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La citoyenneté à deux vitesses : lettre au premier ministre

Le 10 février 2010

 

Le très honorable Stephen Harper, C.P., député
Premier Ministre du Canada
Édifice Langevin
Ottawa (Ontario)
K1A 0A2

 

Monsieur le Premier Ministre,

Le Conseil canadien pour les réfugiés est de plus en plus préoccupé par le fait que le gouvernement canadien n’offre pas la protection nécessaire ni une protection égale à tous les citoyens canadiens à l’étranger.
 
Les cas de Suaad Hagi Mohamud, une citoyenne canadienne d’origine somalienne bloquée à Nairobi, et d’Abousfian Abdelrazik, dont les droits ont été gravement violés à Khartoum, mettent en évidence le fait que certains citoyens, apparemment pour des motifs de race et de religion, se voient refuser les droits et la protection qui devraient être garantis à tous les citoyens.

Pire encore, il existe des preuves à l’effet que le gouvernement canadien a contribué dans les faits à des atteintes graves aux droits humains de citoyens canadiens. C’est ce qu’a démontré le juge O’Connor, qui a analysé en détail la façon dont les mesures prises par le gouvernement du Canada ont probablement contribué à la détention et à la torture injustifiées de Maher Arar. De même, le juge Iacobucci, dans l’Enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmed Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin, a conclu que les trois hommes ont subi de mauvais traitements comparables à la torture et que leur détention et / ou les sévices qu’ils ont subis résultent indirectement des actions du gouvernement canadien.

Nous ne pouvons manquer de remarquer que les citoyens canadiens à qui le gouvernement n’accorde pas la protection sont majoritairement musulmans et racialisés. Il en résulte une préoccupation concernant l’existence dans les faits d’une citoyenneté à deux vitesses, alors que tous les citoyens ont droit à un traitement égal.

En décembre 2009, le Conseil canadien pour les réfugiés a tenu un atelier sur la question de la citoyenneté à deux vitesses. L’absence d’un conférencier invité a illustré de façon spectaculaire le problème à l’étude. En effet, Abdullah Almalki n’a pu monter à bord du vol Ottawa-Windsor, apparemment en raison de la proximité entre Windsor et la frontière des États-Unis. Ainsi, M. Almalki, dont la trahison à l’étranger par le gouvernement canadien a été démontrée par le juge Iacobucci, continue de se voir refuser la pleine liberté de mouvement, même au Canada.

Nous sommes extrêmement déçus par l’incapacité de votre gouvernement, trois ans plus tard, à mettre en œuvre les recommandations du juge O’Connor dans le cadre la Commission Arar, ou même de publier un rapport sur les progrès quant à ces recommandations. Cette inaction ne fait que renforcer notre inquiétude face à l’absence de volonté de votre gouvernement de veiller à ce que tous les citoyens jouissent d’une protection égale.

Nous vous demandons instamment d’inclure dans le prochain discours du Trône votre engagement à appliquer pleinement les recommandations de la Commission Arar et à mettre en place des politiques, une formation et un mécanisme de surveillance adéquats pour assurer que le gouvernement du Canada offre une protection pleine et égale des droits fondamentaux à tous les citoyens canadiens se trouvant à l’étranger.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute considération.

 

Wanda Yamamoto
Présidente