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Un nombre important de demandeurs mexicains craignent avec raison d’être persécutés, du fait du niveau élevé de violence liée au crime organisé et à la corruption gouvernementale. D’autres ont fui des menaces sérieuses de violence privée (telles que la violence conjugale) contre laquelle l’État ne peut ou ne veut pas les protéger.

Malheureusement, les décisions concernant les demandes d’asile sont inégales et les demandeurs n’ont pas tous accès à une audience équitable. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié refuse régulièrement la protection à des demandeurs en raison du fait que l’État mexicain devrait être capable de les protéger. Cependant, dans de nombreux cas, la police mexicaine et les autres instances gouvernementales n’offrent aucune protection, soit parce qu’ils sont eux-mêmes impuissants, soit parce qu’ils sont complices de l’abus.

La Cour fédérale du Canada a, à plusieurs reprises, renversé des décisions de la Commission où des demandeurs avaient été refusés au motif que l’État mexicain pourrait les protéger ou qu’ils pourraient être en sécurité ailleurs au Mexique.2

Si les Mexicains avaient accès à l’appel sur le fond prévu dans la loi adoptée par le Parlement (mais non mis en œuvre par le gouvernement), plus de ces décisions négatives injustes pourraient être corrigées et un plus grand nombre de réfugiés mexicains recevraient la protection dont ils ont besoin.

 

Juan Manuel (nom fictif) était un chauffeur de bus mexicain, qui avait aussi un petit commerce pour compléter son revenu. En 2003, il a été volé dans son appartement. Il a poursuivi le voleur qui a été intercepté, avec l’aide de voisins, et livré à la police. Il s’est avéré que le voleur était membre d’une famille puissante qui contrôlait une organisation criminelle. Juan Manuel a commencé à recevoir des appels de menaces de la famille du voleur mais, malgré cela, il a courageusement témoigné contre lui.  Le voleur a été condamné à un an et demi de prison.

Juan Manuel a continué à recevoir des menaces (par exemple, les mots « tu es mort » ont été gravés sur la porte de son appartement). Comme la police ne lui offrait aucune protection, il a déménagé avec sa famille dans une autre région du Mexique. Cependant, ses harceleurs ont suivi la trace de la famille de sa femme pour la menacer à son tour, demandant où se trouvait Juan Manuel. Ces hommes ont finalement obtenu l’information recherchée en battant brutalement les beaux-parents de Juan Manuel.

Juan Manuel a décidé qu’il devait fuir le pays pour sauver sa vie. Il a fui au Canada et a fait une demande d’asile.

En septembre 2007, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de Juan Manuel et de sa famille.

Quelques mois après ce refus, sans autres options au Canada, Juan Manuel et sa famille sont retournés au Mexique, en proie à une immense peur.

À peine deux semaines plus tard, alors que Juan Manuel et sa femme marchaient dans la rue, une camionnette s’est arrêtée et deux hommes en sont sortis; Juan Manuel a reconnu l’un d’eux. Ils ont aussitôt battu Juan Manuel, essayant de le faire monter dans le véhicule. Juan Manuel a crié à sa femme de s’enfuir et a tenté de résister pour ne pas être poussé dans la camionnette.

Ses assaillants ont hurlé « tu es [obscénité] mort, tu as cru que nous n’allions pas te retrouver ».

Heureusement, des passants ont répondu aux appels à l’aide de sa femme et ont crié qu’ils appelaient la police. L’un des assaillants, un homme d’environ 25 ans, a sorti un couteau, a poignardé Juan Manuel à l’abdomen puis s’est enfui.

Juan Manuel a été transporté à l’hôpital, où il a subi une chirurgie de douze heures et est demeuré aux soins intensifs pendant 12 jours à cause de la gravité de ses blessures et des complications qu’elles ont entraînées.

Suite à son congé de l’hôpital, sa famille et lui sont retournés au Canada, où ils ont obtenu la permission de rester.

Victoria a fui le Mexique après des années d’abus aux mains de son ex-conjoint, Santiago (noms fictifs).  Avocat, il s’est forgé une réputation de défenseur des pauvres, mais elle avait découvert qu’il était également impliqué dans des affaires malhonnêtes.  Ils ont fini par se séparer, mais Santiago poursuivait une carrière politique et craignait que Victoria n’utilise ce qu’elle savait de ses affaires pour détruire sa réputation.  Pendant plusieurs années, Victoria et ses enfants ont été harcelés, menacés et agressés physiquement; leur maison et le bureau de Victoria ont été vandalisés.  Sa fille a été hospitalisée à deux reprises.  Victoria était incapable d’obtenir la protection de la police ou d’autres autorités – on lui disait que Santiago avait trop de pouvoir politique pour qu’il y ait enquête au sujet de ses plaintes.  Le rapport qu’elle a quand même déposé a « disparu ».  Après le départ de Victoria, Santiago l’a menacée en disant qu’il attendait son retour afin de l’assassiner.

Victoria et ses enfants ont demandé l’asile au Canada.  Ils attendent que leur demande soit entendue.

Vicente (nom fictif) et sa famille ont fui le Mexique afin d’échapper à des menaces à leur vie.

Vicente travaillait pour une compagnie d’assurance, mais il était également actif politiquement au plan local.  Il y a quelques années, il a dénoncé un cas de fraude électorale devant les médias.  Il a par la suite été harcelé et menacé à plusieurs reprises par la police, qui relève du gouverneur de l’État.

Malgré cela, Vicente a poursuivi ses efforts pour faire entendre les intérêts de la communauté et faire tenir aux élus leurs promesses.  Cela l’a mené à une confrontation avec le maire, qui l’a convoqué pour une rencontre.  Il a averti Vicente de ne pas nuire à ses ambitions de devenir gouverneur.  Il a menacé la famille de Vicente : « Je vous ferai disparaître, toi et ta famille, où que vous ailliez, je vous trouverai. »

Peu de temps après, le gouverneur de l’État a prévenu Vicente qu’il causait trop de problèmes : « Si tu poursuis sur cette voie, je suis désolé, mais tu sais ce que tu dois faire parce que tu as une jeune famille ».

Vicente a cherché l’appui de son propre parti, le Partido Acción Nacional, qui est au pouvoir au niveau fédéral.  Celui-ci n’a pas voulu l’aider – pire encore, il a transmis sa plainte aux autorités locales qu’il dénonçait.  Vicente s’est rendu compte que les différents partis politiques sont complices dans le maintien des pratiques corrompues au Mexique.

On dit que le maire qui a menacé Vicente est lié au crime organisé.

Vicente et sa femme ont deux jeunes enfants, une fille de 6 ans et un garçon de 12 ans.

 

Tous les demandeurs mexicains ne viennent pas au Canada par crainte d’être persécutés. Certains sont victimes de manigances frauduleuses : ils paient des sommes importantes à des agents malhonnêtes, persuadés qu’il s’agit d’un programme légitime pour les travailleurs. Nombre de ces personnes retirent leur demande quand elles se rendent compte de la vérité (il y a un taux élevé de demandes retirées chez les Mexicains). Le CCR continue de faire pression sur le gouvernement pour qu’ils agissent pour contrer les cas de fraude dans le pays d’origine.

 


2.Par exemple, 2009 CF 262, Canto Rodriguez v. Canada (MCI) (examen incorrect de la preuve liée à la protection de l’État); 2008 CF 1246, Mejia Ballesteros v. Canada (MCI) (examen incorrect de la preuve liée à la protection de l’État); 2008 CF 1180, Aguilar v. Canada (MCI) (non-examen de preuves objectives liées à la Possibilité de Refuge Intérieur); 2008 CF 1035, Gallo Farias v. Canada (MCI) (constatations sur la protection de l’État trop générales); 2008 CF 1013, Angeles v. Canada (MCI) (conclusion déraisonnable sur la disponibilité de la protection de l’État).