Des changements récents ont été apportés aux politiques concernant l'immigration et les réfugiés au Canada. Quels pourraient être les effets de ces changements sur les femmes et les filles?
Réforme du système d’asile
Des changements significatifs ont été apportés récemment au système d’asile au Canada. Ils sont entrés en vigueur le 15 décembre 2012. Les principales caractéristiques de ces changements sont :
- Des délais très serrés pour remplir les formulaires et pour la tenue des audiences du statut de réfugié – De nombreuses femmes trouveront qu’elles n’ont pas suffisamment de temps pour se préparer à l’audience. Il faut du temps et établir un climat de confiance pour se sentir prêtes à parler des expériences traumatisantes vécues, notamment des violences sexuelles. La documentation portant sur la violation des droits des femmes n’est pas toujours accessible. Il est aussi plus ardu de respecter les délais courts s’il faut prendre soin des enfants.
- Obstacles à une représentation juridique – un plus grand nombre de demandeurs seront non représentés dans le cadre du nouveau système. Négocier le processus de demande du statut de réfugié sans l’aide d’un avocat est particulièrement difficile pour les femmes qui ont eu un accès limité à l'éducation ou qui ne possèdent pas une expérience professionnelle pertinente.
- Pays d’origine désignés – certains pays ont été désignés « sûrs » et les demandeurs de ces pays sont confrontés à des délais encore plus courts, et ne n’ont aucun droit d'appel et pratiquement aucun accès aux soins de santé. Les femmes et les filles qui fuient la persécution fondée sur le sexe seront les plus touchées par ces règles discriminatoires, puisque les droits des femmes sont régulièrement violés dans certains pays qui sont censés être « sûrs ».
- Mise en œuvre de l'appel – plus de dix ans après l'adoption par le Parlement d'une loi donnant droit à un appel complet sur le fond, cette disposition a finalement été mise en place! Malheureusement, de nombreuses catégories de demandeurs sont privées de ce droit. Cela signifie dans certains cas qu’une femme fuyant la persécution fondée sur son orientation sexuelle ou sur la violence sexiste verra son destin déterminé par un seul décideur, sans possibilité d’une révision pour s’assurer qu'aucune erreur n’a été commise.
- Restriction d’une année pour l’évaluation des risques avant renvoi (ERAR), une fois la demande du statut de réfugié refusée – Parfois les motifs des femmes craignant la persécution ne sont pas bien pris en considération lorsqu’elles présentent une demande ensemble avec leur mari (le mari est souvent considéré comme le demandeur principal ». La même chose s’applique aux filles qui arrivent avec leur famille. Auparavant, l’ERAR offrait aux femmes et aux filles une occasion de présenter de nouvelles preuves sur les risques qu’elles courent, mais maintenant elles peuvent être expulsées sans avoir accès à l’ERAR.
- Restrictions pour les demandeurs d’asile présentant une demande pour des considérations d’ordre humanitaires (CH) – Dans le passé, de nombreuses femmes, notamment celles qui ont subi la violence conjugale, ont été acceptées pour des considérations d’ordre humanitaire après avoir vu leur demande d’asile refusée. Par ces nouvelles règles, la plupart des femmes vont être expulsées avant même qu’une demande pour des motifs humanitaires ne soit examinée.
- Détention obligatoire pour ceux désignés comme “migrants irréguliers” – Certaines mères détenues pendant de longues périodes, en vertu de ces nouvelles dispositions, vont être confrontées à un choix douloureux. Soit elles gardent leurs enfants avec elles pendant leur détention, soit elles les remettent aux services de protection de la jeunesse.
Coupures au programme des soins de santé pour les réfugiés
Les coupures effectuées en juin 2012 par le gouvernement fédéral au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) ont laissé de nombreux réfugiés, demandeurs d’asile et certains autres non citoyens sans couverture pour des soins de santé essentiels. Certaines personnes ne bénéficient d’aucune couverture.
- Les coupures ont exposé certaines femmes enceintes à des dépenses exorbitantes pour les soins pré- ou postnataux ainsi qu’à une profonde angoisse devant un accouchement sans soins médicaux.
Réinstallation et réunification de réfugiés avec leurs familles – une longue attente
Dans de nombreuses régions du monde, particulièrement en Afrique, les délais de traitement des cas de réinstallation et réunification avec la famille réfugiée au Canada sont extrêmement longs.
- Des femmes et des filles sont obligées d’attendre dans des situations précaires, où elles sont exposées à la violence sexuelle à cause des durées de traitement très longues.
- Les mères réfugiées au Canada séparées de leurs enfants se trouvant à l’étranger vivent dans une angoisse insoutenable pendant la longue attente pour la réunification familiale. Les demandes de tests ADN prolongent les délais d’attente et imposent un énorme fardeau financier sur les femmes réfugiées nouvellement arrivées.
Résidence permanente conditionnelle
En octobre 2012, le gouvernement fédéral a introduit la résidence permanente « conditionnelle » pour certaines conjointes parrainées, et ce pour une période de deux ans. Si la personne parrainée ne demeure pas dans la relation conjugale et ne cohabite pas avec son répondant, durant toute la période de deux ans, sa résidence permanente pourrait être révoquée et elle pourrait être déportée.
- La résidence permanente conditionnelle expose les femmes à un énorme déséquilibre des relations avec leurs conjoints et augmentera le risque de violence conjugale.
- Une exception est prévue pour les conjointes parrainées dans les cas de violence ou de négligence, mais il existe de nombreux obstacles à franchir pour avoir accès à cette exception.
Travailleurs migrants au Canada
Au cours des dernières années, le Canada fait un virage sans précédent vers la migration temporaire. À la fin de 2012, il y avait plus de 300 000 travailleurs étrangers temporaires au Canada, soit une augmentation de 70% au cours des cinq dernières années.
- Les nombreuses femmes admises dans le volet « peu qualifié » du Programme des travailleurs étrangers temporaires sont vulnérables à l’exploitation, y compris la traite.
- Alors que la catégorie de l’expérience canadienne offre une voie vers la résidence permanente pour certains travailleurs, les statistiques montrent que cette catégorie est moins accessible pour les femmes.
- En obligeant les travailleurs à vivre avec leurs employeurs, le programme du gouvernement fédéral d’aides familiaux résidants laisse les femmes isolées et exposées à des violences physiques, psychologiques et sexuelles.
Traite
Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables à la traite des personnes, et de nouveaux obstacles à l'accès au statut au Canada augmentent ces risques.
- Malgré les nombreux changements récents dans la législation, il y n'a eu aucune modification pour assurer la protection des femmes et des filles victimes de la traite. Le mécanisme de permis de séjour temporaire existant n'est pas pleinement efficace.
Mars 2013