En décembre 2014, le Canada a déclaré que les États-Unis étaient un « tiers pays sûr » pour les réfugiés et depuis ce temps la porte a été fermée à la plupart des demandeurs du statut de réfugié qui réclament la protection à la frontière canado-américaine. Cette désignation est fondée sur l’Entente sur les tiers pays sûrs signée par les deux pays.
Le Conseil canadien pour les réfugiés, le Conseil canadien des Églises et Amnistie internationale Canada contestent devant les tribunaux la désignation des États-Unis comme « tiers pays sûr ». Ces organismes croient que la désignation viole les droits des réfugiés en vertu du droit international et de la Charte canadienne des droits et libertés.
Voici pourquoi :
Faute de se conformer à leurs obligations, les États-Unis ne sont pas sûrs pour tous les réfugiés.
- La plupart des personnes ne peuvent pas présenter une demande d’asile si elles sont aux États-Unis depuis plus d’une année.
- Une procédure accélérée de renvoi permet l’expulsion des personnes des États-Unis sans une audience devant un juge.
- De nombreuses personnes sont détenues arbitrairement dans des conditions déplorables, avec un accès limité voire sans aucun accès à un conseiller juridique.
- Quoique contraire au droit international, les demandeurs d’asile risquent d’être poursuivis pour être entrés illégalement.
- Les taux d’acceptation de demandes similaires varient radicalement d’une région à l’autre.
- Les États-Unis ne reconnaissent pas systématiquement la persécution fondée sur le genre.
Les États-Unis deviennent encore moins sûrs pour les réfugiés
Sous l’administration du président Trump, les États-Unis ont adopté de nouvelles mesures anti- réfugiés et anti-musulmans. Des mesures d’exécution de la loi plus nombreuses et plus strictes exposent les réfugiés à un plus grand risque.
De plus en plus de demandeurs d’asile sont contraints de traverser irrégulièrement la frontière
Avant la désignation des États-Unis comme « tiers pays sûr », des demandeurs d’asile se présentaient à un des points d’entrée frontaliers de manière ordonnée. La plupart des demandeurs d’asile se voient maintenant refuser la possibilité de présenter une demande s’ils se présentent à un point d’entrée. Ils doivent traverser la frontière irrégulièrement pour faire une demande d’asile au Canada, puisque les règles concernant le « tiers pays sûr » ne s’appliquent pas aux personnes qui traversent la frontière ailleurs qu’à un point d’entrée.
Les traversées irrégulières peuvent être dangereuses pour les réfugiés et plus coûteuses à administrer pour le gouvernement.
Le Canada ne devrait pas fermer la porte aux réfugiés
L’Entente a pour objet et pour effet de réduire le nombre des réfugiés admis à réclamer la protection des réfugiés au Canada. En mettant en œuvre cette entente, le Canada se joint aux nombreux pays qui prennent à l’égard des réfugiés l’attitude « pas dans ma cour ». Seul un infime pourcentage des réfugiés du monde parvient aux frontières du Canada. Nous ne devrions pas fermer nos portes même à ce petit nombre.
La Cour fédérale du Canada a déjà statué que les États-Unis ne sont pas sûrs
En 2007, les trois organismes ont contesté la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr. La Cour fédérale a maintenu la contestation, indiquant qu’il n’était pas raisonnable de conclure que les États-Unis se conformaient aux obligations de non-refoulement[1]en vertu de la Convention sur le statut des réfugiés et de la Convention contre la torture, et que l’application de la règle des tiers pays sûrs violait les droits des réfugiés, en vertu de la Charte canadienne, à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne (article 7), ainsi qu’à la non-discrimination (article 15).
La décision a été infirmée par la Cour d’appel fédérale pour des motifs techniques, sans prendre en considération la mesure dans laquelle les États-Unis sont sûrs pour les réfugiés. Ainsi, le seul tribunal à s’être penché sur la question a conclu que les États-Unis n’étaient pas sûrs pour les réfugiés et que l’Entente sur les tiers pays sûrs violait les droits des réfugiés.
Le gouvernement a reçu des observations détaillées sur les raisons pour lesquelles les États-Unis ne sont pas sûrs pour les réfugiés
Avant de lancer la contestation judiciaire en 2017, le Conseil canadien pour les réfugiés et Amnistie internationale ont soumis au gouvernement un mémoire détaillé.
Le mémoire de 52 pages, « Contester la désignation des États-Unis en tant que tiers pays sûr", décrit les nombreuses façons dont le système étatsunien d’asile et son régime de détention des immigrants ne respectent pas les prescriptions légales. On y souligne comment la loi et la pratique se sont détériorées depuis la prise de fonctions de l’administration Trump.
Lorsque le gouvernement canadien refusa de retirer la désignation des États-Unis, les trois organisations décidèrent qu’une contestation judiciaire s’imposait.
Contestation judiciaire de l’Entente sur les tiers pays sûrs
Le 5 juillet 2017, les trois organismes ont lancé à la Cour fédérale une contestation judiciaire de la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr pour les réfugiés. Elles se joignaient à une plaignante individuelle, une salvadorienne, accompagnée de ses enfants. Le gouvernement fédéral a contesté le droit des organismes de participer à l’affaire, mais le 11 décembre 2017 la Cour fédérale leur a reconnu la qualité pour agir dans l’intérêt public. L’affaire en est encore aux stades préliminaires.
[1] Le non-refoulement est un principe de droit international qui interdit de renvoyer une personne vers un pays où elle risque la persécution ou la torture.