Le système d’asile britannique, qui a été modifié de nombreuses fois ces dernières années, n’est ni juste ni efficace. La proposition du ministre Kenney de calquer les réformes canadiennes sur le système britannique est peu judicieuse.
Colin Harvey,1 un professeur expert sur le système britannique, explique :
« L’approche britannique des politiques et lois sur l’asile soulève, depuis dix ans, de réelles inquiétudes en terme de droits humains. Il ne s’agit pas d’un modèle à recommander au Canada. Ce modèle de dissuasion et de restriction a nourri un climat et une culture généralisés de méfiance, avec des conséquences négatives pour tous les réfugiés, demandeurs d’asile et migrants. L’équité a été compromise par le désir primordial de réduire le nombre de demandes d’asile. Cette stratégie n’a pas fonctionné même selon ses propres critères et le Canada serait mieux avisé d’avoir l’assurance de continuer à développer un modèle canadien de protection des réfugiés ancré dans les principes humanitaires d’équité, d’efficacité et de respect des droits humains de tous. Ce genre de modèle a les meilleures possibilités d’assurer l’efficience et l’efficacité à long terme. J’espère que le Canada fera preuve de bon sens et ne suivra pas l’exemple britannique dans ce domaine de politique et de loi. » |
De nombreux changements dans le système d’asile britannique ont été faits dans un contexte de reportages médiatiques sensationnalistes, de désinformation massive et de politisation marquée de l’enjeu. Ceci est le pire contexte possible pour faire des changements de politiques mûrement réfléchis; il n’est donc pas surprenant que le système britannique ne fonctionne pas bien.
Les fréquents changements législatifs témoignent des difficultés que le Royaume-Uni a connu à façonner un système qui fonctionne :
1999 : Immigration and Asylum Act
2002 : Nationality, Immigration and Asylum Act
2004 : Immigration and Asylum (Treatment of Claimants, etc.) Act
2006 : Immigration, Asylum and Nationality Act 2006
2007 : UK Borders Act
2008 : Criminal Justice and Immigration Act
2009 : Borders, Citizenship and Immigration Act
De plus, il y a eu de nombreux changements de politiques et de pratiques, y compris l’instauration en 2007 du New Asylum Model (Nouveau modèle d’asile).
« [L]es politiciens au Royaume-Uni ont répondu à un tollé des médias et du public par des lois sur l’asile toujours plus restrictives. Loin d’aider à améliorer le système d’asile, elles ont rendu plus difficile la détermination d’un besoin véritable, menant à un manque de confiance à l’égard du système » Centre for Social Justice2 |
Les problèmes souvent rapportés du système britannique comptent le filtrage injuste des demandeurs vers un processus accéléré, où ils ne peuvent bien présenter leur cas – comme les demandeurs en détention –, l’inadéquation de l’aide juridique et la qualité médiocre de la première décision. De nombreux critiques dénoncent le souci pour le contrôle des entrées, qui prime sur la protection de ceux en ayant besoin et qui a mené à un biais institutionnel contre les demandeurs. 3
« [Nous sommes] soucieux d’apprendre que le Canada pourrait remplacer une prise de décision indépendante par des décisions d’agents d’immigration, calquant certains des éléments les plus contraignants du système d’asile britannique. Si certains aspects de ce système fonctionnent bien, accélérer le processus et préjuger des demandes d’asile, détenir des réfugiés n’ayant commis aucun crime, déporter des personnes vers des pays où elles ne sont pas en sécurité et restreindre l’accès des réfugiés à une audience juste sur leur demande d’asile n’en font pas partie. Le Canada ne devrait pas chercher à imiter des politiques et pratiques britanniques qui ont été condamnées par des organismes internationaux, dont le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, et qui rendent incroyablement difficile que les demandes des réfugiés soient entendues de manière juste ». Gemma Juma, British Refugee Council |
Le dénuement généralisé des demandeurs d’asile refusés est devenu un problème important au Royaume-Uni. Plusieurs d’entre eux ne peuvent quitter le pays parce qu’il n’est pas sécuritaire pour eux de retourner dans leur pays d’origine, mais ils n’ont ni d’aide gouvernementale ni le droit de travailler. Il y a un an, la Croix-Rouge britannique a estimé qu’il y avait au moins 26 000 demandeurs d’asile refusés démunis, vivant de colis alimentaires.4 Il y a un appui du public important à ces personnes en partie à cause du manque de confiance à l’égard du système.
« Durant les dernières années, il y a eu une résistance croissante aux tentatives du gouvernement de déporter les demandeurs refusés. De Manchester, Sheffield, Belfast et Bristol, le ministère de l’Intérieur est bombardé de demandes des citoyens britanniques des quatre coins du pays qui demandent qu’une nouvelle chance soit donnée aux demandeurs d’asile. » Rachel Stevenson et Harriet Grant5 |
Ce problème de dénuement a attiré l’attention du Comité parlementaire mixte sur les droits humains. Dans son rapport de 2007, il a conclu qu’ « en refusant de permettre à la plupart des demandeurs d’asile de travailler et en gérant un système de soutien qui provoque un dénuement généralisé, le traitement des demandeurs d’asile par le gouvernement dans certains cas atteint le seuil du traitement inhumain et dégradant de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. […] Nous avons été convaincus par des preuves que le gouvernement a en effet pratiqué une politique délibérée de dénuement de cette population vulnérable ».6
« ...le traitement des demandeurs d’asile est gravement en deçà des normes attendues d’une société compatissante et civilisée » Independent Asylum Commission7 |