Qui sont les victimes de la traite ?
Les personnes victimes de la traite sont des gens qui sont dans une situation d’exploitation, que ce soit un travail forcé ou une exploitation sexuelle. Les trafiquants utilisent la force, la ruse ou la vulnérabilité des victimes pour les amener et les maintenir dans la situation d’exploitation. Les victimes de la traite ont pu traverser une frontière internationale, bien que ceci ne soit pas toujours le cas. Elles peuvent être des hommes, mais la plupart sont des femmes ou des enfants.

Quelques situations de traite au Canada :

  • Une femme des Philippines entre au Canada comme domestique d’un étudiant international et de sa famille. Au Canada, on ne lui permet pas de sortir de la maison et elle n’est pas rémunérée pour son travail. Elle réussit à entrer en contact avec une organisation communautaire et quitte la famille. Elle est menacée alors de déportation du Canada. L’intervention d’une avocate est nécessaire afin de convaincre un agent d’immigration de suspendre temporairement le renvoi afin qu’elle puisse lancer la  procédure légale de recouvrement de son salaire pour le travail qu’elle a fait pour la famille. Quand l’avocate demande à l’agent d’immigration s’il va prendre des mesures contre l’employeur (c’est-à-dire la personne qui a exploitée de la femme), l’agent répond, “Cela n’est pas mon travail.”
  • Une femme éthiopienne entre au Canada comme domestique d’une famille en visite au Canada. La famille prend son passeport et la garde sous son contrôle strict. Elle réussit à s’échapper et raconte qu’elle a signé un contrat avec un agent dans son pays d’origine afin d’être domestique de la famille. Elle a été sévèrement maltraitée par la famille avant de venir au Canada. Maintenant qu’elle a quitté son employeur, l’agent menace de poursuivre sa famille pour la rupture du contrat.
  • Quatre femmes coréennes et un homme sont arrêtés dans une prétendue maison de prostitution. L’homme est autorisé à rentrer en Corée. Les femmes sont détenues et risquent la déportation. Elles racontent qu’elles sont venues de leur propre gré au Canada, mais c’est difficile de savoir si l’histoire est vraie tant qu’elles ne se sentent pas en sécurité. La loi actuelle d’immigration ne les encouragent pas à parler de leur éventuelle exploitation, parce qu’exploitées ou pas, elles seraient susceptibles d’être détenues et déportées.
  • Un jeune chinois est entré au Canada après un long voyage en compagnie d’un groupe de 15 personnes à travers plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud.  Les circonstances du cas renforçaient les soupçons qu’il s’agisse d’une affaire de trafic ou de traite. C’est sur cette base que le jeune est détenu.  Dans sa décision de le maintenir en détention, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié déclare que :  « On doit se souvenir qu’il est certainement très coûteux pour votre famille de financer l’organisation de ce genre de voyage et, selon toute vraisemblance, votre famille est endettée pour de nombreuses années à venir et je pense que, si j’ordonnais votre libération, vous vous sentiriez obligé de remplir votre part du contrat, pour que votre famille ne perde pas tout cet argent. Je suis également d’avis que l’organisation de passeurs continuera à évoluer dans votre milieu, de manière à vous contrôler et à influencer vos décisions ».  La détention est la seule solution offerte par le gouvernement face à cette menace évidente de contrôle.
 

La  traite et la Loi sur l’immigration et la protection   des réfugiés
  Les seules références à la traite dans la législation   canadienne d’immigration sont dans un contexte d’exécution de la loi.   Des dispositions sont prévues pour poursuivre des trafiquants. Quant à leurs victimes, leur statut les rend simplement plus susceptibles   de peines de détention, parce que c’est un des facteurs à prendre   en considération lors de la décision relative à la détention   (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés,   245 (f)). Dans le cas d’enfants, la loi promeut aussi la détention   des victimes de la traite en incluant dans les éléments particuliers   pour mineurs : « le risque que le mineur demeure sous l’emprise des   passeurs ou des trafiquants qui l’ont amené au Canada » (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, 249 (c)).   La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés n’offre aucune mesure de protection conçue pour les personnes victimes   de la traite. Ils peuvent faire une demande du statut de réfugié,   et certaines personnes ont pu bénéficier de la protection de   cette façon. Cependant, une demande du statut de réfugié   ne fournira pas nécessairement une aide parce que la définition   de réfugié met l’accent sur le risque futur dans le pays d’origine,   plutôt qu’au mal éprouvé au Canada. Les dangers auxquels   sont exposées les victimes de la traite une fois déportées   dans leur pays ne sont pas souvent bien documentés. Le CCR a soulevé   auprès de Citoyenneté et Immigration Canada le besoin de prendre   les mesures de protection urgentes pour les personnes victimes de la traite   mais aucun engagement n’a été pris pour que ce soit fait.

 

Protocole de Palerme
Le Canada est signataire du Protocole pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, complétant la Convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational (également connu comme le Protocole de Palerme). Comme suggéré par son nom, cet instrument considère la traite comme un crime plutôt qu’un problème des droits humains. Dès lors, les victimes de la traite seraient négligées. Néanmoins, le Protocole contient l’Article 6 : l’Assistance et la protection des victimes de la traite des personnes (qui envisage de mettre en œuvre des mesures en vue d’assurer le rétablissement physique, psychologique et social des victimes de la traite des personnes ) et l’Article 7 : le statut des victimes de la traite des personnes dans les États d’accueil ( l’article demande aux États d’envisager l’adoption des mesures qui « permettent aux victimes de la traite des personnes de rester sur son territoire, à titre temporaire ou permanent, lorsqu’il y a lieu.»)

 

Le Canada a des obligations de droits humains envers les victimes de la traite des personnes et des devoirs particuliers envers les enfants, sur la base de la Convention des Droits de l’Enfant.

 

L’entente sur le tiers pays sûr
Les gouvernements du Canada et des États-Unis ont signé une entente sur le tiers pays sûr en décembre 2002 et sa mise en application est actuellement en préparation. L’accord priverait les réfugiés, sauf quelques exceptions, du droit de revendiquer le statut de réfugiés à la frontière des États-Unis avec le Canada. La fermeture de cette porte aux réfugiés va en toute probabilité en jeter quelques-uns entre les mains des passeurs et des trafiquants qui offriront, moyennant un prix, des voies irrégulières et potentiellement dangereuses d’entrer au Canada pour faire leur revendication. Le Comité permanent de la Citoyenneté et de l’Immigration a soulevé ses inquiétudes concernant ce danger dans son rapport sur le tiers pays sûr en décembre 2002.

 

Le projet du CCR sur la traite
Le Conseil canadien pour les réfugiés a lancé son projet en 2003 dans le but de développer la capacité des ONG canadiennes de répondre adéquatement aux besoins des personnes victimes de la traite au Canada, surtout les femmes et les filles, et d’œuvrer pour l’éradication du travail forcé au Canada. Le projet a organisé une série de rencontres, à l’échelle régionale et pan-canadienne, afin de consulter les ONG, de réseauter et d’élaborer des recommandations.  Un rapport, La traite des Femmes et des Filles, Rapport des réunions, a été publié et est disponible au www.ccrweb.ca/trafffr.htm. Depuis lors, le projet a soutenu la poursuite des réunions dans les régions, se fixant comme objectif de faire avancer les recommandations, surtout en ce qui a trait à la sensibilisation du public et à la promotion de mesures de protection des personnes victimes de la traite.

 

25 novembre 2004