L’article 15 – Le droit à l’égalité

La discrimination sur le motif de la citoyenneté – Les non-citoyens, incluant les non-citoyens racisés, ont historiquement été désavantagés et vulnérables, tel que l’ont reconnu les tribunaux.  Les non-citoyens ont été particulièrement susceptibles d’être victimes de mesures représsives pendant les périodes d’insécurité.  Les dispositions relatives aux certificats de sécurité dans la loi d’immigration, caractérisées par leurs faibles normes en matière de procédure, s’appliquent uniquement aux non-citoyens.  Cette distinction entre les citoyens et les non-citoyens ne peut être justifiée dans la réponse aux menaces à la sécurité. 

Si les non-citoyens n’ont pas le même droit que les citoyens d’entrer et de demeurer au Canada, ils jouissent d’autres droits garantis par la Charte, dont le droit à une procédure juste face à une menace à leur vie, à leur liberté ou à la sécurité de leur personne. 

L’application des mesures de certificats de sécurité est discriminatoire
Les certificats de sécurité sont utilisés dans un contexte où dominent des stéreotypes au sujet de certains groupes religieux et racisés, notamment les musulmans et les Arabes.  Par conséquent, il y a un impact démesuré sur les Arabes et les musulmans et l’utilisation des certificats perpétue les stéreotypes.  Les appelants sont tous les trois des Arabes musulmans.

L’application du prisme de l’égalité aux autres droits garantis par la Charte
L’analyse des autres droits garantis par la Charte doit se faire à travers le prisme de l’égalité.  On s’assure ainsi que les mêmes lois s’appliquent à tout le monde et que la réalité du racisme au Canada est prise en compte.

L’article 7 – Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne : on ne peut être privé de ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale

La justice fondamentale demande des procédures équitables.  Le type de procédures exigées doit prendre en compte les conséquences éventuelles d’être asujetti à un certificat de sécurité, dont la détention prolongée et la menace de déportation vers un risque de torture.

Le droit à la justice fondamentale doit être appliquée de façon non-discriminatoire et en respectant le droit international en matière de droits humains.  Ceci signifie la prise en compte de la réalité des stéreotypes raciaux. 

L’article 12 – Le droit à la protection contre tout traitement ou peine cruel et inusité

Les dispositions relatives à la détention dans le cadre des certificats de sécurité imposent un traitement exagérément disproportionné, en contravention de l’article 12.  Les mesures imposent à une minorité désavantagée et vulnérable une détention prolongée, parfois en isolement, de durée indefinie.  Ceux qui subissent cette détention n’ont pas été condamné de quelque crime que ce soit.

L’article 1 – Les droits restreints uniquement dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique

Les responsables de l’application de la loi devraient privilégier le recours au droit criminel comme réponse aux préoccupations liées à la sécurité nationale. Les violations des droits imposées par l’utilisation des certificats de sécurité ne peuvent être justifiées.  Les atteintes aux droits ne sont pas raisonnablement liées à l’objectif de la protection de la sécurité : la portée de la loi est si large que les certificats peuvent être émis même dans les cas où il n’y a aucune allégation de menace à la sécurité.  Lorsqu’il y a un risque, la sévérité des atteintes aux droits est disproportionnée par rapport à la gravité du risque.  Il n’est pas raisonnable de viser uniquement les non-citoyens lorsque les citoyens peuvent également représenter une menace à la sécurité.

Solutions de rechange
Il existent des solutions de rechange viables aux certificats de sécurité à la disposition du gouvernement :

  • Les poursuites criminelles

Le Code criminel comporte un large éventail d’infractions, dont une série de crimes incomplets (tels les menaces et les conspirations) et des crimes commis à l’extérieur du Canada.  La Loi antiterroriste a ajouté en 2001 des éléments supplémentaires de prévention.  Les poursuites criminelles offrent de bien meilleures protections des droits individuels que les certificats de sécurité, incluant le droit par présomption à la libération, la norme de la preuve « hors de tout doute raisonnable » et le droit d’appel.  Enfin et surtout, le droit de l’accusé à un procès juste limite strictement l’utilisation des preuves non divulguées.

Le recours principal aux mesures d’immigration plutôt qu’aux poursuites pour répondre aux  suspicions de terrorisme fait en sorte que le Canada manque à ses obligations internationales et ne poursuit pas une stratégie raisonnable étant donné la nature mondiale des menaces à la sécurité. 

  • L’avocat spécial « plus » pour les procédures de sécurité dans le domaine de l’immigration

Si on maintient des procédures d’immigration pour répondre aux préoccupations relatives à la sécurité nationale, de telles procédures devraient être strictement limitées aux cas impliquant des allégations de menaces réelles aux intérêts canadiens en matière de sécurité nationale et devraient être conçues afin de concorder avec la justice naturelle, les exigences de la Charteet le droit international.

De tels mécanismes devraient inclure cinq éléments clé : (i) l’interdiction d’utiliser des procédures ex parte et à huis clos, sauf dans les circonstances où le gouvernement a clairement démontré un intérêt légitime relatif à la sécurité nationale; (ii) le droit à une représentation juridique efficace incluant des mesures, adaptées soigneusement au cas par cas, pour assurer la plus grande protection possible du droit du client à répondre aux preuves du gouvernement; (iii) le remplacement de la norme actuelle de « motifs raisonnables de croire » utilisée dans les certificats de sécurité par une norme plus rigoreuse qui est l’équivalent de la norme civile de la prépondérance de la preuve; (iv) la présomption de libération avec des limites claires sur l’utilisation et la durée de la détention; et (v) l’accès au contrôle judiciaire et le droit d’appel supplémentaire conformément aux règles générales pour le contrôle judiciaire dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

En ce qui concerne la représentation juridique, les procédures d’avocat spécial utilisées au Royaume-Uni ont été largement critiquées. Une fois que les avocats spéciaux ont étudié les informations privilégiées, ils ne peuvent plus communiquer avec la personne concernée, ce qui limite la capacité de la personne de contester de façon efficace la preuve gouvernementale.  Il existe d’autres modèles, tels les procédures adoptées dans les règles de la Cour fédérale et dans le procès récent « Air India » qui suggèrent que le modèle d’ « avocat spécial plus » peut être conçu de façon à permettre à l’avocat de l’individu d’étudier les informations privilégiées sur la base d’un engagement de ne pas les divulguer au client ni à personne d’autre.