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Déclaration concernant les demandeurs d’asile tamouls arrivés par bateau sur la côte ouest

17 août 2010

Suite à l’arrivée de près de 500 demandeurs d’asile tamouls sur la côte ouest à bord du MV Sun Sea, le Conseil canadien pour les réfugiés accueille favorablement le traitement conforme au droit canadien et international qui leur a été accordé par les autorités. Le Canada est tenu par ses obligations internationales de ne pas refouler des réfugiés vers la persécution. L’histoire de chaque demandeur doit donc être entendue et examinée sur une base individuelle.

Contrairement à la situation qui prévalait en 1939, alors que le Canada a refusé l’entrée à quelques 900 réfugiés juifs à bord du SS Saint Louis, le Canada dispose de lois qui prévoient la protection des réfugiés, tout en répondant aux enjeux de criminalité et de sécurité.

L’arrivée d’un groupe de 500 demandeurs présente certes un défi pratique et logistique, mais ce chiffre est tout de même modeste par rapport au nombre de demandes faites au Canada (moins de 2% du nombre moyen de demandes présentées chaque année au Canada au cours des dernières années). En outre, les mesures adoptées par le gouvernement canadien en 2009 ont entraîné une baisse spectaculaire du nombre de personnes qui ont pu faire une demande d’asile au Canada. Si la tendance actuelle se maintient, le nombre de demandes d’asile au Canada diminuera du tiers en 2010 par rapport à 2009.

Le chiffre est également très faible dans le contexte international. Selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, il y a plus de 15 millions de réfugiés dans le monde et le Pakistan, l’Iran et la Syrie en accueillent plus d’un million respectivement.

Les violations des droits humains au Sri Lanka, pays que fuient les demandeurs, sont bien documentées et confirmées par le taux d’acceptation élevé des demandeurs sri-lankais au Canada (91% en 2009). Si la situation au Sri Lanka s’est améliorée en termes de sécurité depuis la fin du conflit armé, d’importantes violations des droits humains persistent néanmoins. Dans le cadre de directives* qu’elle vient de publier sur les demandes du statut de réfugié sri-lankaises, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés note que les groupes potentiellement à risque de persécution au Sri Lanka comprennent les journalistes, les militants des droits humains, les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres (LGBT) et les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les LTTE (Tigres tamouls). En plus de protéger les réfugiés qui fuient la persécution, le Canada doit redoubler ses efforts en vue de promouvoir la paix et le respect des droits humains au Sri Lanka.

On a insinué à plusieurs reprises, sans aucune preuve crédible, que certains des passagers du MV Sun Sea seraient membres des Tigres tamouls. Certaines de ces allégations semblent provenir directement ou indirectement du gouvernement sri-lankais, qui a longtemps tenté de discréditer ses opposants en les qualifiant de « terroristes » et en étiquetant les civils tamouls de « Tigres ». Il est important que le Canada - et les Canadiens - ne prennent pas le parti du persécuteur potentiel, et que chaque demande soit examinée sans préjugé. La loi canadienne prévoit également l’identification des individus qui ont commis de graves violations des droits humains ou qui représentent un risque pour la sécurité du Canada. De telles personnes ne sont pas éligibles au statut de réfugié et peuvent être déportées du Canada.

Le Conseil canadien pour les réfugiés n’excuse aucunement les activités des passeurs qui exploitent à des fins lucratives le désespoir des réfugiés, dont possiblement les passagers du MV Sun Sea. Néanmoins, de nombreux réfugiés n’ont d’autre choix que d’utiliser des moyens irréguliers pour fuir la persécution. Le droit international interdit que les réfugiés soient sanctionnés pour être entrés de façon illégale. De nombreux Canadiens ne seraient pas en vie aujourd’hui si eux-mêmes ou leurs parents n’avaient pas payé des passeurs pour les aider à échapper à la persécution.

Les Canadiens peuvent être fiers de leur système de détermination du statut de réfugié, qui est équitable et indépendant. En conséquence, au fil des années, le Canada a sauvé la vie de milliers de Tamouls qui fuyaient la persécution. Qu’ils arrivent par avion, à pied ou par bateau, ceux et celles qui fuient des violations à leurs droits humains ont droit à une audience individuelle où ils peuvent présenter les raisons de leur fuite.

Conformément aux normes internationales, les demandeurs d’asile ne sont en général pas détenus à leur arrivée au Canada. Les mêmes règles devraient s’appliquer à ces demandeurs : ils ne doivent pas être détenus au-delà du temps nécessaire pour établir leur identité, à moins de motifs particuliers dans des cas individuels. Les enfants ne doivent pas être détenus.

Il est extrêmement regrettable que les commentaires publics du gouvernement canadien entourant l’arrivée du bateau ont porté sur des soupçons de liens avec le terrorisme et de trafic de migrants, ce qui encourage une réaction publique négative. Tous les gouvernements ont la responsabilité de renforcer le soutien public aux réfugiés en affirmant la nécessité de respecter les obligations internationales et en s’opposant fermement à des réactions publiques xénophobes. Le Conseil canadien pour les réfugiés invite le gouvernement canadien à assumer le rôle de leadership qui s’impose à cet égard.

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* Haut Commissariat des Nation Unies pour les réfugiés, UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Sri Lanka, 5 juillet 2010, HRC/EG/SLK/10/03, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/4c31a5b82.html