La version française de la lettre est une traduction de sa version originale soumise en anglais uniquement
13 décembre 2024
L’honorable Marc Miller, C.P., député
Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté
Objet : Préoccupations du CCR concernant les étudiants internationaux touchés par les récents changements de politique
Monsieur le Ministre,
Suite à nos récentes conversations lors de la consultation du CCR à Ottawa, je vous écris pour vous faire part de nos graves préoccupations concernant les répercussions des récents changements de politique sur les étudiants internationaux qui sont déjà au Canada, et le discours inquiétant que nous observons de la part du gouvernement qui remet en question le droit de certains étudiants à demander l’asile.
Après avoir été encouragés à venir ici pour étudier, avec la perspective d’une voie d’accès à la résidence permanente, et après avoir contribué à la société canadienne, de nombreux étudiants internationaux se voient aujourd’hui fermer la porte d’un avenir au Canada en raison des récentes modifications apportées aux règles et des plafonds imposés aux niveaux d’immigration.
Les révisions de politique sont la prérogative du gouvernement, mais il est injuste de changer les règles à mi-chemin, laissant les gens bloqués. Un débat important est en cours sur les changements à apporter aux règles et aux programmes d’immigration pour les étudiants internationaux. S’il est mené de manière réfléchie, en tenant compte des besoins et des contributions des étudiants parallèlement aux besoins économiques et sociaux du Canada, ce débat pourrait s’avérer positif à long terme.
Toutefois, les changements apportés devraient s’appliquer aux personnes qui envisagent d’étudier au Canada à l’avenir. Ils ne devraient pas être appliqués rétroactivement aux étudiants actuels qui ont déjà beaucoup investi dans leur vie au Canada. Nous nous réjouissons de l’annonce faite le 4 octobre par IRCC, qui garantit au moins maintenant que les étudiants internationaux inscrits dans des programmes collégiaux et ayant demandé un permis d’études avant le 1er novembre ne se verront pas refuser un permis de travail postdiplôme (PGWP) sur la base de leur domaine d’études, comme c’est le cas pour les diplômés des universités.
Il est important de noter qu’il y a seulement quelques années, le gouvernement soulignait les avantages pour le pays d’encourager les étudiants internationaux à rester ici au Canada par le biais d’un permis de travail postdiplôme et d’un élargissement des voies d’accès à la résidence permanente. Des soutiens importants étaient également offerts aux conjoints pour permettre aux familles de rester ensemble. De nombreux étudiants ont choisi le Canada pour leurs études en raison de ces opportunités, qui ont été promues tant par le gouvernement fédéral que par les collèges et les universités.
Depuis, de nombreux étudiants sont devenus des travailleurs qui ont contribué de manière significative à notre économie. Leurs contributions, notamment lors de la pandémie de COVID-19, ont été remarquables et célébrées en première ligne.
Aujourd’hui, le Canada semble avoir perdu de vue la contribution des étudiants à notre société et les raisons pour lesquelles nous les avons attirés ici. Au lieu de cela, les étudiants sont injustement présentés comme exerçant une pression sur le logement et comme étant superflus sur le marché du travail.
L’annonce par le gouvernement de l’imposition de restrictions aux étudiants internationaux a donné lieu à de nombreux débats publics sur l’impact de ces restrictions sur les collèges et les universités, qui dépendent fortement des revenus générés par les étudiants internationaux.
Mais il est honteux que peu d’attention soit accordée aux étudiants eux-mêmes, dont la vie est profondément affectée par les changements de politique. Nous avons récemment observé des manifestations d’étudiants internationaux en divers endroits du Canada, ce qui montre qu’il s’agit d’une crise pour les étudiants qui sont venus dans notre pays avec le rêve de se construire un avenir meilleur. De nombreux étudiants ont investi d’importants capitaux personnels et familiaux dans leurs études, en se fondant sur des attentes réalistes d’un accès à la résidence permanente, pour finalement voir leurs espoirs anéantis par les changements de politique.
Face à des mesures de renvoi, les étudiants deviennent la proie d’acteurs sans scrupules qui leur font payer pour emprunter des routes dangereuses vers les États-Unis ou les entraînent dans d’autres formes d’exploitation, y compris l’exploitation du travail.
Certains étudiants, craignant des risques pour eux-mêmes s’ils retournent dans leur pays d’origine, déposent des demandes d’asile. Nous sommes très préoccupés par le fait que le gouvernement, y compris par l’entremise de vos déclarations, Monsieur le Ministre, présente les demandes d’asile des étudiants internationaux comme un problème. Tout le monde a le droit de demander une protection s’il craint d’être persécuté. Le Canada dispose d’un système rigoureux de détermination, géré par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui permet au Canada de décider si les demandeurs ont effectivement besoin de notre protection. Les commentaires émis par des représentants du gouvernement qui remettent en question la légitimité de certaines demandes sont totalement inappropriés : ils compromettent l’équité du processus et l’indépendance de la Commission. Par ses paroles et ses actions, le gouvernement doit garantir un accès, sans stigmatisation, à un processus équitable et rapide de détermination du statut de réfugié pour ceux qui en font la demande.
Nous sommes préoccupés par le fait que les étudiants sont laissés dans l’incertitude en raison de l’évolution des politiques. Les changements incessants créent un climat d’instabilité et de détresse pour les étudiants, les laissant dans le doute quant à leur avenir au Canada.
Les étudiants internationaux ont apporté une contribution significative au Canada, tant sur le plan économique que social. Ils doivent être respectés et ne pas être les boucs émissaires des problèmes sociaux canadiens dont ils ne sont pas responsables.
Le CCR demande au gouvernement canadien de prendre des mesures immédiates et significatives concernant la situation des étudiants internationaux qui se trouvent déjà dans le pays. Nous soulignons l’importance de maintenir l’équité et la compassion dans les processus d’immigration et de veiller à ce que les étudiants internationaux ne soient pas confrontés à des obstacles imprévisibles et inutiles. Cette demande est motivée par le besoin urgent d’empêcher ces personnes d’être poussées dans des situations précaires, telles que l’exploitation du travail ou des pratiques d’immigration néfastes, en raison de l’incertitude quant à leur statut et à leur avenir au Canada.
Plus précisément, le CCR exhorte le gouvernement canadien à :
- Offrir aux étudiants internationaux déjà au Canada (ainsi qu’à leurs conjoints) des options de prolongation des visas temporaires et des voies d’accès à la résidence permanente selon les règles initialement communiquées et comprises par eux.
- Mettre en place des voies d’accès équitables, transparentes et élargies aux permis de travail postdiplôme et au statut de résident permanent pour les étudiants internationaux, et permettre aux membres de leur famille à charge d’avoir accès aux permis pertinents pendant et après la durée de leurs études.
- Éliminer la règle qui empêche les étudiants internationaux de travailler plus de 24 heures par semaine en dehors du campus.
- Surveiller et combattre la désinformation au Canada et à l’étranger qui induit les étudiants internationaux en erreur.
- Normaliser et renforcer les mécanismes de contrôle des recruteurs du secteur de l’éducation, y compris ceux qui opèrent à l’extérieur du pays.
- Continuer de permettre aux étudiants internationaux qui déposent une demande d’asile d’accéder pleinement au processus de détermination du statut de réfugié auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, sans discrimination, et cesser les commentaires publics qui remettent en question la légitimité des demandes d’asile présentées par les étudiants internationaux.
La compassion et l’équité envers ces étudiants l’exigent. Cela est également dans l’intérêt de notre société et de notre économie, qui bénéficieront de la participation continue de ces jeunes formés au Canada, qui ont tant à offrir et qui choisissent le Canada en ces temps difficiles.
Sincèrement,
Diana Gallego
Présidente