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En 2010, le Conseil canadien pour les réfugiés et Sojourn House ont mené une recherche sur l’expérience des demandeurs d’asile lors de l’entrevue au point d’entrée. Cette première entrevue est menée par des agents d’immigration, en général immédiatement après l’arrivée du demandeur au Canada, et elle est utilisée pour déterminer la recevabilité de la demande.
L’objectif de la recherche était de documenter les forces et les faiblesses des politiques et pratiques actuelles, et d’identifier les améliorations nécessaires et les besoins en termes de défense de droits.
Dans le cadre de ce projet, 45 demandeurs ont été interviewés au sujet de leur expérience au point d’entrée. Plus de la moitié étaient arrivés à Fort Erie, tandis que d’autres sont arrivés à Windsor, Toronto, Lacolle, Québec, Montréal et Vancouver. Deux personnes ont fait leur demande à l’intérieur du Canada. On n’a pas tenté d’obtenir un échantillon représentatif de demandeurs. 37 intervenants ont également été interrogés.
L’expérience au point d’entrée
Les demandeurs ont parlé de leur état physique et mental lors de l’entrevue au point d’entrée. Certains étaient épuisés ou souffraient de problèmes de santé. Beaucoup étaient très nerveux. Ils ont décrit comment les agents, par leurs paroles et leurs actes, ont accru leur peur ou au contraire, les ont aidés à se détendre.
Les demandeurs ont parlé de leur état physique et mental lors de l’entrevue au point d’entrée. Certains étaient épuisés ou souffraient de problèmes de santé. Beaucoup étaient très nerveux. Ils ont décrit comment les agents, par leurs paroles et leurs actes, ont accru leur peur ou au contraire, les ont aidés à se détendre.
Dans de nombreux cas, l’interprète joue un rôle important, du point de vue du demandeur. Alors que certains ont hautement apprécié l’interprète, d’autres ont parlé de difficultés de communication ou de méfiance envers l’interprète. Certains demandeurs ont déclaré que l’agent a refusé leur demande d’un interprète parce qu’ils maîtrisaient partiellement l’une des langues officielles du Canada.
Les demandeurs ont indiqué avoir été intimidés par l’aspect physique de l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), en particulier à cause de l’arme à feu, de l’uniforme et du gilet pare-balles. Certains se sont remémoré une expérience douloureuse avec les militaires ou la police dans leur pays d’origine. Le fait d’être menotté et la détention ont causé des contrariétés supplémentaires.
Les demandeurs ont indiqué avoir été intimidés par l’aspect physique de l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), en particulier à cause de l’arme à feu, de l’uniforme et du gilet pare-balles. Certains se sont remémoré une expérience douloureuse avec les militaires ou la police dans leur pays d’origine. Le fait d’être menotté et la détention ont causé des contrariétés supplémentaires.
La nervosité, l’intimidation et la désinformation font que certains demandeurs ont de la difficulté à répondre même à des questions simples. Divulguer des informations délicates est particulièrement problématique : les intervenants ont souligné les obstacles rencontrés par les demandeurs gais et lesbiennes, et par les personnes qui ont subi la violence sexuelle et la torture.
Comme première expérience du Canada, l’entrevue au point d’entrée a un énorme impact sur les demandeurs. De l’avis de certains intervenants, elle a d’importantes conséquences à long terme sur le processus d’établissement de la personne.
Les préoccupations spécifiques
La recherche a permis d’identifier les préoccupations suivantes :
La recherche a permis d’identifier les préoccupations suivantes :
- Interprétation : neuf demandeurs ont identifié l’interprétation comme un problème. Les deux principales préoccupations sont la piètre qualité de l’interprétation et les besoins des personnes qui maîtrisent partiellement, mais pas totalement l’anglais ou le français. Les questions de confiance résultant de la présence de l’interprète se posent également.
- Notes au point d’entrée : Cinq demandeurs ont signalé des erreurs ou omissions dans les notes de leur entrevue au point d’entrée. Des erreurs peuvent conduire la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à conclure à l’absence de crédibilité. Selon la recherche, au cours des dernières années, les agents mettent davantage l’accent sur les questions relevant de leur compétence et posent moins de questions sur le bien-fondé de la demande, conformément aux lignes directrices. Néanmoins, certains agents continuent à faire des commentaires déplacés sur le bien-fondé de la demande.
- La cohérence et la formation : Le comportement de certains agents manque parfois de cohérence. Alors que plusieurs agents sont courtois et humains, certains comportements abusifs ont été rapportés. Les entrevues n’étant pas enregistrées, il n’est pas possible d’enquêter effectivement sur les allégations d’abus. D’autre part, un environnement physique humain et un comportement sensible de l’agent contribuent à mettre les demandeurs à l’aise et favorisent une bonne communication.
- Entente sur les tiers pays sûrs : La recherche souligne les incohérences dans l’évaluation des relations familiales. Dans certains cas, la rigidité a abouti au rejet de demandeurs qui ont en fait des membres de la famille au Canada, et bénéficient donc en principe de l’exception à la règle du tiers pays sûr.
- Cas d’exclusion : En vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, une personne assujettie à une ordonnance de renvoi ne peut faire une demande de statut de réfugié. Une des personnes interrogées n’a pas fait une demande d’asile à l’arrivée, car elle ignorait qu’elle pouvait le faire. On ne lui a pas demandé si elle craignait revenir dans son pays avant d’émettre l’ordonnance de renvoi. Les lignes directrices actuelles ne protègent pas suffisamment les personnes qui peuvent en fait être des réfugiés contre une ordonnance de renvoi.
- La culture de l’application de la loi : La recherche suggère que l’ASFC est aux prises avec diverses responsabilités au sein de son mandat, à savoir le mandat d’application de la loi et le devoir de protéger les réfugiés. Certains demandeurs ont indiqué que les agents ne semblaient pas les croire ou les accusaient même de mentir. Dans les cas extrêmes, les demandeurs cherchant la protection à titre de réfugié ont estimé qu’ils étaient traités comme des criminels. La difficulté, au plan organisationnel, de distinguer entre l’application de la loi et la protection des réfugiés peut en partie expliquer les incohérences dans la conduite des agents.
Recommandations
Suite aux résultats de la recherche, le CCR a développé une série de recommandations, couvrant les domaines suivants :
- Augmenter la formation spécifique au sujet des réfugiés, dont l’implication des ONG;
- Promouvoir la présence d’observateurs lors des entrevues;
- Nouvelle politique concernant les mineurs;
- Avoir des agents et des unités spécialisés, lorsque possibles;
- Ne pas avoir d’armes à feu au cours des entrevues;
- Prendre en compte le genre lors des entrevues;
- Enregistrement audio des entrevues;
- Examen des politiques et pratiques concernant les interprètes;
- Renouvellement des lignes directrices au sujet des mesures de renvoi et de la réouverture des décisions;
- Restreindre la portée des interrogatoires aux points d’entrée;
- Modification au Code de conduite de l’ASFC;
- Mécanisme de plainte;
- Examen de la façon dont les exceptions à l’Entente sur les tiers pays sûrs sont mises en œuvre;
- Message de haut niveau sur la protection des réfugiés;
- Pour les ONG : participer à plus d’entrevues et faire le suivi de plus de plaintes
Le texte intégral du rapport est disponible en anglais