genre et sur la séropositivité sont très répandues. Les personnes LGBTQI+ à risque sont souvent confrontées à des obstacles systémiques qui les empêchent d’être protégées par le système mondial d’asile. Pour les femmes et les filles qui subissent des violences fondées sur le sexe et le genre et qui courent des risques importants en raison de leur proximité avec leurs agresseurs, la réinstallation peut représenter une bouée de sauvetage. Pour les personnes en situation de handicap et celles qui ont des besoins complexes en matière de santé, la réinstallation peut être salvatrice, tout en permettant aux États de réinstallation d’alléger de façon constructive la pression sur les systèmes de santé dans des pays accueillant un grand nombre de réfugiés. Les pays de réinstallation devraient mettre en place une voie de réinstallation accélérée pour les réfugiés confrontés à un danger imminent, à l’instar de la voie d’accès au Canada pour les défenseurs des droits de la personne, qui garantit que cet accès puisse être obtenu en cas de besoin. 

Pour élargir l’accès à la réinstallation et maintenir leurs objectifs de protection, les États doivent adopter une planification et un financement pluriannuels ainsi que des quotas flexibles et non alloués, dans la mesure du possible, en utilisant des entretiens à distance et d’autres modalités innovatrices pour favoriser un traitement efficace. Nous félicitons les États qui veillent à ce que leurs programmes de réinstallation se fondent réellement sur les besoins et s’alignent bien sur les priorités du HCR en matière de réinstallation, et nous demandons à tous les États d’éliminer les critères de sélection restrictifs et très discutables liés à ce qui est appelé le « potentiel d’intégration».

  1. Favoriser les innovations et assurer l’équité des réponses 

Nous avons vu plusieurs adaptations novatrices et remarquables dans les réponses récentes à différentes crises, en particulier les déplacements depuis l’Afghanistan et l’Ukraine. Ces réponses comprennent de nouvelles voies d’accès aux visas, la création rapide de quotas supplémentaires, le parrainage communautaire, la liberté de mouvement et le choix des réfugiés du lieu d’établissement, des dispositions en faveur de l’unité familiale et un accès rapide à une autorisation de travail. Cependant, ces réponses politiques n’ont pas été appliquées de manière équitable – y compris plus récemment pour les personnes déplacées du Soudan, du Myanmar et de la Palestine. Nous appelons les États à adopter les mesures les plus innovatrices et les mieux adaptées dans la création de voies sûres et à les mettre en œuvre dans les réponses futures aux crises. Quant aux voies complémentaires qui émergent dans plusieurs pays, nous demandons que l’accès soit équitable indépendamment de la nationalité et qu’il soit élargi pour les réfugiés dans des situations prolongées.

  1. Investir dans la construction de liens entre les pays hôtes et les pays tiers 

Nous appelons à de plus grands investissements dans les pays hôtes et les systèmes de pré-départ – pour faciliter une réinstallation plus fluide et rapide ainsi qu’un accès à des voies complémentaires, pour accroître les possibilités de développement de compétences dont peuvent bénéficier les réfugiés et les communautés d’accueil, et pour faciliter l’intégration après l’arrivée pour les personnes qui sont réinstallées ou qui ont accès à des voies complémentaires. Les ONG observent avec inquiétude que le HCR et d’autres agences des Nations unies sont privés de ressources et perdent leur expertise en raison de crises de financement. Il est essentiel que les gouvernements travaillent ensemble pour veiller à ce que le HCR reste fort et dispose de ressources adéquates pour que l’organisation puisse poursuivre son travail crucial de protection et de coordination de solutions durables. Il faut à tout prix s’assurer que le HCR ait la capacité d’enregistrer et d’identifier les personnes ayant besoin de protection. Par ailleurs, investir dans des organisations dirigées par des réfugiés dans les pays d’accueil peut permettre de créer des liens et de soutenir l’évaluation et l’identification des personnes déplacées de force qui sont à risque et qui ont besoin d’une solution durable.

  1. Tirer parti de l’expertise en cultivant des partenariats fondés sur la confiance 

Tirer parti de l’expertise et cultiver des partenariats forts, fondés sur la confiance et équitables avec des organisations locales de la société civile qui soutiennent les populations très vulnérables peut permettre de créer des voies supplémentaires vers la sécurité. Il y a d’excellentes possibilités de collaboration étroite avec des partenaires dont le travail est axé sur des activités favorisant l’autonomie dans les pays d’accueil, au moyen d’opportunités éducatives, de programmes de renforcement des compétences et de formations préalables à l’embauche. Il est important d’inclure des acteurs du développement et du secteur privé, à la fois comme employeurs et défenseurs des droits, dans l’élaboration d’activités qui renforcent l’autonomie. Nous devons veiller à les aborder non seulement pour leur potentiel de solutions des pays tiers, mais aussi pour les avantages qu’elles présentent pour les communautés d’accueil. De nombreuses personnes qui participent à ces programmes peuvent choisir de ne pas chercher de solutions de pays tiers et de rester là où elles sont. De plus, le financement adéquat est essentiel pour établir des voies autonomes, entre autres par le soutien des ONG engagées dans ces stratégies.

  1. Éliminer les obstacles au regroupement familial et aux autres voies de migrationpathways 

Les ONG continuent d’exhorter les États hôtes et les États d’accueil à mettre en œuvre tous les changements politiques possibles et à faire preuve d’indulgence sur le plan administratif et de flexibilité procédurale pour soutenir l’entrée et la sortie des réfugiés par des voies légales, notamment par le biais d’autorisations de sortie, de visas et de titres de voyage. Il est essentiel que les obstacles tels que les exigences en matière de documentation, l’accès limité aux ambassades, les coûts élevés et d’autres obstacles soient levés afin de faciliter le regroupement des familles, en particulier pour les enfants non accompagnés et séparés.

Conclusion 

Il y a cinq ans, ce forum s’est entendu sur une vision de 10 ans de solutions de pays tiers pour un million de réfugiés au moyen de la réinstallation et pour deux millions de réfugiés par le biais d’autres voies de migration. Après la pandémie de COVID, cet objectif a été prolongé de deux ans, soit jusqu’en 2030. Nous savons qu’il reste beaucoup de travail à faire pour s’approcher de cet objectif collectif et qu’il existe de nombreux obstacles, tant politiques que pratiques. 

Toutefois, nous trouvons encourageants le travail impressionnant qui a été accompli pour élargir l’accès des réfugiés à des voies complémentaires et la ténacité des défenseurs des droits qui continuent à plaider en faveur d’un accès élargi à la réinstallation. En tant qu’ONG travaillant partout dans le monde pour répondre aux impacts des déplacements forcés, nous restons déterminés à travailler avec les États, les organisations internationales, les communautés de réfugiés et d’autres acteurs pour continuer à faire valoir des solutions plus durables pour les personnes déplacées de force. Nous attendons avec impatience les trois prochains jours pour partager des informations et des idées, renforcer les partenariats internationaux et nous inspirer mutuellement pour rester engagés dans ce travail essentiel et vital.