L’arriéré important de demandes dans le système de détermination du statut de réfugié est causé par l’insuffisance de commissaires nommés par le gouvernement pour rendre des décisions.
Depuis quelques années, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a connu un manque significatif de commissaires, ce manque atteignant par moment le tiers de ses effectifs.
La vérificatrice générale, dans son rapport de mars 2009, a exprimé de sérieuses préoccupations quant à l’insuffisance et au roulement important des membres de la Commission. Elle a constaté que :
« Le grand nombre de postes de commissaire vacants à la Commission a considérablement nui à la capacité de cette dernière de traiter les cas en temps opportun. Le nombre de cas non réglés a en effet atteint un niveau exceptionnellement élevé. »1
L’arriéré cause des souffrances énormes aux réfugiés qui sont contraints d’attendre des années avant d’être protégés et d’être capables de continuer leur vie en toute sécurité. Certains réfugiés sont séparés de membres de leur famille immédiate se trouvant à l’étranger – pendant l’attente, il n’y a aucune perspective de réunification familiale, même si leurs proches sont en danger.
Autre facteur contribuant à l’arriéré, le nombre de demandes a augmenté dernièrement. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles plus de personnes font des demandes, mais l’une d’elles est que le gouvernement ait permis l’accumulation de cet arriéré. Le fait que le processus soit long peut inciter les gens à faire une demande au Canada afin de travailler ici pendant quelques années, même s’ils s’attendent à ce que leur demande soit refusée en fin de compte.
Historiquement, le nombre de demandes d’asile augmente et diminue. Quand le nombre augmente, le gouvernement doit nommer des décideurs supplémentaires pour éviter l’accumulation d’un arriéré. Le gouvernement a fait exactement l’inverse, créant un arriéré en ne nommant pas suffisamment de membres.
Le système de désignation des commissaires, par nominations du gouverneur en conseil, n’a jamais bien fonctionné parce que des considérations politiques influent régulièrement et négativement autant sur la qualité que sur le moment des nominations. Le système actuel devrait être remplacé par un système de nomination non-politique fondé sur le mérite.
« Permettre un tel arriéré est un abus de notre système d’asile. Ceci coûtera finalement bien plus cher au contribuable que le traitement des demandes en temps opportun. Cela garantit aussi que des personnes qui ne sont pas des réfugiés demeurent au Canada pour une longue période. » - Dr Catherine Dauvergne, Chaire de recherche du Canada en droit migratoire, Faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique.
Prasant (nom fictif) attend une décision concernant sa demande d’asile depuis près de deux années – il ne connaît même pas encore la date de l’audience. L’attente est d’autant plus pénible que sa femme et ses deux enfants sont en danger au Népal. Prasant ne peut rien faire pour emmener sa famille en sécurité tant et aussi longtemps qu’il n’est pas reconnu réfugié.
Prasant était un homme d’affaires, un travailleur social et un militant politique. Il se décrit comme militant des droits humains et partisan de la démocratie multipartite. Il a fui le Népal parce qu’il était ciblé par les Maoïstes, qui essayaient de le contraindre à se joindre à eux. Lorsqu’il a refusé, ils ont tenté d’extorquer une vaste somme d’argent, qu’il n’a pas payée, par incapacité, mais aussi par principe.
Sa famille est également à risque et a donc dû se séparer : sa femme se cache chez des membres de sa famille, tandis que leurs deux enfants habitent en résidence à leur école secondaire. Sa fille a maintenant 18 ans et termine ses études secondaires : Prasant ne sait pas où elle pourra habiter après avoir quitté l’école. La famille dépend de l’argent que Prasant leur envoie à partir de ce qu’il gagne en travaillant dans une manufacture à Toronto.
Sa femme et ses enfants demandent régulièrement à Prasant « combien de temps encore? » |
Autre facteur contribuant à l’arriéré, le nombre de demandes a augmenté dernièrement. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles plus de personnes font des demandes, mais l’une d’elles est que le gouvernement ait permis l’accumulation de cet arriéré. Le fait que le processus soit long peut inciter les gens à faire une demande au Canada afin de travailler ici pendant quelques années, même s’ils s’attendent à ce que leur demande soit refusée en fin de compte.
Historiquement, le nombre de demandes d’asile augmente et diminue. Quand le nombre augmente, le gouvernement doit nommer des décideurs supplémentaires pour éviter l’accumulation d’un arriéré. Le gouvernement a fait exactement l’inverse, créant un arriéré en ne nommant pas suffisamment de membres.
Le système de désignation des commissaires, par nominations du gouverneur en conseil, n’a jamais bien fonctionné parce que des considérations politiques influent régulièrement et négativement autant sur la qualité que sur le moment des nominations. Le système actuel devrait être remplacé par un système de nomination non-politique fondé sur le mérite.
« C’est difficile de faire ressentir au public ce que les réfugiés vivent pendant cette attente de la date de l’audience ou de la décision. Ils sont nombreux à se décourager en cours de route et à développer des signes de dépression. Certains vont jusqu’à parler d’idées suicidaires. Le jour de l’audience, plusieurs sont mentalement à plat tellement l’attente fut éprouvante. Ils ont vécu dans cette attente infernale de ne pas savoir où ils vont, où ils seront. » Sylvain Thibault, Mission Communautaire de Montréal
Originaire de l’Afrique du Nord Ouest, Papi a fui vers le Canada en 2006, alors qu’il n’avait que 17 ans. Il a passé 27 mois, isolé et angoissé, dans l’attente de l’audience de sa demande d’asile. Il vivait dans la crainte constante d’être déporté. Il ne pouvait poursuivre ses études. Sa famille restée au pays ne comprenait pas. « Mon père me disait que j’avais fait quelque chose de mal au Canada et que c’était pour cela que les choses n’avançaient pas pour moi. Il ne me croyait plus. Je me sentais encore plus seul. » Papi est finalement reconnu réfugié en 2009.
Papi a vérifié son courrier constamment, en attendant des nouvelles sur sa demande. |
Cindy (nom fictif) était dans la mi-vingtaine quand elle a fait une demande du statut de réfugié au Canada à son arrivée en février 2007. Elle a fui le Nigéria parce que sa famille a découvert qu’elle est lesbienne. Sa famille l’a accusée de lui faire honte à cause de son orientation sexuelle et a insisté pour qu’elle se soumette à un processus de « nettoyage ». Son père étant très influent, elle n’a pu trouver la protection ailleurs au Nigéria, un pays où l’homosexualité est illégale.
Plus de deux ans plus tard, Cindy attend encore que sa demande du statut de réfugié soit traitée. Elle avait presque terminé ses études dans le secteur bancaire et financier quand elle a fui le Nigéria, mais elle ne peut retourner aux études ici, tant qu’elle n’est pas acceptée comme réfugiée. En attendant, elle travaille comme agente de sécurité.
Cindy s’est démenée pour venir au Canada et elle travaille pour subvenir à ses besoins. Elle a trouvé un emploi aussi vite que possible après son arrivée. Elle mène sa propre lutte.
Elle attend toujours son audience depuis plus de deux ans. |
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