Rapport sur le racisme systémique et la discrimination dans les politiques canadiennes sur l’immigration et les réfugiés

 

Rapport sur le racisme systémique et la discrimination dans les politiques canadiennes sur l'immigration et les réfugiés


 

EN PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE

 

Conseil canadien pour les réfugiés

1 novembre 2000


TABLE DES MATIÈRES
 

I. Introduction

II. Le contexte historique de la discrimination dans la politique d'immigration canadienne

III. Racisme systémique et discrimination dans les politiques canadiennes sur les réfugiés et les immigrants

    1. Des politiques aux impacts différentiels

    2. Mesures structurelles aux impacts différentiels

    3. L'application de politiques visant certains groupes

    4. Le croisement du sexe et de la race

    5. Problèmes au-delà de CIC et de la CISR

IV. L'opinion publique

V. Les cas individuels de racisme et les recours

VI. La promotion de l'anti-racisme au sein de CIC et la CISR

VII. Conclusion

Annexe : Définitions
 
 

I. INTRODUCTION

La Conférence mondiale des Nations Unies contre le Racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, qui aura lieu en 2001 en Afrique du Sud, donne au Conseil canadien pour les réfugiés l'occasion d'exprimer sa préocupation quant à l'évolution des mesures de réstriction et de discrimination envers les réfugiés et les immigrants dans le monde.

L'intolérance vis-à-vis des réfugiés et des immigrants, la xénophobie et le racisme sont des phénomènes étroitement liés. En effet, au Canada, bien que l'expression d'idées racistes ne soit pas généralement tolérée, l'hostilité à l'égard des nouveaux arrivants sert d'exutoire à l'expression de sentiments racistes sous-entendus. Cela se vérifie tout particulièrement dans les périodes de difficultés économiques et politiques car ceux qui détiennent le moins de pouvoir, dont notamment les nouveaux arrivants, servent de bouc émissaire aux frustrations de la société.

Les préjugés anti-réfugiés et anti-immigrants encouragent l'hostilité et la violence contre les nouveaux arrivants et débouchent sur l'adoption de politiques qui empiètent sur les droits des non-citoyens. C'est pour rompre avec ce cercle vicieux que les gouvernements doivent absolument adopter des mesures strictes contre le racisme et la xénophobie.

Le Canada est réputé pour ses politiques libérales en matière d'immigration et de refuge. Il est reconnu pour son système de protection des réfugiés qui donne la responsabilité de la reconnaissance du statut de réfugié à un tribunal quasi-judiciaire indépendant (la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, CISR) ainsi que pour ses programmes de réinstallation et d'immigration très actifs. Le Canada a signé plusieurs traités internationaux de droits de la personne. La Charte canadienne des droits et libertés garantit le respect des droits de toute personne sur le territoire canadien quel que soit son statut.

Cependant, le racisme et la discrimination font partie de la réalité canadienne. Ils se manifestent sur le plan personnel dans la façon dont on traite parfois les individus. On peut également le voir sur le plan systémique, dans le fonctionnement des instances gouvernementales et dans les politiques d'immigration et de refuge qui ont un impact différentiel sur les groupes racisés, ou qui mènent à la discrimination contre les nouveaux arrivants en tant que groupe, ou sous-groupe de nouveaux arrivants.(1) Malgré l'importance du problème, c'est rare que les gouvernements fédéral et provinciaux jouent un rôle de leader dans la lutte contre le racisme.

Ce rapport étudie deux problèmes différents mais ayant des rapports : 1) la discrimination dont souffrent certains groupes de nouveaux arrivants, et particulièrement les groupes racisés, qui est due aux politiques canadiennes et 2) comment les réfugiés et immigrants subissent collectivement l'intolérance et la discrimination.

La section II attire l'attention sur l'histoire profonde de la discrimination dans la politique d'immigration canadienne. La section III se présente sous forme d'un tableau d'analyse de la discrimination systémique et du racisme dans la politique canadienne sur l'immigration et les réfugiés de même que dans les pratiques. Le tableau est divisé en trois colonnes : 1) identification des problèmes ou des politiques 2) impact différentiel 3) exemples tirés de cas véridiques(2) 4) recommandations, dont plusieurs sont basées sur des résolutions précédentes du CCR.(3) Dans les sections IV, V et VI nous examinerons rapidement l'opinion publique, des cas individuels de racisme et les recours, puis les façons de promouvoir l'anti-racisme au Canada et dans le processus de séléction à l'étranger.
 
 

II. LE CONTEXTE HISTORIQUE DE LA DISCRIMINATION DANS LA POLITIQUE D'IMMIGRATION CANADIENNE

L'histoire de l'immigration canadienne est marquée par le racisme et la discrimination. Les premiers immigrants européens ont apporté avec eux les germes du racisme qui aurait eu un tel effet dévastateur sur les populations indigènes du pays, qu'on en voit les effets jusqu'à nos jours.

C'est à peu près depuis les premières lois canadiennes en matière d'immigration, jusqu'aux années 60 que des lois et pratiques explicitement racistes ont restreint l'immigration de certains groupes.

Les Chinois furent les plus grandes victimes des contrôles racistes. La première loi fédérale, la Loi sur l'exclusion des Chinois de1885 imposait une taxe d'entrée de 50 par immigrant chinois qui est passée à 100 en1900, puis à 500 en 1903. De 1886 à 1923, cette taxe rapporta plus de 22 millions de dollars à l'État. En 1923, la Loi de l'immigration chinoise entra en vigueur : cette loi imposa la quasi totale interdiction de l'immigration des Chinois au Canada. Cette loi fut abrogée en 1947, mais l'entrée des Chinois demeura limitée à cause de règles plus générales relatives aux personnes de « race asiatique ».

En 1907, une délégation du gouvernement canadien signa une entente avec le Japon par laquelle le gouvernement japonais limitait volontairement à 400 par an le nombre de personnes japonaises émigrant au Canada. Durant la Seconde Guerre Mondiale, 22  000 Canadiens d'origine japonaise dans une zone d'une centaine de milles de la côte du Pacifique furent expulsés, des milliers furent détenus et, à la fin de la guerre, on encourageait le «  rapatriement » au Japon. Ainsi 4  000 personnes quittèrent le pays dont les 2/3 étaient citoyens canadiens.

En 1908, le gouvernement canadien vota un décret ordonnant le « règlement du voyage sans interruption » qui eut pour effet d'interdire l'immigration aux personnes ne pouvant se rendre au Canada par un voyage direct. Cette mesure ciblait principalement les immigrants potentiels en provenance d'Inde, car à l'époque il n'y avait pas de voyage direct venant d'Inde. En 1914, un groupe de 376 Indiens s'opposèrent à cette mesure en arrivant à Vancouver à bord du Komagatu Maru. Après deux mois passés au port et une contestation judiciaire sans succès, ils furent rapatriés.

A l'époque où les Nazis étaient au pouvoir en Allemagne (et tout de suite après), la politique d'immigration canadienne était profondément antisémite. Le Canada est un des pays occidentaux qui ont accueilli le plus petit nombre de Juifs fuyant l'Holocauste. La politique canadienne envers les réfugiés juifs fut résumée en quelques mots par un fonctionnaire : « Zéro, c'est trop ».

Alors qu'au 19e siècle le Canada représentait la liberté pour les Afro-Américains qui fuyaient l'esclavage, au 20e siècle l'immigration de personnes d'origine africaine était vivement découragée. En 1911, un décret du gouvernement fut préparé interdisant l'entrée à tout «  immigrant appartenant à la race noire, laquelle race est considérée comme inadaptée au climat et aux exigences du Canada ». Ce décret ne fut jamais mis en vigueur, mais les mêmes effets furent obtenus par des mesures telles des sanctions imposées à des compagnies de chemins de fer qui offraient des subventions aux noirs, les exigences d'examens médicaux supplémentaires, et l'embauche d'agents pour décourager fermement les noirs américains de venir au Canada.

En juin 1919, l'entrée des Doukhobors, Mennonites et Hutterites fut interdite en vertu d'un article de la loi mettant en cause les mœurs et modes « étranges ». L'interdiction dura jusqu'en 1922 pour les Mennonites et les Hutterites, mais plus longtemps pour les Doukhobors.

Jusqu'aux années 1960 le Canada choisissait ses immigrants plutot en fonction de leur catégorie raciale que d'après les mérites propres à chaque candidat, avec une préférence pour les immigrants du Nord de l'Europe (particulièrement les Britanniques) plutôt qu'aux soi-disant « races noire et asiatique » et parfois aux «  races » issues de l'Europe centrale et du Sud.

L'objectif poursuivi par l'exclusion de certains groupes racisés était en partie atteint par l'application stricte des exigences apparemment neutres d'immigration, de santé et financières. Par exemple, au début de 20e siècle on appliquait le « règlement du voyage sans interruption » aux Asiatiques mais non aux Européens. Au début des années 20, pendant une période de grande hostilité envers les ressortissants de l'Europe de l'est, le règlement s'appliqua également mais temporairement aux Européens.

La notion de race cessa d'être officiellement un facteur significatif avec l'introduction du système de points. Cependant, certains aspects des politiques actuelles rappellent les formes précédentes des politiques d'exclusion, et l'application des règles d'immigration apparemment neutres continue de discriminer certains groupes racisés.

Le rejet d'une forme de racisme directe dans les politiques d'immigration avant les années 60 était un élément fondamental dans la lutte contre le racisme. Nous sommes aujourd'hui aux prises avec une forme de racisme plus subtile, moins consciente et moins facile à identifier mais tout aussi destructrice.
 

III. RACISME SYSTÉMIQUE ET DISCRIMINATION DANS LES POLITIQUES CANADIENNES SUR LES RÉFUGIÉS ET LES IMMIGRANTS

Note : Les exemples sont fondés sur des cas véridiques, mais afin de protéger l'identité des personnes, les noms et autres détails identifiants ont été changés.
 

1. LES POLITIQUES AUX IMPACTS DIFFÉRENTIELS(4)
 

Politiques

Impact différentiel

Exemples

Recommandations

On exige des réfugiés au sens de la Convention de présenter des « pièces d'identité satisfaisantes » pour que leur soit octroyée la résidence permanente.
 

Cette résolution affecte négativement certains groupes de réfugiés :
 

Les réfugiés ressortissants de pays où l'identité n'est pas traditionnellement établie par des documents officiels (notamment les pays africains).
 

Les citoyens des pays où n'existe plus d'autorité gouvernementale pouvant leur délivrer les documents
 

Les groupes de personnes comme les jeunes, les femmes ou les personnes venant de secteurs ruraux qui sont moins susceptibles de pourvoir fournir ces documents.

Des milliers de réfugiés de la Somalie et des centaines d'autres venant de l'Afghanistan ont été obligés d'attendre pendant des années leur statut de résident permanent parce qu'il n'existait plus de gouvernement fonctionnel dans leur pays. 
 

Subha fuit le Sri Lanka pour le Canada avec ses jeunes filles et on lui a reconnu le statut de réfugié. Le cas de son mari arrivé un mois après elle fut traité séparément. On lui a accordé la résidence permanente, mais pas à Subha et sa fille faute de documents d'identité disparus en même temps que leur maison détruite à Jaffna. Elles ne peuvent pas obtenir de nouveaux documents parce qu'il n'y a plus d'autorité fonctionnelle à Jaffna, et l'ambassade du Sri Lanka refuse de traiter la demande alors qu'il est impossible de retrouver des traces de leur dossier au centre des archives à Colombo sans connaître le numéro du certificat. Subha et sa fille sont à présent au Canada depuis 5 années.

Supprimer l'exigence de présenter des pièces d'identité et accorder davantage d'importance aux entrevues personnelles et aux autres preuves de documents. (Rés.15-Nov.96)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Le Droit exigé pour l'établissement de 975 que tout immigrant doit payer afin que lui soit accordée la résidence permanente.

Étant donné le coût relatif de la vie, les taux du cours de change et le revenu annuel moyen, la Taxe d' Entrée revient à un impôt régressif fixe qui affecte de manière inégale les immigrants du Sud.

Les frais de 975 représentent environ 6 mois de salaire pour beaucoup d'habitants du Salvador. Pour une infirmière ou une enseignante au Sri Lanka, c'est l'équivalent de 10 mois de salaire.

Annuler le Droit exigé pour l'établissement tout immigrant accépté à entrer au Canada. (Rés. 12, mai 95)

L'imposition aux nationaux de certains pays d'un visa pour voyager au Canada.

Certains nationaux (généralement ceux des pays du Sud) doivent demander un visa, alors que d'autres (généralement ceux issus de pays de « blancs  ») n'en ont pas besoin.

Les ressortissants de 81 des pays du Sud ont besoin d'un visa d'entrée au Canada, alors qu'il est demandé à ceux de 19 des pays « blancs » seulement. En revanche, 50 des pays dont les ressortissants n'ont pas besoin de visa sont des pays principalement « blancs ».
 

 

 
 
 
 
 
 
 

Politiques

Impact différentiel

Exemples

Recommandations
Réunification Familiale    

On exige la présentation de documents officiels (Certificat de mariage, papiers d'adoption) afin d'établir des liens de famille.

Cette résolution affecte négativement les personnes venant de sociétés où le mariage et la naissance ne sont pas enregistrés au moyen de documents.

Un Ivoirien parraina sa femme et ses 4 enfants pour les faire venir au Canada. L'agent des visas accepta de reconnaître l'homme comme étant le père des 4 enfants tandis qu'il refusa d'accepter le mariage traditionnel parce qu'ils n'avaient aucun document officiel ou de mariage enregistré. Le passeport des enfants mentionne (ironiquement) le nom de leur mère. Au moment où ce cas fut signalé, il sembla que les enfants viendraient au Canada, sans leur mère.

En ce qui concerne les liens familiaux, donner le bénéfice du doute aux réfugiés faisant la demande de réunification familiale.
 

Faire preuve de flexibilité dans l'étude des preuves des liens de famille et prendre en considération les délais et coûts impliqués dans les demandes de preuves supplémentaires. Recommandations de la Commission spéciale du CCR sur la réunification familiale.

Définition étroite de la notion de famille. La politique canadienne actuelle est fermement établie sur le principe que la « famille » signifie la famille nucléaire qui comprend le père, la mère et les enfants dépendants.

Cette définition étroite affecte négativement les réfugiés et immigrants venant de sociétés où la structure de base de la famille est plus étendue, car elle exclut plusieurs personnes que les réfugiés considèrent comme membres de leur famille.

Marie-Françoise, de la DRC (Zaïre) a élevé ses trois frères et soeurs, orphelins depuis leur petite enfance. Une fois au Canada et reconnue réfugiée, elle voulut les faire venir au Canada sous la clause de réunification familiale. Sa demande fut rejetée parce qu'ils n'étaient pas ses enfants. Elle ne possède pas de papiers d'adoption étant donné que cela ne représente pas une adoption dans la société zaïroise. Cela met en danger la vie des enfants (âgés à présent de 13 et 15 ans) qui se trouvent seuls au Zaïre sans parents pour s'occuper d'eux.

Adopter l'approche fonctionnelle dans la définition du mot « famille ».
 

Autoriser les réfugiés au Canada à parrainer des membres plus éloignés de leur famille qui se trouvent en situation de désespoir.

Recommandations de la Commission spéciale du CCR sur la réunification familiale.
 


 

2. PROBLÈMES STRUCTURELS AUX IMPACTS DIFFÉRENTIELS(5)
 

Problèmes

Impact différentiel

Exemples

Recommandations

Les bureaux des visas et leur accessibilité
 
 
 

La répartition des bureaux des visas canadiens à travers le monde et l'allocation de revenus attribués à ces bureaux sont biaisées au détriment du Sud.

Il y a 10 bureaux des visas en Europe qui étudient les demandes des immigrants. En Afrique, dont la population dépasse celle de l'Europe il n'en existe que 4.
 

Assurer une répartition plus équitable des bureaux des visas.


Les pays de provenance des réfugiés

Il y a eu un déséquilibre historique en faveur de la séléction des réfugiés en dehors de l'Europe.

En 1998, il y a eu 59 de réfugiés parrainés par le gouvernement venant de l'Europe, alors que seuls 12 venaient d'Afrique bien que ces 2 régions comptaient les mêmes parts de réfugiés sur l'ensemble de la population réfugiée. 

(Compilé par le CCR en 1988 à partir de statistiques de CIC et du HCR). Plus récemment, on constate une heureuse tendance vers la réinstallation d'une plus importante proportion de réfugiés en provenance de l'Afrique. 

En 1999, le gouvernement répondit très rapidement et généreusement aux besoins des réfugiés Kosovars, en faisant venir au Canada environ 7000 réfugiés en l'espace de quelques semaines. En revanche, lorsqu'il a été question de venir en aide aux Tutsi du Congo, ce fut un échec total. Un groupe de ces réfugiés, dont certains avaient de la famille au Canada, furent évacués provisoirement(pour 6 mois) au Bénin : 6 mois plus tard, aucun d'entre eux ne fut admis au Canada.


S'assurer que le nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement de chaque région à travers le monde reflète leur proportion par rapport à l'ensemble de la population réfugiée, de même que les calculs du HCR quant aux besoins de réinstallation par région.

 

Problèmes

Impact différentiel


 
 

Recommandations


La représentation des minorités visibles au sein du personnel du Ministère de l'immigration

Au milieu de l'année 2000, on compte 8.14 de minorités visibles dans le personnel du CIC (en-dessous de leur objectif qui est de 9.8). CIC reconnait également que les minorités sont regroupés dans les emplois subalternes.
 
Prendre des mesures pour s'assurer d'une représentation équitable des minorités visibles au sein du Ministère.

La représentation des minorités visibles au sein de la Commission de l'Immigration et du Statut de Réfugié

22 des commissaires et (au 31 mars 2000) 18,6 des employés du service public sont des minorités visibles. C'est la représentation de minorités visibles la plus élevée qui fut signalée parmi tous les ministères et agences fédéraux. Cependant, les employés du service public sont moins bien représentés au niveau de la Direction (6,4).
 
Prendre des mesures pour s'assurer d'une représentation équitable des minorités visibles à tous les niveaux de la CISR.

 
 
 
 
 

L'APPLICATION DES POLITIQUES VISANT CERTAINS GROUPES(6)
 

Politiques

Impact différentiel

Exemples

Recommandations


On requiert un visa d'entrée au Canada des nationaux de certains pays.

Ces mesures d'interdiction débouchent sur le harcèlement des citoyens canadiens, des résidents permanents et des visiteurs au Canada, surtout lorsqu'ils appartiennent à des minorités visibles.

Ali Kazimi, un réalisateur de films documentaires, citoyen canadien d'origine indienne, révéla au Toronto Star en 1999 les incessantes vérifications ainsi que les interrogations humiliantes qu'il avait dû subir en voulant revenir au Canada après avoir participé à un festival de film à Amsterdam. On avait finalement exigé de Monsieur Kazimi de présenter sa carte de citoyenneté alors qu'il possédait un passeport canadien valable.

 

Refus de demandes de visa de visiteur aux membres de la famille voulant assister à des mariages, obsèques, etc (ou à d'autres voulant venir en visite pour d'autres motifs).

Il devient très difficile pour les personnes originaires de certains pays et à qui l'ont exige d'avoir un visa, de rendre visite à leur famille au Canada.

Julia demanda un visa de visiteur à Beijing afin de rendre visite à son mari qui se trouvait temporairement au Canada. Le visa fut refusé sous prétexte que Julia n'avait pas de liens suffisants pour revenir. Pourtant, elle venait sans son enfant, et son mari avait fourni les preuves nécessaires qu'il la prendra en charge et qu'il avait un contrat l'engageant à revenir à Beijing à la fin de son séjour.

Adopter une approche plus juste pour l'étude des demandes de visa de tourisme pour faciliter les visites des membres de la famille, et présenter les motifs en cas de refus.

Demandes de tests d'ADN comme preuve de liens de parenté avant d'approuver le parrainage.

Les demandes de test d'ADN visent de manière inégale certains groupes ethniques. Les coûts très élevés qu'impliquent les tests d'ADN (975 et plus) créent des obstacles à la réunification familiale, puisque plusieurs demandeurs n'ont pas les moyens de présenter cette unique preuve de lien de parenté acceptée par les agents des visas.

Ahmed, un Somalien, vint au Canada en 1995. Après avoir été reconnu comme réfugié au sens de la Convention, il demanda la réunification avec ses 3 enfants et son neveu qu'il a élevé depuis la mort de son frère. Bien qu'il ait fourni les extraits d'actes de naissance des 4 enfants, le CIC exigea de lui faire passer à lui et à ses 3 enfants des tests d'ADN. N'ayant pas les moyens de payer les frais des 4 tests (plus de 2000), il se voyait refuser la possibilité d'être réuni avec ses enfants.

S'assurer que le test d'ADN soit une exception plutôt qu'une règle et que l'on n'y fasse appel que dans les circonstances indiquées dans des lignes directrices publiées (Rés.16, Mai 95).

PROFIL DE GROUPES(7)


Problèmes

Impact différentiel

Exemples

Recommandations

Les résidents permanents qui sont menacés d'explusion aprés avoir été jugés d'un crime se voient refusés le droit de faire appel du jugement s'ils sont désignés comme étant un « danger pour le public ».

Certains groupes racisés sont déclarés comme étant un « danger pour le public » plus que d'autres.

La plupart des personnes désignées comme étant un « danger pour le public » sont noires. Les statistiques de juillet 95 au 31 décembre 97 montrent que des 335 personnes déportées de l'Ontario comme étant un « danger pour le public », 138 (soit 39) sont Jamaïcains. Les pays qui comptent le plus grand nombre de déportations après la Jamaïque sont la Trinité (22) et la Guyanne (17).

Supprimer le concept actuel injuste de « danger pour le public »

Refus ou retard dans l'octroi de la résidence permanente pour les réfugiés au sens de la Convention parce qu'ils représenteraient une menace pour la sécurité canadienne.

Certains groupes éthniques ou nationaux sont particulièrement susceptibles d'être visés pour des contrôles de sécurité supplémentaires.

Ceux qui n'ont pas été jugé inadmissible, ou que l'on a fait attendre sans qu'une décision soit prise, sur la base d'une disposition relative à la sécurité, comprennent un nombre notable et disproportionné d'Iraniens associés au mouvement Modjaheddin et au peuple kurde.

Amender la loi sur l'immigration pour définir de manière plus précise les risques de sécurité et introduire l'obligation de prendre une décision dans un délai fixe. (Res.13-Nov.98)

Contrôles de criminalité 
 
 
 
 
 


Le CIC a eu recours à des contrôles de criminalité systématiques pour certains groupes de revendicateurs du statut de réfugié s'appuyant sur des profils de groupe, des stéréotypes et le mécontentement du public.

Durant une certaine période de l'été 1997, tous les demandeurs du statut de réfugiés roms devaient systématiquement subir de la part des agents d'immigration des contrôles de criminalité très poussés en général les personnes concernées n'avaient aucune raison d'être suspéctées.

Éviter de cibler certains groupes pour leur attribuer un traitement particulier en se fondant sur des profils de groupe, des stéréotypes et le mécontentement du public.

Décisions de détention
 

Le CIC a eu recours à la détention de groupes de réfugiés se basant sur des profils de groupe, des stéréotypes et le mécontentement du public. 

La détention est utilisée pour dissuader certains groupes d'immigrants et de réfugiés de venir au Canada.


En 1999, les migrants chinois arrivant sur la côte ouest furent massivement détenus par le CIC sans évaluation par personne, et en s'appuyant sur des profils généraux et stéréotypés des demandeurs chinois. Pour beaucoup d'entre eux, la détention a duré plus d'un an.

Éviter la détention des demandeurs du statut de réfugié en se fondant sur des profils de groupe, des stéréotypes et le mécontentement du public. (Rés.10, Déc.99)


 

4. Le croisement du sexe et de la race(8)
 


Politiques

Double Impact

Exemples

Recommandations

L'exigence de pièces d'identité.
 

Il est moins probable que les femmes diposent de pièces d'identité telles que les permis de conduire et les certificats d'études.

Roya est une femme iranienne dans la quarantaine arrivée au Canada il y a 6 ans et qui fut accéptée comme réfugiée. Elle a fui la violence conjugale et son mari a gardé tous ses documents. Comme elle ne possède pas les pièces d'identité nécessaires, elle n'a pas pu avoir sa résidence permanente au cours des quatre dernières années.

Annuler les exigences pour les documents d'identité et accorder plus d'importance aux entrevues personnelles et autres preuves d'identité (Rés.15, Nov. 96)
 

Frais (droit exigé pour l'établissement, tests d'ADN, demande de motifs humanitaires) et critères financiers de parrainage.

Impact différentiel des obstacles financiers pour les femmes qui sont déjà économiquement désavantagées.

N. est une mère célibataire de la République Démocratique du Congo qui arriva au Canada en 1996. Sa demande de statut de réfugié fut rejetée par la CISR mais elle demeura au Canada à cause de la guerre qui continuait en RDC. Elle ne possède pas les moyens financiers de faire une demande pour les motifs humanitaires. À cause de son incapicité à payer les frais de 600 pour elle et son enfant, elle est depuis plusieurs années sans statut permanent.

Supprimer les obstacles financiers affectant de façon disproportionnée les femmes.

5. Problèmes au-delà de CIC et de la CISR
 


Problèmes

Impact différentiel

Exemples

Recommandations

La reconnaissance des acquis (scolaire et professionnel) 
 

Les personnes ayant suivi une formation du type occidental dans le Sud n'ont pas la même reconnaissance que si elles étaient qualifiées dans le Nord. 

Les personnes ayant suivi une formation du type non-occidental rencontrent de grandes difficultés à obtenir la reconnaissance de leur formation ou de leur qualification.


Anusha arriva au Canada de l'Inde en 1996. Elle a une maîtrise en travail social et 7 ans d'expérience de travail dans l'assistance des enfants en Inde. Une fois arrivée au Canada, elle chercha du travail dans la protection de la jeunesse ou dans les hôpitaux pour enfants mais ne put rien obtenir dans sa spécialité parce que son diplôme n'est pas reconnu. Elle a travaillé de façon contractuelle pour un organisme communautaire et est actuellement sans emploi.

Des recherches démontrent que les nouveaux arrivants ont tendence à être sous-employés par rapport à leur formation et leur education lorsqu'on les compare à ceux qui sont nés au Canada. Voir par exemple Jeffrey G.Reitz « Immigrant Success in the Knowledge Economy :Institutional Change and the Immigrant Experience in Canada, 1970-1995 ».


Établir des lignes directrices pan-canadiennes sur les équivalences.
 

S'assurer d'une procédure juste pour les nouveaux arrivants quant à la reconnaissance de leurs qualifications que ceux-ci aient accès de manière équitable aux possibilités de formation ou de stages pour atteindre les normes canadiennes que leur soit accordé le droit faire appel à tout refus de reconnaissance ou d'accès.


La représentation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale

La représentation des minorités visibles dans la Fonction publique (5.9) est nettement inférieure au chiffre de la main-d'oeuvre disponible (8.7). Un rapport parle du « grave problème de la sous-représentation » des minorités au niveau de la Direction, étant donné qu'elles ne représentent que 2.9 dans ces postes.Voir Faire place au changement dans la fonction publique fédérale, rapport du Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale, avril 2000.

Le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux donne un aperçu de la perception qu'ont les membres des minorités visibles de leurs conditions de travail. 

· 33 des membres des minorités visibles disent qu'ils ont connu la discrimination dans leur travail, contre 18 de l'ensemble des personnes interrogées

· 75 des membres des minorités visibles approuvent l'affirmation suivante : «  Dans mon unité de travail, chacun(e) est accepté(e) comme membre à part entière de l'équipe, sans égard à sa race, sa couleur, son sexe ou son incapacité  », contre 87 de toutes les personnes sondées.


Introduire des mesures d'equité en emploi :

· Que la représentation des membres des minorités visibles dans la Fonction publique équivaut à leur proportion dans la main-d'œuvre disponible

· S'assurer que les membres des minorités visibles soient représentés de manière adéquate aux postes de direction

· Apporter du soutien aux employés issus des minorités visibles. 

 

IV. L'OPINION PUBLIQUE
 

Cette section traite de la couverture médiatique des problèmes de l'immigration et des réfugiés de même que du discours des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.
 

1) Discours des gouvernements incluant les provinces et les municipalités
Alors que le gouvernement essaie généralement de présenter les questions de l'immigration et des réfugiés d'une façon équilibrée, il ne tient pas toujours cette promesse en faisant des déclarations ou en agissant de manière à renforcer les préjudices contre les nouveaux arrivants.
 

  • Projet de loi 31


Dans sa présentation publique du projet de loi C-31, la proposition d'une nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le gouvernement déclara son objectif de fermer « la porte aux clandestins », afin de pouvoir ouvrir toute grande la porte. Il insistait cependant sur la porte qu'il fallait fermer, comme le démontre le fait que la Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration qualifie le projet de loi de « dur ». Le communiqué de CIC sur le projet de loi C-31 exprime l'idée d'une préoccupation malsaine avec la « sécurité » (terme qui apparaît 22 fois), « fraudes » et « fausses déclarations »(6 fois), « crimes » et « criminels » (22 fois) ainsi que « danger pour la société canadienne » (2 fois), et « abus » (3 fois). En revanche, on constate qu'il n'y a que 10 références au besoin de protection des réfugiés. En présentant un programme de mesures plus sévères contre les criminels et les personnes abusives, le gouvernement rend légitime l'inquiétude du public sur la soit-disant menace causée par les nouveaux arrivants.
 

  • CIC diffuse de fausses informations concernant le coût du système de détermination du statut de réfugié. Au début des années 90 le CCR exprima des inquiétudes lorsque CIC a chiffré le coût par revendicateur à 50 000. En 1994, CIC reconnut que leurs calculs étaient basés sur des prémisses erronées et s'engagea à ne plus l'utiliser. Cependant certains fonctionnaires de CIC continuent de le citer publiquement. Ce chiffre gonflé est extrèmement préjudiciable aux réfugiés, puisqu'il encourage les Canadiens à croire que les revendicateurs du statut de réfugié leur coûtent cher.


 

  • Sur le plan provincial, quand le premier ministre de l'Ontario Mike Harris commentait la réinstallation éventuelle au Canada de certains réfugiés du Moyen Orient qui étaient emprisonnés en Israël (mai 1998), il se préoccupa du fait que « le Canada a accépté plus qu'assez de criminels venant d'autres pays et qu'il commencerait peut-être à envisager d'envoyer quelques uns des siens vers l'étranger ». (Le Saskatoon Star Phoenix, 21 mai 1998). Ces réfugiés avaient été reconnus par le HCR. Le fait de les caractériser comme criminels uniquement parce qu'ils étaient détenus est une façon de promouvoir la distortion d'information, la xénophobie et les préjudices anti-réfugiés.


 

  • En juin 2000, des fonctionnaires d'Immigration Canada en Colombie Britannique offrirent à leur personnel des chemises de golf pour fêter la déportation de 90 immigrants chinois. Ce geste était censé récompenser le personnel du « succès » du renvoi des 90 demandeurs du statut de réfugié refusés. Le geste provoqua des dénonciations car cela donna l'impression que le ministère de l'Immigration jubilait de la souffrance des demandeurs du statut de réfugié. Pour répondre à la protestation du public, un directeur de l'exécution de la loi commenta : « la reconnnaissance au personnel n'est pas une farce. Nous ne voulions offenser personne car cela n'était pas du tout notre intention » (Furor over immigration officials' trophy,The Province, 6 juillet 2000). Le cabinet de la Ministre reconnut plus tard que le geste était de mauvais goût.


 

 

2) Couverture médiatique des questions relatives à l'immigration et aux réfugiés
En tandem avec le gouvernement, les médias ont une influence importante sur l'opinion publique. Malheureusement, la couverture médiatique des questions d'immigration et des réfugiés est trop souvent inéxacte et mal équilibrée, comme le démontrent les deux exemples récents sur le projets de loi C-31 et l'arrivée par bâteau des immigrants chinois.

Projet de loi C-31
La couverture médiatique du projet de loi C-31 s'était excessivement penchée sur la question des abus du système et peu sur les mesures positives prises pour protéger les droits des réfugiés et immigrants. Parmi les grands titres du 7 avril 2000 : « Protecting the Borders » « Enforcement Problems. Terrorists won't be easy to spot » (National Post) « Ottawa tightens refugee rules » (The Calgary Herald) « Ottawa montre les dents aux abuseurs » (Le Devoir) « A faster, tougher refugee system » (The Ottawa Citizen).
 

Des arrivées par bâteau sur la côte ouest
Dans un article intitulé  «  600 Is Too Many: How the press used four boatloads of Chinese migrants to create an immigration crisis »,(9) Beth Clarkson étudie le rôle joué par la couverture négative de la presse dans le traitement différentiel qu'ont reçu ces personnes. Elle en conclut que « l'ensemble des informations durant l'été révèle non seulement des inéxactitudes et des idées fausses, mais également des sous-entendus incontestablement xénophobes ».
 

3) Le gouvernement ne réagit pas à la xénophobie et au racisme des médias

Les médias constituent la source d'information la plus facile d'accès et exerce un rôle important dans la formation de l'opinion publique. Ainsi le CCR pense que le gouvernement a la responsabilité de corriger les mauvaises informations sur les réfugiés et les immigrants. Lorsque le gouvernement réagit aux mauvaises informations comme si elles étaient vraies, il ne fait qu'alimenter la xénophobie au lieu de s'y opposer. Cela crée un cercle vicieux puisqu'en reserrant la vis à l'opinion négative, le gouvernement ne fait que renforcer les préjugés qui au départ nourrirent ces politiques.
 

4) Recommandation

Étant donné que le discours gouvernemental joue un rôle clé dans la stimulation de l'appui public, il est nécessaire le gouvernement s'exprime de manière cohérente et positive sur l'importance du respect des droits des revendicateurs du statut de réfugié et des immigrants.
 
 

V. CAS INDIVIDUELS DE RACISME ET LES RECOURS
 

1) Cas particuliers
 

a) En 1996, la Cour fédérale a renversé la décision prise par un agent des visas à Beijing. Dans le cas de Zhao Guang (IMM-3872-96), le juge Campbell conclut qu'il y avait une prédisposition négative de la part du décideur qui affecta de manière injuste le résultat et que l'on n'avait accordé au demandeur que peu de chance de s'expliquer. Le juge conclut également que l'agent des visas avait des opinions négatives sur les demandeurs en général et qu'elle fit des affirmations visiblement injustes qui ne traitaient pas le demandeur en tant qu'individu mais à partir de sa propre compréhension de ce qui est habituel chez les personnes qui se présentent devant elle.
 

b) Sonia travaille pour le Programme des Nations Unies pour l'Environnement à Nairobi, Kenya. L'année dernière, elle avait été transférée au Secrétariat du Centre pour la Bio-Diversité (CBD) à Montréal et avait fait une demande de visa au bureau des visas canadien à Nairobi. À l'appui de sa demande, elle avait présenté son passeport rwandais, son laissez-passer des Nations Unies et une lettre d'accompagnement expliquant qu'on l'avait mutée à la CBD de Montréal. Le visa lui fut refusé avec la mention « nous ne sommes pas convaincus que cette personne va effectuer un séjour temporaire au Canada ». Lorsqu'elle alla demander des explications au bureau des visas, la réponse de l'agent d'immigration était que deux de ses enfants qui avaient obtenu des visas d'étudiant, avaient fait une demande de statut de réfugié une fois au Canada. (Ses filles étaient passées par le système de determination du statut de réfugié et avaient été accéptées. Quant à Sonia, elle avait déjà obtenu des visas temporaires pour le Canada plusieurs fois sans avoir jamais dépassé son séjour).

L'agent des visas fit plusieurs assertions non fondées, comme par exemple que ses deux enfants étaient sur le bien-être social au Canada alors que ce n'était pas le cas, et qu'elles étaient venues au Canada seulement pour avoir des facilités pour leurs études (alors qu'elles avaient payé le tarif plein d'étudiants internationaux). Il a aussi fait preuve de préjugés (« vous n'avez aucun contrôle sur vos enfants ») et suggéra qu'elle devait faire revenir ses filles au Kénya (alors qu'elles sont reconnues réfugiées - et sont adultes). Il lui répéta trois fois qu'elle était « visiblement issue d'une famille persécutée » lorsqu'elle lui répondit qu'il était chanceux de n'être pas né dans un pays en guerre et en conflit, elle avait obtenu pour réponse « ce n'est pas une question de chance ». Finalement, lorsqu'elle lui demanda ce qu'il voulait qu'elle fasse, il lui répondit « Ne faites rien Vous ai-je appelé  ? ». Sonia signala que durant les échanges, l'agent des visas non seulement criait et était devenu rouge mais qu'en plus il y avait de l'hostilité et même de la haine dans ses propos.

Le CBD lui demanda de refaire une deuxième demande, mais elle fut aussi rejetée et son laissez-passer fut renvoyé avec l'étampe « visa refusé » et aucune autre explication.

c) T. était un bénévole dans un organisme non gouvernemental qui organise les visites au centre de détention d'immigration à Montréal. À la fin des visites, au moment où le groupe de bénévoles quittait le centre de détention, on avait plus d'une fois empéché T. de partir. Comme T.était noire, on l'avait soupçonnée d'être une détenue.

2) Le mécanisme des plaintes et leur efficacité

En ce qui concerne le comportement des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada ou de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, les plaintes doivent être déposées à l'instance même qui est l'objet de la plainte. Il n'existe aucun ombudsman ou autre instance indépendante vers lequel une personne pourrait se tourner lorsqu'elle subit un traitement raciste ou discriminatoire. Il est dès lors peu probable que les plaintes soient étudiées en pronfondeur et avec impartialité. De plus, la procédure même des plaintes et le destinataire ne sont pas trés évidents. Le manque d'accessibilité pose un problème particulier dans le domaine de l'immigration et des réfugiés, étant donné que les plaignants parlent souvent très peu l'anglais ou le français et qu'ils sont très peu habitués à la société canadienne et/ou qu'ils n'ont pas un statut permanent.

La Loi canadienne sur les droits de la personne permet à tout individu ou groupe d'individus de porter plainte à la Commission canadienne des droits de la personne en cas de discrimination. Cependant la loi exclut de la jurisdiction de la Commission tout acte ayant lieu en dehors du Canada, sauf si la victime est un citoyen canadien ou un individu admis au Canada selon la loi en tant que résident permanent. La plupart des actions de Citoyenneté et Immigration Canada à l'étranger ne sont donc pas asujetties au contrôle de la Commission canadienne des droits de la personne.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a un « Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires  » qui offre un mécanisme permettant de soumettre et d'évaluer les plaintes contre les commissaires. Comme il date seulement d'octobre 1999 son efficacité et son accessibilité devront être examinées.

3) Recommandations

a) Un mécanisme crédible, transparent et accessible pour traiter les plaintes devrait être introduit. (Rés.13, Nov.94)

b) Un ombudsman devrait être établi par la Loi. Cette instance devrait être clairement indépendante et dotée du pouvoir d'enquêter sur les plaintes contre CIC et de surveiller le traitement des individus par CIC, surtout dans les situations qui les rendent particulièrement vulnérables aux abus (ex : interview aux points d'entrée ou lors des renvois) (Rés. 35, juin 94).

c) Parallèlement au mécanisme de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il devrait y avoir d'autres mécanismes afin de protéger les non-Canadiens victimes de discrimination de la part des agents d'immigration.

VI. LA PROMOTION DE L'ANTI-RACISME AU SEIN DE CIC ET DE LA CISR

Le CCR pense que les structures qui font la promotion de l'anti-racisme doivent absolument être encouragées à cause du racisme systémique dans les services, les politiques et les structures d'immigration et pour les réfugiés au Canada.(Rés 2, Nov 96)

Dans sa réponse à la question du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme sur la formation anti-raciste, CIC mentionne un cours obligatoire sur le multiculturalisme au début des années 1990, et deux cours sur le multiculturalisme s'adressant à tous les employés du ministère (Initiation aux différences culturelles et Profils culturels).(10) L'information donnée au CCR par CIC et la CISR parle également de divers programmes de formation et d'autres mesures visant, entre autres objectifs, l'anti-racisme.

De telles mesures sont très importantes. Cependant le CCR veut que la question de la racialisation soit étudiée en profondeur et ouvertement, et non que l'on considère qu'elle soit abordée par des références à la diversité, au multiculturalisme et autres.

Recommandations

a) CIC et la CISR devraient développer des mesures comprenant des formations déstinées tout particulièrement à la promotion de l'anti-racisme parmi les employés.

b) Les gardes de détention devraient recevoir la même formation anti-raciste.

c) CIC et la CISR devraient systématiquement soumettre toutes les politiques et les programmes sur l'immigration et les réfugiés aux analyses anti-racistes, et inclure dans ces efforts les ONG.
 

VII. CONCLUSION
 

Ce rapport met en évidence la discrimination et le racisme perçus à travers les politiques canadiennes envers les réfugiés et les immigrants. Il montre comment certaines politiques, bien qu'elles ne soient pas explicitement racistes et même appliquées de façon neutre, ont un impact négatif sur certains groupes racisés. Voici quelques exemples de ces politiques : le Droit exigé pour l'établissement, les exigences de pièces d'identité et de documents officiels, et la définition étroite de la notion de famille. Le racisme est plus flagrant encore dans les politiques visant directement certains groupes racisés et fondées sur des profils ,des stéreotypes et le mécontentement du public. On pourrait citer en exemples, les certificats de « danger pour le public », les contrôles de sécurité et de criminalité et les décisions de détention. En dernier lieu, une forme plus subtile de racisme apparaît dans les problèmes structurels qui ont un impact différentiel sur certains groupes racisés tels que la répartition biaisée des bureaux des visas ainsi que les obstacles à l'accès aux postes de prise de décision rencontrés par les membres des minorités visibles au sein de la CISR et de CIC.

Cela fait partie des préocupations du CCR de savoir que la Réponse du Canada au questionnaire distribué par le Haut-commissaire de la Commission des droits de l'homme en vue d'examiner les progrès accomplis dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée et de réévaluer les obstacles qui s'opposent à de nouveaux progrès ne mentionne nullement l'existence de racisme systémique. À la question  «Le gouvernement de votre pays a-t-il examiné et, le cas échéant, modifié les dispositions de ses lois sur l'immigration qui pourraient être contraires aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dans le but d'éliminer toutes les mesures et pratiques discriminatoires à l'égard des migrants?  » (question 8) CIC répondit en disant qu'il «  croit que ses politiques et procédures d'exécution de la loi sont conformes à l'esprit des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne. ». À en juger par ce rapport, cette affirmation est troublante d'autant plus que la seule reconnaissance de l'existence du racisme systémique représente en soi un premier pas vers son élimination.

Étant donné la persistance de signes de xénophobie au Canada, le gouvernement doit assumer la responsabilité particulière de prendre des mesures actives afin de combattre le racisme et les préjugés contre les nouveaux arrivants. Ce n'est pas en introduisant une législation sur l'immigration décrite comme « dure » et en réduisant le droit des nouveaux arrivants que l'on peut parler d'une politique responsable face à la xénophobie. Les mythes et les politiques négatives se nourrissent mutuellement. Pour rompre ce cercle vicieux, le Canada doit prendre des mesures immédiates, soutenues et efficaces. Nous espérons que ce rapport aura contribué à l'identification de quelques obstacles rencontrés collectivement par les groupes racisés et les nouveaux arrivants ainsi que certaines façons de les surmonter. Si le Canada veut être fidèle à son image de pays ouvert, responsable, juste et équitable dans sa diversité, alors il doit lutter contre le racisme systémique.
 
 
 

ANNEXE
 

DÉFINITIONS

Anti-racisme

L'anti-racisme oeuvre à l'élimination du racisme en lançant des défis à notre société et à nous mêmes. (Waterloo Public Interest Research Group)
 

Racisme systèmique

Le racisme systémique comprend l'ensemble des processus sociaux qui produisent l'inégalité raciale dans les décisions concernant les personnes et le traitement qu'elles reçoivent. Il s'agit d'une distribution inégale du pouvoir associée à des pratiques institutionnelles, des politiques et des procédures, qui soutient des comportements, des pratiques, des systèmes de discrimination et des inégalités.(Tiré du Waterloo Public Interest Research Group/Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario)
 

Discrimination raciale

Comme défini dans l'article 1 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, "l'expression «discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique."
 

Racialisation

La racialisation est la construction sociale des races comme différentes et inégales. (Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario)
 

Groupes racisés

Des groupes de personnes classées en se référant à des signes d'origine (tels que la couleur de peau, la texture des cheveux et le lieu de naissance) ces signes servant à porter des jugements sur leur caractère, leur habileté, leur talent et leur capacité à appartenir à ce pays. (Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario)
 

Xénophobie

La xénophobie est l'hostilité à ce qui est étranger. (Le Petit Robert)
 
 

Notes

1. Les définitions de certains termes utilisés dans ce rapport se trouve à l'Annexe.

2. Les noms et autres détails pourront être changés afin de protéger l'identité des individus.

3. Lorsque c'est le cas, le numéro et la date de la résolution vous seront indiqués entre parenthèses. Il se peut que de légères modifications soient apportées pour les adapter aux problèmes actuels.

4. C'est-à-dire des politiques qui sont neutres, mais qui ont un impact différent et négatif sur certains groupes racisés, même si elles sont appliquées de façon neutre.

5. C'est-à-dire les façons dont CIC et la CISR sont organisés de façon à avoir un impact différentiel et négatif sur certains groupes racisés.

6. Réfère à certains cas où les politiques sont appliquées en visant certains groupes racisés.

7. Exemples de cas où le CIC et la CISR déterminent le traitement à accorder aux personnes à partir du profil du groupe, au lieu de prendre des décisions selon le cas de chaque personne.

8. Étude des domaines dans lesquels le sexe et la race s'associent pour constituer un double désavantage pour certaines personnes.

9. "600 c'est trop : comment la presse s'est servie de l'arrivée de 4 bâteaux d'immigrants chinois pour déclencher une crise au sujet de l'immigration." The Ryerson Review of Journalism, spring 2000, pp. 6 ff.

10. Voir La réponse du Canada au questionnaire distribué par le Haut-commissaire, Question 3f.