Qu’est-ce que l’apatridie?
Une personne est « apatride » si aucun État ne la considère comme citoyenne.
Les États ont des obligations spécifiques envers leurs citoyens et accordent aux citoyens beaucoup plus de droits qu’aux non citoyens. N’étant reconnues par aucun État, les personnes apatrides sont privées de plusieurs droits fondamentaux et n’ont pas un État qui les protège.
Les Nations Unies estiment qu’il y a 15 millions de personnes apatrides dans le monde.
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Certaines causes de l’apatridie :
- Les contradictions et incohérences entre les lois de citoyenneté de différents pays (par exemple, un État vous enlève la citoyenneté si vous mariez un non citoyen mais l’autre État ne vous donne pas la citoyenneté lorsque vous vous mariez)
- L’éclatement d’États (tel que la dissolution de l’Union soviétique)
- Des problèmes dans l’inscription des naissances
- La perte de la citoyenneté
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Des réfugiés bhoutanais posent des questions sur la réinstallation afin de prendre une décision éclairée concernant leur avenir. Photo : Jesuit Refugee Service/USA |
Instruments internationaux
Déclaration universelle des droits de l’homme
Article 15. (1) Tout individu a droit à une nationalité. (2) Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.
1954 : Convention relative au statut des apatrides (70 États parties, le Canada n’est pas signataire)
Cette Convention suit le même modèle que la Convention sur les réfugiés et contient plusieurs dispositions identiques. La Convention définit les personnes apatrides et établit leurs droits, dont celui au non-refoulement.
1961 : Convention sur la réduction des cas d’apatridie (36 pays États parties dont le Canada)
Cette Convention fournit des mesures pour prévenir la création de nouveaux cas d’apatridie. Elle traite de la façon de s’assurer que les enfants acquièrent une citoyenneté à la naissance et d’éviter la perte de la citoyenneté si cela crée l’apatridie.
Convention internationale des droits de l’enfant (Le Canada est signataire)
Article 7 1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité […] 2. Les États parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l’enfant se trouverait apatride.
Article 8 1. Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale.
Types d’apatridie
- apatridie de jure : lorsque les lois d’aucun État ne reconnaissent la personne comme citoyenne.
- apatridie de facto : lorsque la personne a droit en théorie à la citoyenneté en vertu de la loi, mais que celle-ci est appliquée d’une manière telle que la personne n’est pas reconnue comme citoyenne.
Quelques situations d’apatridie
Hostilité envers certains groupes : les Bhoutanais
Les lois de citoyenneté adoptées en 1977 et 1985 restreignaient la citoyenneté aux personnes d’origine ethnique bhoutanaise. Suite à l’adoption de cette politique de « Bhoutanisation », il y eu des violations massives des droits humains de la minorité ethnique. Plusieurs sont maintenant des réfugiés au Népal. Le Canada a accepté de réinstaller environ 5 000 de ces réfugiés.
Des réfugiés palestiniens attendent la réinstallation dans le camp d’al-Waleed dans la région frontalière entre l’Irak et la Syrie. Photo : Gloria Nafziger |
L’absence d’État : les Palestiniens
Les Palestiniens représentent la plus grande communauté apatride dans le monde : plus de la moitié des huit millions de Palestiniens sont considérés apatrides de jure. Étant apatrides, les réfugiés palestiniens sont traités plus durement que les autres réfugiés. Par exemple, les Palestiniens récemment forcés de fuir l’Irak n’ont pas été admis en Syrie et sont plutôt coincés dans des camps dangereux et isolés à la frontière. Malgré un appel spécial des Nation Unies, peu de pays ont offert de les réinstaller.
États issus de l’ancienne Union soviétique
Après l’éclatement de l’Union soviétique, les États qui en sont issus ont adopté des lois pour déterminer l’éligibilité à la citoyenneté. Ces lois ont laissé certaines personnes sans citoyenneté. Certains des problèmes provenaient de politiques antérieures de déportation forcée. Par exemple, des Kazakhs qui avaient été forcés de quitter leur région dans les années 1930 sont retournés au Kazakhstan après la chute de l’Union soviétique, mais n’ont pas nécessairement été reconnus citoyens kazakhs. D’autres problèmes sont liés aux efforts des États de défaire les effets des politiques soviétiques antérieures visant à miner les identités nationales. Par exemple, la Lettonie a adopté des lois exigeant que les citoyens réussissent un examen de langue lettone, ce qui a exclu plusieurs Russes qui avaient été installés dans la région.
En vertu de la loi dominicaine, tous les enfants nés en République dominicaine ont droit à la citoyenneté. Toutefois, on prive plusieurs enfants haïtiens de leurs droits. Photo : Jesuit Refugee Service/USA |
Discrimination envers les migrants: Les Haïtiens en République dominicaine
On estime qu’un million de personnes d’origine haïtienne vivent sans papiers en République dominicaine. La loi accorde la citoyenneté aux personnes nées dans le pays, mais les enfants dominicains-haïtiens ont de la difficulté à prouver leur citoyenneté parce que le personnel des hôpitaux refuse de documenter la naissance. En conséquence, plusieurs Dominicains d’origine haïtienne vivent avec le risque constant de déportation et les enfants n’ont pas accès à l’éducation. En 2005 la Cour interaméricaine des droits de l’homme a conclu que la République dominicaine refusait la citoyenneté sur la base de la race, rendant ainsi les enfants d’origine haïtienne apatrides dans les faits (Yean et Bosico). La Cour a demandé au gouvernement de présenter ses excuses, de payer des dommages aux deux enfants impliqués, de publier le jugement et de mettre en oeuvre des mesures pour assurer un accès égal aux certificats de naissance et à l’inscription à l’école.
Au Canada, des cas d’apatridie peuvent survenir dans les circonstances suivantes :
En détention
Les personnes apatrides peuvent se retrouver en détention pour des périodes prolongées, pendant que le gouvernement canadien tente de convaincre un État d’accepter leur déportation. Il n’est souvent pas clair si la personne est une citoyenne d’un pays ou de l’autre. Aucune instance gouvernementale au Canada n’est responsable de ni expérimentée dans la détermination du statut d’apatride.
Vide juridique à long terme
Les personnes apatrides qui ne sont pas reconnues comme réfugiées et qui ne sont pas éligibles à la résidence permanente d’une autre façon, peuvent faire face à un vide juridique à long terme au Canada si il n’y a pas un autre pays où ils peuvent aller. Ils peuvent faire une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires, mais il s’agit d’un processus discrétionnaire et les lignes directrices ne mentionnent pas aux agents de prendre en considération la situation particulière des personnes apatrides.
Les personnes touchées par la perte de la citoyenneté à cause de la loi sur la Citoyenneté
Les lois de citoyenneté complexes ont créé et risquent de créer de nombreux cas d’apatridie parce qu’il est possible de perdre sa citoyenneté même si cela implique devenir apatride. Des changements à la Loi sur la citoyenneté qui entrent en vigueur en avril 2009, font en sorte que certains enfants nés de parents canadiens à l’extérieur du Canada pourront être apatrides.
Les réfugiés (réinstallés ou reconnus au Canada)
Les réfugiés réinstallés ou reconnus au Canada peuvent être apatrides. Parce qu’ils ont le statut de réfugié et ont droit à la résidence permanente, ils sont dans une meilleure situation que les autres personnes apatrides. Il est dans leur intérêt de devenir citoyens canadiens dès que possible, pour cesser d’être apatrides. Les personnes apatrides qui ne sont pas réfugiées ont peu de chances d’êtres réinstallées parce que plusieurs pays ne réinstallent que les réfugiés : au Canada, la Catégorie des personnes de pays d’accueil offre cette possibilité à certains (par le biais du Programme de parrainage privé).
Recommandations au Canada sur l’apatridie
- Le Canada devrait ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides.
- Le Canada devrait inclure l’apatridie comme motif de protection, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
- Le Canada devrait inclure l’apatridie comme motif de réinstallation.
- Le Parlement devrait amender la Loi sur la citoyenneté pour faire en sorte qu’aucun enfant de parents canadiens ne se voit refuser la citoyenneté canadienne si cela le rendrait apatride.
- Le Canada devrait offrir la réinstallation aux réfugiés palestiniens forcés de fuir l’Irak.
- Les agences gouvernementales canadiennes devraient recueillir et diffuser des statistiques précises et à jour sur l’apatridie.
Des enfants palestiniens réfugiés au camp d’al Tanf, dans la région frontalière entre l’Irak et la Syrie, novembre 2008. Novembre 2008. Photo : Gloria Nafziger |
Ressources supplémentaires
Renseignements des Nations Unies sur l’apatridie
HCR Page Refworld relative à l'apatridie (lois, politiques, etc)
International Observatory on Statelessness
Refugees International, Nationality Rights for All: A Progress Report and Global Survey on Statelessness
CCR, Citoyenneté canadienne – Conséquences des modifications, février 2009
From Fast Death to Slow Death: Palestinian Refugees from Iraq Trapped on the Syria-Iraq Border, Rapport sommaire d’une délégation internationale d’ONG (en anglais), 24 novembre 2008.
HCR, Statelessness in Canadian Context, (en anglais), Andrew Brouwer, juillet 2003, mise à jour 2012
Forced Migration Review, Statelessness, Numéro 32, avril 2009 (actuellement disponible uniquement en anglais)
Version pour imprimer : L’apatridie et le Canada : une introduction, mars 2009