Le 6 novembre 2007

 

L’honorable Stockwell Day, C.P., député, Ministre de la sécurité publique
L’honorable Diane Finley, C.P., députée, Ministre de la citoyenneté et de l’immigration
L’honorable Robert Nicholson, C.P., c.r., député, Ministre de la justice et procureur général du Canada
Chambre des communes
Ottawa, ON, K1A 0A6

 

Monsieur le ministre, Madame la ministre,

Nous, soussignés, anciens ministres de l’immigration et procureurs généraux, vous exprimons par la présente notre extrême préoccupation face à l’arrestation de Mme Janet Hinshaw-Thomas, une travailleuse humanitaire accusée d’organisation d’entrée illégale.

L’article 117 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), tel celui qui le précédait, l’article 94 de la Loi sur l’immigration de 1976, fut conçu pour viser les passeurs – les personnes et les organisations criminelles qui tirent profit de l’aide ou de l’encouragement qu’ils donnent à l’organisation d’entrée illégale de personnes au Canada.  Même si la formulation des dispositions de l’actuel article ainsi que de l’article antérieur demeure générale, il a toujours été entendu que cela était nécessaire pour assurer suffisamment de flexibilité pour permettre des poursuites judiciaires contre ceux qui exploitent cruellement le désespoir des autres pour des gains financiers, quels que soient les moyens employés. Par contre, en tant qu’individus personnellement responsables de l’application de ces dispositions, nous sommes en mesure d’attester que ces dispositions n’ont jamais été conçues ni destinées à permettre la poursuite de travailleurs humanitaires.

Il y a une distinction critique à faire entre les organisations criminelles qui tirent d’énormes profits en organisant le passage clandestin au Canada, et les nombreuses organisations d’aide aux réfugiés et toutes les personnes dévouées qui aident ceux et celles qui fuient la persécution et la torture à revendiquer la protection au Canada grâce à notre système de détermination du statut de réfugié. Les passeurs sont la cible légitime de l’article 117, celles-ci ne le sont pas.

L’article 117 (4) de la LIPR, tel l’article 94.3 de la législation précédente, nécessite le consentement du procureur général préalablement à l’engagement de toute poursuite en vertu des dispositions applicables. Nous avons toujours compris l’objectif de cette disposition comme étant une sauvegarde contre le ciblage erroné ou inapproprié d’individus qui, tels Mme Hinshaw-Thomas, ne font qu’aider les demandeurs d’asile à accéder au système spécialement conçu par la loi canadienne pour trancher les demandes d’asile.

L’arrestation de Janet Hinshaw-Thomas suggère que cette sauvegarde s’est avérée inadéquate. Quels que soient les mérites du cas particulier de Mme Hinshaw-Thomas, son arrestation envoie le message fort alarmant qu’il est dorénavant illégal d’aider les demandeurs d’asile à réclamer la protection au Canada.  Ce message est hostile à l’accomplissement des objectifs de la LIPR « de remplir les obligation en droit international du Canada relatives aux réfugiés » et  « de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d’une procédure équitable reflétant les idéaux humanitaires du Canada ».  Des personnes telles Mme Hinshaw-Thomas jouent un rôle vital pour assurer que le Canada se conforme à ses obligations internationales en matière de droits humains, y compris celles concernant la protection des réfugiés. 

Afin d’assurer que les demandeurs d’asile continuent à recevoir l’aide dont ils ont besoin et qui est leur droit, nous exhortons le gouvernement du Canada à faire en sorte que ceux et celles qui, agissant pour des motifs humanitaires, aident les demandeurs d’asile à accéder au système canadien de détermination du statut de réfugié, ne seront pas accusés d’inciter, d’aider, d’encourager ou autrement d’ « organiser l’entrée illégale » au sens de l’article 117 de la LIPR.  Des changements législatifs et réglementaires appropriés doivent être adoptés à cet effet.

En tant qu’anciens ministres de l’immigration et procureurs généraux, nous sommes fiers de l’engagement de longue date du Canada envers nos obligations internationales et notre réputation enviable dans le domaine de la protection des réfugiés. Il est notre vœu le plus cher que le gouvernement actuel agisse au plus vite afin d’effacer cette tache à notre réputation avant qu’elle ne devienne ineffaçable.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération respectueuse.

 

L’hon. Lloyd Axworthy, C.P., O.C., O.M., B.A., M.A., Ph.D.
Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, 1980.03.03 - 1983.08.11 et 1993.11.04 - 1996.01.24

L’hon. Elinor Caplan, C.P.
Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 1999.08.03 - 2002.01.14

Le très hon. Charles Joseph (Joe) Clark, C.P., C.C., A.O.E., B.A., M.A., LL.D.
Ministre de la Justice et Procureur général du Canada (par intérim), 1988.12.08 - 1989.01.29

L’hon. Irwin Cotler, C.P., O.C., B.A., B.C.L., LL.M., LL.D., Ph.D.
Ministre de la Justice et Procureur général du Canada, 2003.12.12 - 2006.02.06

L’hon. Flora Isabel MacDonald, C.P., C.C., O.Ont.
Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1984.09.17 - 1986.06.29)

L’hon. Allan Rock, C.P., LL.B.
Ministre de la Justice et Procureur général du Canada, 1993.11.04 - 1997.06.10