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Des Haïtiens refusés font face à la déportation, suite à la levée du moratoire

Conseil canadien pour les réfugiés
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes

Communiqué

Pour diffusion immédiate

Des Haïtiens refusés font face à la déportation,
suite à la levée du moratoire

 

16 juin 2015. Selon le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), les premières décisions rendues dans le cadre des mesures spéciales pour les Haïtiens et les Zimbabwéens démontrent le caractère arbitraire du processus.

Alors que la majorité des décisions rendues seraient positives, les organisations ont eu connaissance de quatre cas à Montréal dont la demande a été refusée, malgré la présence d’importants facteurs humanitaires. Ces personnes font face à une déportation vers Haïti, où elles seront exposées à des conditions difficiles.

« Le processus offert aux Haïtiens et Zimbabwéens touchés par la levée du moratoire est un processus discrétionnaire: malheureusement, certaines personnes ayant des cas méritoires en paient les frais maintenant puisqu’elles sont tombées sur un décideur qui n’a pas voulu exercer sa discrétion de façon positive » a dit Richard Goldman, responsable du Volet protection à la TCRI. « Les demandes de considérations humanitaires ressemblent parfois à une loterie. Sur deux dossiers très similaires, une personne peut être acceptée, et l’autre refusée. »

Si les décisions sont discrétionnaires, les décideurs doivent néanmoins respecter certaines règles, dont la considération de l’intérêt supérieur d’un enfant touché, en fonction de la loi canadienne et de nos obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant. Les agents doivent également prendre en considération l’établissement au Canada de la personne, surtout si la personne est au Canada depuis longtemps en raison d’un moratoire sur les renvois. Ces règles ne semblent pas avoir été respectées dans les dossiers refusés, selon les informations disponibles au sujet de ces 4 dossiers (tous haïtiens).

Parmi les personnes refusées se trouvent :

  • Des personnes ayant des enfants, incluant des enfants nés au Canada.
  • Des personnes qui sont au Canada depuis de nombreuses années (depuis 2007 dans un cas);
  • Une femme âgée de 65 ans dont les enfants sont au Canada, et qui n’a ni conjoint ni enfants en Haïti.

Aucun des demandeurs refusés n’est bénéficiaire d’aide sociale. Ils ont tous reçu un certificat de sélection du Québec. (voir informations sur les décisions dans le Document d’informations en annexe.)

« Nous avons exprimé à plusieurs reprises des préoccupations au gouvernement canadien en raison du fait que ce programme spécial est très complexe et qu’il repose sur la discrétion laissée aux agents sur une base individuelle. Nous en voyons maintenant les conséquences dramatiques pour des personnes qui se sont enracinées ici » a déclaré Loly Rico, présidente du Conseil canadien pour les réfugiés. « Nous espérons que le gouvernement canadien va intervenir immédiatement pour corriger cette situation et mettre fin à la souffrance inutile de ces familles. »

La situation en Haïti demeure très difficile : les femmes et les filles sont particulièrement à risque. Amnistie internationale est « gravement préoccupée par le nombre élevé de cas de violences contre les femmes et les filles ».

Le CCR et la TCRI demandent au gouvernement canadien de revoir les décisions citées et de prendre des mesures pour assurer une étude conforme aux règles de toutes les demandes humanitaires. Ils réitèrent leur recommandation de longue date de créer un programme pour accorder la résidence permanente à tous les ressortissants de pays sous moratoire qui sont au Canada depuis trois ans et plus.

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Contact :

CCR - Janet Dench, 514-277-7223 (poste 2) jdench@ccrweb.ca

TCRI - Stephan Reichhold 514-791-2455 (cell), 514-272-6060 (poste 203) reichhold@tcri.qc.ca


 

DOCUMENT D’INFORMATIONS

Contexte des mesures spéciales pour les Haïtiens et Zimbabwéens

En date du 1er décembre 2014, le Gouvernement du Canada a levé la suspension temporaire des renvois vers l’Haïti et vers le Zimbabwe, malgré des conditions difficiles qui perdurent dans ces deux pays. 

Dans le cadre d’un programme spécial mise en place par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), la plupart des ressortissants des deux pays avaient jusqu’au 1er juin 2015 pour déposer une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire (demande CH). Les ressortissants qui résidaient au Québec bénéficient, en plus, d’une révision de leur cas par le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) du Québec. CIC s’est engagé à tenir compte de cette évaluation lors de la prise de décision sur les cas.

Premières décisions

Certains Haïtiens qui se sont établis au Canada depuis de nombreuses années, et qui devaient bénéficier d’une révision humanitaire sont actuellement à risque de déportation.

Depuis le 1er juin (la date limite pour soumettre les demandes), des informations ont commencé à circuler sur les décisions rendues. Alors que la majorité des cas sont acceptés, des agents d’immigration à CIC Montréal ont refusé dernièrement au moins quatre cas méritoires, notamment: des personnes qui ont résidé au Canada depuis plusieurs années (depuis 2007 dans un cas); des personnes avec enfants y compris des enfants nés au Canada; une femme de 65 ans ayant des enfants adultes et des petits-enfants au Canada et n’ayant ni conjoint ni enfants en Haïti. Dans un cas, la personne concernée a été sommée de quitter le Canada d’ici le 12 juillet 2015.

Analyse des décisions négatives

Toutes les personnes concernées travaillent. Aucune ne reçoit l’aide sociale. Les quatre ont reçu des certificats de sélection du Québec dans le cadre d’un programme conjoint Québec-Canada pour les ressortissants qui résident au Québec. Trois des quatre demandeurs ont reçu les motifs de refus des agents.  Une lecture de ces derniers démontre que :

  • Aucune des décisions ne mentionne que les demandeurs ont reçu des certificats de sélection du Québec alors que, selon les directives concernant le programme les agents devraient en tenir compte.
  • Peu de poids a été accordé à l’intérêt supérieur des enfants touchés, alors que selon la loi canadienne et nos obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, ce facteur devrait avoir un « poids considérable » dans les décisions sur les cas CH. Dans un cas, l’agent a simplement affirmé qu’un enfant né au Canada peut « s’adapter » à la vie en Haïti, puisqu’il est jeune et serait accompagné de ses parents.
  • Aucune référence n’a été faite à la directive de  prendre en considération l’établissement au Canada de la personne, surtout si la personne est au Canada depuis longtemps en raison d’un moratoire sur les renvois.
  • Les agents n’ont pas offert aux demandeurs la possibilité de soumettre des documents  manquants (ex. preuve du statut légal d’un membre de la famille). Ils ont plutôt choisi de tout simplement refuser la demande.

En plus, le fait d’obliger des milliers de personnes avec des cas méritoires de déposer une demande CH est non seulement couteux et difficile pour les demandeurs, mais représente un gaspillage de ressources publiques puisque chaque dossier est complexe et nécessite de nombreuses heures d’étude.

Conditions en Haïti

Le gouvernement du Canada conseille ses citoyens de « faire preuve d’une grande prudence » s’ils visitent le pays :

Le taux de criminalité est élevé et la situation en matière de sécurité est imprévisible. Faites preuve d’une grande vigilance, peu importe où vous vous trouvez dans le pays. La criminalité est présente, surtout dans les grands centres comme le centre-ville de Port-au-Prince, où des gangs armés continuent de sévir. On a signalé des meurtres, des enlèvements, des vols à main armée, des cambriolages et des détournements de voitures, même en plein jour. Ne marchez jamais seul et ne vous déplacez pas après la tombée de la nuit. (...)

La population haïtienne en général, sans distinction d’origine sociale, peut être la cible d’enlèvements (....) La plupart des victimes d’enlèvement ont été libérées en échange d’une rançon. Dans certains cas exceptionnels, cependant, les victimes ont disparu ou ont été tuées.

http://voyage.gc.ca/destinations/haiti

Voir également, Amnistie internationale, Haïti : Communication au Comité des droits de l’homme des Nations Unies, octobre 2014, AMR 36/012/2014, https://www.amnesty.org/download/Documents/4000/amr360122014fr.pdf

Recommandations

Le CCR et la TCRI demandent au gouvernement du Canada  :

1) D'établir une procédure de régularisation simple et moins couteuse pour l'octroi de la résidence permanente à toutes les personnes qui sont au Canada depuis trois ans et plus originaires des pays moratoires. 

2) D’ici l’établissement d’un tel programme (et pour les personnes qui ne satisfont pas au critère de résidence de trois ans, si un tel programme est établi), d’assurer que toute demande CH soit examinée d’une manière sensible et humanitaire, notamment :

  • En tenant compte du fait que le demandeur s’est établi avec succès au Québec, si un certificat de sélection du Québec lui a été octroyé.
  • En accordant un poids considérable à l’intérêt supérieur de tout enfant touché.
  • En tenant compte du fait que les renvois vers l’Haïti et le Zimbabwe furent suspendus pendant longtemps (respectivement depuis 2004 et 2002), et que, en conséquence, des ressortissants de ces deux pays se sont établis au Canada à cause des circonstances difficiles dans leurs pays d’origine.
  • En tenant compte du fait que des conditions difficiles perdurent dans les deux pays;
  • En offrant aux demandeurs la possibilité de fournir des documents qui seraient manquants, selon l’agent au dossier.

3) De rouvrir les quatre décisions ci-haut mentionnées et assurer que les dossiers soient révisés en tenant compte des principes ci-haut mentionnés.

Juin 2015