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Des organisations de défense des droits sonnent l’alarme à la veille d’un vote crucial sur le projet de loi C-12
Empêchés de témoigner, des groupes de la société civile demandent le retrait du projet de loi C-12 en invoquant des menaces aux droits humains et aux principes de justice fondamentale
OTTAWA, 24 novembre 2025 – Une large coalition pancanadienne d’organisations sonne l’alarme à la veille d’un vote crucial à la Chambre des communes sur le projet de loi C-12.
Le projet de loi ouvrirait la porte à la discrimination, aux atteintes aux droits humains et au non-respect de principes d’application régulière de la loi au sein du système canadien d’immigration, il autoriserait le partage d’informations personnelles sensibles en matière d’immigration et approfondirait des approches dangereuses relatives aux politiques sur les drogues. Le gouvernement accélère toutefois son étude au parlement, avec des débats limités, alors que les personnes et les groupes qui subiront les effets de ces changements majeurs ne sont pas entendus.
« Cette proposition législative profondément inquiétante et controversée plongera plusieurs personnes réfugiées dans des situations dangereuses, à risque de retour vers la persécution, en violation des droits protégés par la Charte canadienne et le droit international », affirme Gauri Sreenivasan, codirectrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés. « Cependant, le projet de loi avance à vitesse grand V au Parlement, pendant que celles et ceux qui ont l’expertise et le vécu et qui veulent mettre en garde les parlementaires contre les dangers qu’il présente sont exclus du processus. Cela ne sert ni la loi ni l’intérêt public. »
Le projet de loi privera plusieurs personnes réfugiées d’un examen juste et indépendant de leur demande et des mécanismes d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) en raison de restrictions temporelles et d’exclusions arbitraires. Cette approche n’améliorera pas le processus d’examen des demandes d’asile, mais minera plutôt la qualité des décisions tout en déplaçant les arriérés de la CISR vers IRCC et vers la Cour fédérale, qui est déjà surchargée.
Ce projet de loi aggravera également les préjudices qui découlent de l’Entente canado-américaine sur les tiers pays sûrs, qui abandonne plusieurs personnes au système américain d’immigration, à un moment où des atteintes aux droits humains sont documentées et où elles sont devenues une caractéristique fondamentale de ce système.
« Le projet de loi C-12 refuserait la protection à des personnes vulnérables, peu importe les changements à leur situation personnelle ou à la situation politique dans leur pays d’origine. Il y a tellement de personnes qui, comme moi, sont venues ici chercher la sécurité et refaire leur vie, et qui seraient exclues par ce projet de loi. Il ne s’agit pas seulement de politiques publiques, mais de la vie de ces personnes, » déclare Tonny Muzira, cofondateur et directeur du plaidoyer et des partenariats du Centre for Black Development Options Canada.
Avec le projet de loi C-12, le gouvernement aura également le pouvoir d’annuler ou de suspendre des documents ou demandes d'immigration sur la base d’une évaluation non définie de « l’intérêt public ». Ce projet de loi octroie au gouvernement un pouvoir discrétionnaire dangereux, sans aucun examen individuel ou garanties procédurales.
« Le projet de loi met en place de vastes pouvoirs discrétionnaires, avec peu de réflexions quant à leurs conséquences et aux abus qui en découleront inévitablement, » soutient Louis-Philippe Jannard, de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. « D’aussi larges pouvoirs discrétionnaires n’existent plus dans notre système d’immigration depuis les années 1970, pouvoirs qui laissaient alors place à des décisions largement discriminatoires et aux conséquences parfois funestes. »
Le projet de loi C-12 autorisera le gouvernement à partager des informations très sensibles contenues dans les dossiers d'immigration, et ce, avec très peu de balises. Cela comprend des changements à l’identité de genre ou le statut de toute personne en demande d’asile, mettant à risque des personnes vulnérables au Canada.
« La large diffusion d’informations personnelles sensibles peut mettre les personnes migrantes et réfugiés à risque de discrimination et de persécution au Canada et ailleurs, » martèle Tamir Israel, directeur du programme Vie privée, surveillance et technologies de l’Association canadienne des libertés civiles. « Malgré le grand potentiel d’abus, le projet de loi C-12 ne contient pas de garanties minimales comme l’exigence de s’assurer que le partage d’informations est nécessaire et proportionnel. »
Le projet de loi C-12 renforce aussi une politique relative aux drogues basée sur la prohibition qui n’a manifestement pas permis de protéger la santé et la sécurité publiques.
« Plutôt que de financer le logement abordable et d’autres mesures sociales et de santé, le Canada soutient la lutte antidrogue militarisée menée par les États-Unis », affirme Nick Boyce, de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues. « Si le Canada poursuit dans cette voie, il pourrait se retrouver complice de violations du droit international des droits humains. »
Sans tenir compte des risques considérables qu'il pose, le projet de loi a suivi un processus accéléré et n’a fait l’objet que d’un examen minimal au Parlement. Le vote final du Comité permanent de la Sécurité publique et nationale est prévu demain – seulement trois semaines après que l’étude du projet de loi ait débuté.
Malgré de très courtes échéances, des douzaines d’organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, d’organisations de défense des droits humains, d’organisations syndicales, de groupes du milieu de la santé, de représentant-e-s de la communauté noire, de groupes de lutte contre la violence basée sur le genre, d’instances de professionnel-le-s du droit, de groupes sur les politiques en matière de drogues et autres ont demandé à être entendus lors des audiences tenues par les comités, mais cela leur a été refusé. Ils ont aussi déposé des mémoires exprimant leurs préoccupations quant aux conséquences du projet de loi C-12.
Ces groupes ont donc été largement absents des débats des comités et les député-e-s n’auront pas le temps de prendre en considération la longue liste d’inquiétudes soulevées dans leurs mémoires. À l’inverse, les député-e-s ont entendu de façon répétée des représentants d’agences frontalières et policières. Il en résulte que les voix des personnes qui souffriront le plus des effets du projet de loi C-12 n’ont pas été entendues.
« Les député-e-s et le public devraient s’inquiéter au plus haut point du fait que le gouvernement accélère l’étude d’une proposition législative qui ne fera que multiplier les possibilités de discrimination, d’exploitation et d’atteintes aux droits humains, » dénonce Karen Cocq, du Migrant Rights Network. « Ce gouvernement a été élu en promettant de rejeter les politiques d’inspiration trumpiste, mais le projet de loi C-12 est à l’opposé de ces promesses. Rien ne pourrait rendre ce projet de loi acceptable, il doit être retiré ».
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Contacts médias :
Karen Cocq, Migrant Rights Network: 647-970-8464
Gauri Sreenivasan, Conseil canadien pour les réfugiés: 613-852-0983
Louis-Philippe Jannard, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI): 438-868-5837
Tonny Muzira, Centre for Black Development Options Canada: 437-258-9496
Nick Boyce, Coalition canadienne des politiques sur les drogues: nicholas_boyce@sfu.ca
Tamir Israel, Association canadienne des libertés civiles: media@ccla.org