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Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
 
 
 


 
 
 
 

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Observations sur le document

Au-delà des chiffres : l’immigration de demain au Canada
Rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation sur l’immigration

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UNOFFICIAL TRANSLATION

Mars 1998
 
 

INTRODUCTION

L’Office du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) apprécie beaucoup l’occasion qui lui est donnée de commenter le rapport du Groupe Consultatif sur la révision de la législation de l’immigration, Au-delà des chiffres : l’immigration de demain au Canada. La ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable Lucienne Robillard, avait mandaté le groupe consultatif pour qu’il entreprenne une étude indépendante de la Loi sur l’immigration du Canada. Le HCR n’ignore pas que les points de vue et recommandations formulés dans le rapport n’engagent que le Groupe Consultatif et ne reflètent pas nécessairement ceux de la Ministre ni du Gouvernement Canadien. Il n’en reste pas moins que ce rapport servira de référence pour le gouvernement, lequel s’apprête à examiner et à évaluer les lois, institutions et politiques régissant l’immigration au Canada, y compris la protection des réfugiés.

Le HCR apprécie que l’on ait sollicité ses commentaires si tôt dans le processus de révision législative. Le Haut Commissaire a été mandaté par l’Assemblée Générale des Nations Unies pour assurer la protection internationale des réfugiés et aider les gouvernements à définir et à mettre en œuvre des solutions durables pour ces personnes. Le Canada est signataire de la Convention relatifs au statut des réfugiés adoptés en 1951 et du Protocole de 1967. En vertue de la Convention de 1951, les États signataires s’engagent à collaborer avec le HCR dans l’exercice de ses fonctions et à faciliter sa tâche de surveillance de l’application des dispositions de la Convention et du Protocole. Le Canada se conforme à cet engagement en donnant au HCR l’occasion d’exprimer son point de vue sur le rapport du Groupe Consultatif, et confirme ainsi la coopération indéfectible dont il a toujours honoré le Haut Commissaire sur les questions relatives à la protection des réfugiés partout dans le monde.
 
 

OBSERVATIONS

La Ministre a demandé au Groupe Consultatif d’examiner l’ensemble des objectifs d’immigration du Canada et les lois et politiques conçues pour les réaliser. Les recommandations du Groupe Consultatif concernent à peu près tous les aspects de la Loi sur l’immigration et proposent une réforme en profondeur du régime de protection des réfugiés au Canada. L’intérêt du HCR pour cette révision résulte du mandat du Haut Commissaire: seuls sont examinés les aspects du rapport qui concernent les réfugiés directement ou indirectement. Dans les pages qui suivent, nous étudions les recommandations du Groupe Consultatif en relation avec les normes internationales de protection et les " pratiques optimales " suivies par les États et le HCR dans le monde.

En premier lieu, le HCR tient à relever les nombreux aspects positifs du rapport. En particulier, le HCR souscrit au postulat de base du Groupe Consultatif selon lequel la protection et l’immigration sont deux questions distinctes devant être régies par des règles différentes. Le HCR partage en outre la préoccupation du gouvernement concernant les ressources affectées à la protection des réfugiés et qui doivent être investies dans l’adoption de mécanismes à la fois justes et efficients, tout en réduisant les abus au minimum. Il importe toutefois de noter que le système canadien, par ses ressources, les compétences réunies et ses préoccupations humanitaires, est internationalement reconnu comme un modèle à suivre.

Les observations détaillées du HCR sont présentées dans l’ordre où les recommandations du Groupe Consultatif s’appliqueraient au cas d’un réfugié qui demande protection au Canada : 1)  accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, 2) traitement en attendant la reconnaissance du statut; 3) procédure de détermination du statut, 4) critères de protection, 5) recours en cas de refus, 6) statut et droits des réfugiés reconnus. (On trouvera en annexe des renvois aux recommandations spécifiques du Groupe Consultatif.) Nous examinerons enfin le rôle du HCR dans le système canadien de reconnaissance du statut de réfugié.

1. ACCÈS À LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU STATUT DE RÉFUGIÉ

L’accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié est une question essentielle au bon fonctionnement du régime international de protection des réfugiés. Bien que la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 ne traitent pas expressément de cette question, la nécessité d’établir une procédure nationale de reconnaissance du statut de réfugié découle des fondements du régime de droit international applicable aux réfugiés : la définition du  réfugié; l’obligation de n’expulser ni de refouler des réfugiés à la frontière d’un territoire où leur vie ou leur liberté seraient en danger, le statut et les droits qui devraient être reconnus aux réfugiés sur le territoire d’un État contractant. Le HCR encourage chaque État à analyser attentivement ses modalités de reconnaissance du statut de réfugié dans le but d’éliminer, autant que possible, tout obstacle pratique ou formel pouvant nuire à une personne en quête d’asile.

a. Sanctions contre les transporteurs

Le Groupe Consultatif recommande que les compagnies de transport continuent d’être responsables des coûts associés à la détention et au renvoi des voyageurs insuffisamment documentés qu’ils amènent au Canada (recommandations 147 et 148). Sans nier la gravité de l’usage de faux ni les problèmes que connaissent les États dans la lutte contre les migrations illégales, le HCR tient à souligner que, tout comme les immigrants illégaux les réfugiés sont souvent en possession de faux documents, quand ils ne sont pas sans papiers. Le HCR estime par conséquent qu’une compagnie ayant transporté un demandeur d’asile dont le droit au statut de réfugié semble justifié, du moins a priori, devrait être exemptée de ce genre de sanction.

b. Délais de déclaration et de dépôt des demandes

Afin d’assurer le traitement rapide des revendications, le Groupe Consultatif recommande que les requérants disposent d’un délai strict pour se présenter à l’Agence de Protection (trois jours) et pour présenter leur demande de protection (dix jours). (recommandation 101). Le HCR reconnaît que les États ont un intérêt légitime à renforcer le processus de reconnaissance du statut de réfugié et à prendre les dispositions propres à s’assurer que les décisions sont prises sans retard indu. L’intérêt du réfugié l’exige aussi. Le HCR estime toutefois que les délais proposés seraient insuffisants en pratique et qu’il convient de s’interroger sur les effets qu’ils pourraient avoir sur les demandeurs d’asile.

Les conséquences pour les requérants qui ne respectent pas ces délais ne sont pas précisées, encore que le Groupe Consultatif prévoit une prolongation en cas de changement de circonstances (recommandation 101). Le HCR recommande que les règles de procédure autorisent les décideurs à s’en remettre à leur jugement pour décider si un demandeur d’asile a des motifs raisonnables qui justifient le retard du dépôt de la demande. De plus les délais n’altèrent pas l’obligation fondamentale de non-refoulement stipulée par la Convention de 1951. Le Comité Exécutif du HCR a d’ailleurs indiqué que le fait de ne pas présenter une demande dans des limites déterminées" ne doit pas avoir pour conséquence le refus d'examen de la demande ". Conclusions du Comité Exécutif du Programme du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés sur la Protection Internationale des Réfugiés n° 15 (XXX) (1979) [" Conclusions du Comité exécutif "].

Le HCR souhaite souligner que la préparation et la présentation d’une revendication au statut de réfugié peut exiger plus de temps que les délais proposés. Il est possible qu’un demandeur d’asile ne soit pas informé de ces délais ou ne soit pas en mesure d’y satisfaire pour des motifs légitimes, y compris le manque d’information et les barrières linguistiques. Les requérants doivent également avoir le temps de préparer leur dossier: notamment pour obtenir des documents qui leur seront envoyés avec toute la discretion possible depuis leur pays d’origine. Par ailleurs, une personne ayant survécu à la persécution des autorités gouvernementales peut continuer d’entretenir dans les jours qui suivent sa fuite des sentiments de crainte ou de méfiance à l’égard de tout représentant étatique. Notons en particulier que les personnes qui ont été soumises à la torture ou à des sévices sexuels à répétition ne sont pas prêtes, psychologiquement et émotivement, à rendre compte de leurs traumatismes à des étrangers dans un cadre officiel et sans aide professionnelle appropriée. Or, les témoignages de persécution survenant après une déclaration initiale risquent d’être écartés pour manque de crédibilité.

Enfin, le HCR tient à signaler que si les délais recommandés par le Groupe Consultatif commencent à courir dès l’arrivée du requérant au Canada, les revendications fondée sur un événement survenu après l’arrivée au Canada pourraient ne pas être considérées (cas du réfugié " sur place ").

c. Fourniture de toutes " les facilités nécessaires "

Le Groupe Consultatif recommande que " [s]ur présentation d’une demande complétée en bonne et due forme, le requérant devrait avoir accès aux ONG, à des services juridiques et à des interprètes compétents. De l’aide devrait aussi lui être fournie pour trouver un gîte, subir des examens médicaux et faire une demande d’aide sociale " (page 92). Les raisons pour lesquelles le Groupe Consultatif propose que l’accès à des services aussi essentiels soit reporté à un moment ultérieur à la présentation de la demande ne sont pas claires. La reconnaissance du statut de réfugié est subordonnée à une enquête approfondie portant sur des éléments de droit et de fait. La plupart des requérants ont besoin de l’aide d’un avocat ou d’une personne spécialisée en droit des réfugiés pour préparer leur demande, surtout dans un pays ou le système judiciaire est aussi complexe. Le Comité Exécutif du HCR a d’ailleurs exhorté les États à fournir au demandeur d’asile " les indications nécessaires quant à la procédure à suivre " et " les facilités nécessaires, y compris les services d'un interprète compétent, pour présenter son cas aux autorités intéressées " (Conclusions du Comité Exécutif n° 8 (XXVIII) (1977)). Ailleurs, le Groupe Consultatif recommande que au point d’entré des services d’aide suffisants soient mis à la disposition des demandeurs d’une protection au Canada (recommandation 102). Le HCR

recommanderait en effet que cette aide soit accordé sans délai, afin d’aider les demandeurs d’asile à préparer leur demande. Naturellement, les requérants devraient également avoir la possibilité de communiquer avec le HCR.

d. " Pays Tiers Sûr "

Le Groupe consultatif recommande que le principe du " Pays Tiers Sûr " prévu dans la Loi sur l’immigration soit appliqué par règlement, afin d’éviter que le Canada devienne le " havre " commun des demandeurs d’asile dont les efforts pour se faire reconnaître comme réfugiés dans un autre pays ont échoué (recommandations 95 et 96). Pour sa part, le Comité Exécutif recommande aux États " de tenir compte, dans toute la mesure possible, des intentions de l’intéressé touchant le pays où il souhaite demander asile " (Conclusions du Comité Exécutif n°15 (XXX) (1979)). Le HCR estime qu’un État peut néanmoins légitimement établir des mécanismes visant à répartir la responsabilité de l’examen des revendications, à condition que les modalités prévues comprennent des garanties adéquates.

La préoccupation première du HCR est que les réfugiés reçoivent une protection quelque part et que le principe du partage des responsabilités ne se traduise pas directement ou indirectement par un refoulement. Dans son rapport, les critères que recommande le Groupe Consultatif pour l’établissement de la liste des pays " sûrs " concordent grosso modo avec ceux du HCR, y compris :

- le respect, par le pays concerné, des instruments internationaux de protection des réfugiés et, en particulier, le principe du non-refoulement,

- le respect, par le pays concerné, des instruments internationaux et régionaux de protection des droits de la personne,

- La permission donnée au demandeur d’asile d’entrer sur le territoire de pays concerné et de rester sur place pendant que le fond de sa revendication est à l’étude,

- L’adhésion, par le pays concerné, aux normes reconnues de protection des droits élémentaires de la personne en ce qui concerne le traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés, et surtout,

- que le pays concerné soit disposé, en pratique, à accepter les demandeurs d’asile qui lui sont renvoyés, à étudier leur revendication avec équité et à leur assurer une protection adéquate et efficace.

Un État qui renvoit un demandeur d’asile vers un " Pays Tiers Sûr " doit également informer ce pays des motifs de son geste afin de s’assurer que la demande d’asile recevra toute l’attention voulue. Le HCR est d’accord avec le Groupe Consultatif pour reconnaitre que la conclusion d’ententes officielles entre États pourrait s’avérer nécessaire afin de veiller à ce que l’application des dispositions concernant le " Pays Tiers Sûr " respecte les principes de la protection internationale. Le HCR recommande avec insistance que l’on envisage d’intégrer officiellement ces garanties dans tout règlement adopté pour mettre en œuvre les dispositions de la Loi sur l’immigration concernant les " Pays Tiers Sûrs ".

e. Admissibilité à la procédure de reconnaissance du statut

Le Groupe Consultatif recommande que l’Agence de Protection soit chargée sans délai de toutes les demandes de protection (recommandation 97). Il appartiendrait à un agent de protection de déterminer si une personne est admissible à la procédure de reconnaissance, sauf si le demandeur arrive d’un " Pays Tiers Sûr " ou arrive au Canada moins d’un an après s’être vu refuser une demande d’asile. Comme nous l’examinerons plus loin, le HCR recommande que l’Agence de Protection proposée soit également compétente dans les cas où un requérant, dont la demande a déjà été refusée, veut présenter une nouvelle revendication en s’appuyant sur des informations nouvelles ou sur des développements plus récents dans le pays d’origine.

Le HCR reconnait que l’agence responsable de la reconnaissance du statut de réfugié est la mieux indiquée pour statuer sur ces questions. Selon la Loi sur l’immigration en vigeur, une demande peut être jugée irrecevable, si l’on a des " motifs raisonnables de croire " qu’une personne a commis des actes criminels graves hors du Canada, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. De même, la Convention de 1951 soustrait à sa protection les personnes  " dont on aura de sérieuses raisons de penser " qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées, ou qui sont coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Les clauses d’exclusion de la Convention de 1951 renvoient à des situations très sérieuses, et ce genre de problème devrait être systématiquement examiné par des personnes qui disposent de l’expertise nécessaire en droit des réfugiés.

i) La place de l’exclusion dans la procédure de reconnaissance du statut

Le HCR suggère que l’on intègre au processus même de reconnaissance du statut certains aspects actuellement traités comme des questions d’admissibilité. L’exclusion est la sanction la plus sévère en droit international des réfugiés. Comme toute exception en matière de droits de la personne, les règles d’exclusion doivent être interpretées de manière restrictive en raison des possibles conséquences graves de leur application éventuelle. Le HCR estime qu’en étudiant l’éventualité de l’exclusion pendant la reconnaissance du statut de réfugié et non pendant l’enquête de présélection, on permet au décideur d’évaluer de façon appropriée tous les facteurs pertinents, y compris les circonstances atténuantes. En ce qui concerne l’exclusion pour criminalité, par exemple, le HCR a déjà stipulé ce qui suit :
 

[I]l est également nécessaire de peser le pour et le contre, de tenir compte à la fois de la nature de l'infraction que le demandeur du statut de réfugié est présumé avoir commise et du degré de la persécution qu'il redoute. Si une personne craint avec raison de très graves persécutions, par exemple des persécutions qui mettent en danger sa vie ou sa liberté, le crime en question doit être très grave pour que la clause d'exclusion lui soit applicable. (HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié 37 (édition de 1992) (" Guide du HCR ")) Un demandeur d’asile doit avoir toutes les chances d’expliquer de manière approfondie les motifs de sa revendication. Le HCR estime que le meilleur moyen de respecter les obligations de justice et d’application régulière de la loi consiste à appliquer les clauses d’inclusion de la Convention de 1951 (définition de " réfugié ") avant les clauses d’exclusion.

ii) Critères d’admissibilité à la reconnaissance du statut

Le Groupe Consultatif préconise le maintien des critères d’admissibilité énoncés dans la Loi sur l’immigration (page 90). En sus de l’intégration de certains aspects de la question de l’admissibilité au processus de reconnaissance du statut de réfugié, le HCR suggère que l’on précise certains critères d’admissibilité qui entrent en conflit avec la doctrine internationale généralement reconnue en matière d’exclusion. Par exemple, selon la Loi sur l’immigration actuelle, une personne qui a été haut fonctionnaire au service d’un gouvernement ayant pratiqué le terrorisme ou commis des violations graves ou répétées des droits de la personne, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ne peut se faire reconnaître comme réfugiée. Le HCR admet qu’un haut fonctionnaire ayant servi un régime représsif doit être exclu s’il a été personnellement l’agent ou le complice de certains actes. Cependant, l’exclusion doit se fonder sur les actes qui peuvent être attrribués individuellement à ’une personne et non pas seulement sur son titre ou sur la notion de " culpabilité par association ". Le HCR émet des réserves similaires au sujet des dispositions qui excluent d’emblée les membres d’organisations terroristes, rappelant que la seule appartenance à un organisme de ce genre ne devrait pas constituer un facteur décisif ou suffisant pour refuser à une personne le statut de réfugié. Le HCR tient d’ailleurs à souligner l’absence de consensus international sur la définition du " terrorisme " ou sur les critères permettant de qualifier une organisation de " terroriste ". Tout en appuyant les efforts du Canada visant à identifier et à exclure les criminels de guerre et les autres personnes qui ne méritent pas la protection internationale, le HCR estime que les dispositions législatives régissant l’exclusion doivent s’appuyer sur le principe de la responsabilité individuelle.

iii) Norme de preuve applicable

Le HCR estime que le processus de révision donne au Canada l’occasion d’harmoniser les normes de preuve contenues dans la Loi sur l’immigration avec celles de la Convention de 1951. Si la différence entre des " motifs raisonnables de croire " et des " raisons sérieuses de penser " peut sembler faible à priori, le HCR préférerait que les termes de la Convention de 1951 soient utilisés, afin de prévenir toute argumentation ou tout raisonnement qui impliquerait que les normes de preuve applicables au Canada sont moins rigoureuses ou différentes de celles de la Convention.

iv) Danger public

Le Groupe Consultatif propose que la reconnaissance de l’inadmissibilité pour crime demeure un processus en deux temps: l’Agence de Protection proposée devrait d’abord identifier des motifs raisonnables de croire que la personne a commis un crime grave aux termes de la Loi sur l’immigration; après quoi le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration devrait étre d’avis que la personne en question " constitue un danger public au Canada ". Le Groupe Consultatif recommande que les critères sur lesquels doit s’appuyer l’opinion du ministre à ce propos soient fixés par règlement et non, comme c’est le cas actuellement, par un mémoire administratif (recommandation 164). Le HCR appuie cette recommandation en vue d’améliorer la transparence des critères applicables.

v) Recours

Comme il a déjà été mentionné, le HCR estime que certains éléments importants du processus actuel d’évaluation de l’admissibilité devraient être intégrés au processus de reconnaissance du statut de réfugié. Toutefois, si l’évaluation de l’admissibilité demeure une étape distincte, le HCR est d’avis que les demandeurs d’asile déclarés non admissibles au processus de reconnaissance bénéficient d’un recours, compte tenu des graves conséquences que peut entraîner une erreur.

vi) Inadmissibilité en cas de refus antérieur

Dans sa version actuelle, la Loi sur l’immigration prévoit qu’une personne dont la revendication du statut de réfugié a été jugée irrecevable depuis sa dernière venue au Canada ne peut présenter une nouvelle demande. De plus, un demandeur d’asile dont la revendication a été rejetée et qui revient au Canada - si un délai de quatre vingt dix jours ne s’est pas écoulé - ne peut présenter une nouvelle demande. Le Groupe Consultatif recommande que ce délai soit d’un an (recommandation 98). Le HCR est sensible au fardeau que représentent les demandes répétées; cependant, il faudrait que les critères d’accès au processus de reconnaissance soient assez souples pour autoriser la révision d’une demande si des événements ou des renseignements récents lui donnent plus de pertinence, comme dans le cas des " réfugiés sur place ". L’évaluation de la signification d’événements ou de faits postérieurs à une demande nécessite une compétence en droit des réfugiés. Aussi le HCR recommande-t-il qu’un demandeur d’asile qui présente une nouvelle revendication après un refus, mais en invoquant des faits nouveaux, soit dirigé vers l’agence chargée de la reconnaissance du statut de réfugié.

2. TRAITEMENT EN ATTENDANT LA RECONNAISSANCE DU STATUT

Un demandeur d’asile doit être traité de telle sorte que sa dignité et ses droits élémentaires soient respectés. Et surtout, comme le Comité Exécutif du HCR l’a précisé, un demandeur d’asile doit être protégé contre un retour involontaire à une situation de danger ou contre un refoulement (Conclusions du Comité Exécutif n° 6 (XXVIII) (1977)).
 

a. Statut provisoire

Le Groupe Consultatif recommande que l’on octroie un " statut provisoire " aux demandeurs d’asile en attendant la reconnaissance de leur statut de réfugié (recommandations 103 et 121). Le HCR relève avec satisfaction que les personnes jouissant d’un statut provisoire auraient le droit de travailler et de bénéficier d’autres avantages sociaux. Le HCR adhère à l’idée selon laquelle un demandeur d’asile doit, autant que possible, avoir accès à un gîte, à des soins de santé, à l’instruction pour ses enfants (du moins au niveau élémentaire) et à des moyens lui permettant de répondre à ses besoins essentiels, que ce soit grâce à une aide extérieure ou par son propre travail s’il est apte à travailler. Il semble bien que le statut provisoire proposé par le Groupe Consultatif permettrait aux demandeurs d’asile de satisfaire leurs besoins élémentaires, voire de jouir d’une certaine autonomie pendant que l’on statue sur leur cas.

b. Conditions du statut provisoire

Le Groupe Consultatif recommande que l’octroi du statut provisoire soit lié à plusieurs conditions obligatoires (recommandation 122). Le HCR est d’accord avec le principe selon lequel un État peut légitimement tenir à ce qu’un demandeur d’asile collabore, en se soumettant aux modalités établies pour la reconnaissance du statut de réfugié et aux exigences définies pour protéger des intérêts importants de l’Etat, comme la sécurité et la santé publiques. Toutefois, les conditions obligatoires préconisées par le Groupe Consultatif comprennent le respect de délais trés courts, accordés pour la déclaration et le dépôt de la revendication. De plus, le statut provisoire serait refusé à une personne qui est susceptible de représenter un danger public, qui risque de ne pas se présenter pour son renvoi ou qui ne collabore pas avec les autorités en vue d’obtenir les documents qui permettraient son départ du Canada en cas de besoin.

Le Groupe Consultatif précise qu’une personne qui n’a ni un statut provisoire ni un " statut déterminé " (ex. : statut de protection temporaire, statut d’immigrant reçu) n’aurait aucun statut (page 105). Or, une personne sans statut serait exposée " à l’arrestation, à la détention et au renvoi " (recommandation 120). La portée et l’intention de cette recommandation ne sont pas précisées. Le HCR souhaiterait que l’on prenne les mesures nécessaires pour qu’un demandeur d’asile jugé inadmissible au statut provisoire ne soit pas exposé à un renvoi ou à un refoulement sans avoir accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié.

c. Condition de collaboration

Le Groupe Consultatif recommande en outre que le statut provisoire soit accordé à un demandeur d’asile à condition que celui-ci coopère " en fournissant des pièces d’identité et/ou en faisant une demande de documents aux autorités appropriées pour pouvoir retourner dans un pays d’où il est venu au Canada ou dans un autre pays " (page 105). Le but de cette exigence est de faciliter le départ ou le renvoi éventuel du requérant dans un autre pays (recommandation 122). Par définition, un réfugié est une personne qui craint, à juste titre, la persécution et " qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection " de son pays d’origine ou du dernier État où il a résidé. Par conséquent, il est essentiel qu’un demandeur d’asile ne soit pas contraint de s’adresser aux autorités de son pays d’origine ou d’un autre pays dont il dit craindre la persécution, directement ou indirectement, en attendant que l’on statue sur son cas.

Sur le plan pratique, le HCR est préoccupé par le fait qu’une demande de titre de voyage, qui sera apparemment présentée par le gouvernement au nom du demandeur d’asile, risque d’indiquer aux autorités du pays d’origine que la personne en question demande un statut de réfugié au Canada. Cette information peut entraîner des conséquences graves pour les membres de la famille et les proches du requérant qui sont restés dans le pays d’origine. En effet, les membres de la famille d’une personne admise comme réfugiée à l’étranger sont souvent victimes de pressions et d’abus ayant pour but de provoquer le retour ou le silence du réfugié. C’est pourquoi les demandeurs d’asile dont les craintes sont les plus fondées seront justement ceux qui seront le moins susceptibles de coopérer. Le HCR recommande vivement qu’un demandeur d’asile ne soit pas obligé de s’adresser aux autorités d’un État dont il dit craindre la persécution tant que sa revendication n’a pas été définitivement rejetée.
 
 

d. Antécédents criminels et risques de sécurité

Le Groupe Consultatif recommande que des vérifications obligatoires d’antécédents criminels et de risques à la securité soient effectuées dès l’arrivée au Canada des demandeurs d’asile (recommandation 99). Le HCR comprend et appuie les efforts du Canada visant à s’assurer que les personnes susceptibles d’exclusion, comme les criminels de guerre, ne bénéficient pas de la protection internationale. Toutefois, les vérifications d’antécédents criminels et de risques à la sécurité peuvent nécessiter des contacts entre les responsables canadiens de la diplomatie et de la sécurité et leurs homologues du pays d’origine. Comme nous l’avons mentionné plus haut, ce genre de contact informe ces derniers de la présence du requérant au Canada et peut compromettre la sécurité des proches et des parents restés au pays. Pour éviter ce genre de problème, le HCR recommande que l’on renonce à communiquer toute information concernant un demandeur individuel ou à présenter des demandes particulières auprès des autorités d’un pays dont le demandeur dit craindre la persécution.

e. Détention des demandeurs d’asile

Le Groupe Consultatif recommande qu’une personne qui ne satisfait pas aux critères d’admissibilité au statut provisoire ou qui n’en respecte pas les conditions soit obligatoirement mise en détention (recommandations 120 et 124). Le HCR estime qu’un grand nombre de demandeurs du statut de réfugié ne sont pas en mesure de respecter les délais stricts de déclaration et de dépôt de demande recommandés par le Groupe consultatif. De plus, comme il a été mentionné précédemment, une personne qui craint sincèrement la persécution résistera probablement à l’exigence de coopération. Pour ces motifs, le HCR propose que les demandeurs d’asile ne soient pas exposés à une détention obligatoire.

La mise en détention d’un demandeur d’asile est d’ailleurs indésirable en soi et doit normalement être évitée. Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, toute personne persécutée a le droit de demander et de recevoir asile dans un autre pays et ce droit ne devrait pas ètre exercé au détriment de la liberté des demandeurs d’asile. Les demandeurs d’asile ont déjà subi des actes de persécution et d’autres problèmes sérieux dans leur pays d’origine ou pendant leur fuite. Il faut les préserver de toute forme de traitement brutal. La détention peut avoir des conséquences particulièrement graves chez les requérants vulnérables; que l’on pense aux femmes célibataires, aux enfants, aux mineurs non accompagnés ou aux personnes ayant des besoins médicaux ou psychologiques particuliers, sans oublier les victimes de torture. La détention des parents d’un enfant risque également de perturber ce dernier. Le HCR recommande que les États recourent à des solutions réalistes autres que la détention, comme l’obligation de se présenter en un lieu et à un moment donné ou la nomination d’un garant, à moins qu’il soit evident que la détention est nécessaire.

i) Aspects juridiques

Le HCR estime que la détention d’un demandeur d’asile ne doit pas avoir un but ou être appliquée dans un esprit répressif. Le recours à la détention comme moyen de dissuasion à l’intention des autres requérants est également contraire aux principes de la protection internationale. Lorsque la détention est jugée inévitable, le demandeur d’asile doit jouir de certaines garanties procédurales de base. Par exemple, le détenu a le droit d’être informé des motifs de sa détention et de ses droits dans une langue qu’il connaît. Il doit aussi avoir le droit de contester la légitimité de sa privation de liberté devant une autorité compétente, indépendante et impartiale. Le Groupe consultatif recommande que le refus du statut provisoire (et la détention qui s’ensuit) soit révisé dans les quarante-huit heures et que soient maintenues les règles actuelles prévoyant la révision de la détention après sept jours puis tous les trente jours (recommandation 165). Le HCR adhère aussi au principe voulant qu’une révision administrative ou judiciaire régulière des mesures de détention constitue une mesure de protection qui satisfait l’équité.

ii) Conditions de détention

Bien que le Groupe Consultatif n’ait pas abordé spécifiquement cette question, le HCR aimerait souligner qu’un demandeur d’asile doit être détenu dans des conditions qui ne portent atteinte ni à sa sécurité ni à sa dignité et pour la période la plus brève possible. Un demandeur d’asile ne doit pas être mêlé à des criminels de droit commun, à moins qu’il n’existe aucune alternative raisonnable. Le HCR recommande en outre que les hommes soient séparés des femmes et les adultes des enfants, sauf pour les personnes appartenant à la même famille. Un demandeur d’asile en détention doit avoir le droit de communiquer avec ses parents et son avocat, de recevoir la visite de ces derniers, de recevoir des soins de santé appropriés et de faire de l’exercice physique. Si la détention est prolongée, il doit avoir accès à des activités de formation scolaire ou professionnelle. Le HCR encourage l’élaboration de lignes directrices détaillées au sujet des conditions de détention des demandeurs d’asile.
 

3. MODALITÉS DE RECONNAISSANCE DU STATUT

Le Groupe Consultatif recommande que la loi sur la protection qui est préconisée prévoit un régime de reconnaissance du statut de protection sur le sol canadien qui soit équitable, cohérent, expédient et conforme aux principes de justice naturelle (recommandation 94). Le HCR abonde dans le même sens. Le processus de reconnaissance du statut est un mécanisme complexe dont les conséquences sont extrêmement graves. Une erreur de jugement peut entraîner le refoulement d’un réfugié et compromettre sa vie et sa liberté, alors que la reconnaissance de personnes qui ne sont pas des réfugiés tend à miner le principe de l’asile. Le HCR fait valoir que l’efficacité du processus de reconnaissance du statut sera améliorée si le décideur :

Les décideurs doivent également être compétents pour vérifier et apprécier la crédibilité d’un témoignage, qualités qu’ils ne peuvent acquérir que par la formation et l’expérience. Les personnes chargées de déterminer le statut d’un demandeur d’asile doivent également être aptes à aider les requérants à surmonter les problèmes qu’ils peuvent éprouver dans la présentation de leur revendication, y compris les barrières linguistiques, la difficulté de rassembler les pièces justificatives et les effets résiduels de traumatismes psychologiques.

a. Choix entre structure administrative ou quasi-judiciaire

Le Groupe Consultatif recommande la création d’une " Agence de Protection " administrative qui serait responsable à la fois de la reconnaissance du statut des réfugiés en sol canadien et de la sélection à l’étranger des personnes pouvant s’établir au Canada (recommandation 84). Apparemment, l’Agence de Protection remplacerait l’actuelle Commission de l’immigration et du Statut de Réfugié (CISR). Le HCR estime qu’un mécanisme administratif de reconnaissance du statut des réfugiés peut être à la fois juste et efficace, mais suggère que les facteurs suivants éclairent les réflexions au sujet de la formule la plus appropriée pour la reconnaissance du statut de réfugié.

Le premier facteur assurant la fiabilité du processus de reconnaissance du statut de réfugié réside dans la qualité et la compétence des décideurs. Le Groupe Consultatif recommande que l’Agence de Protection soit dotée d’une direction composée de fonctionnaires de carrière qui exerceraient les fonctions d’agents de protection et d’agents d’appel, et que les agents de protection travaillent alternativement au Canada et à l’étranger (recommandation 85). Le HCR tient à souligner que le niveau et la catégorie de ces postes devraient être suffisants pour attirer et retenir des professionnels compétents, de sorte que l’expérience acquise au fil des ans profite à l’organisme et améliore la qualité des décisions. De fait, la qualité du processus de reconnaissance du statut de réfugié au Canada et de l’élaboration des orientations dans ce domaine ont profité de maniere substantielle du professionnalisme et de la grande expérience dont jouissent de nombreux membres de la CISR en raison de leur carrière antérieure. Si la formule préconisée par le Groupe Consultatif au sujet de la reconnaissance du statut de réfugié est adoptée, le HCR recommande que les nouveaux agents de protection soient tenus de posséder des qualités et une expérience professionnelles en accord avec l’importance et la complexité de la tâche qui les attend.

L’indépendance des décideurs est un autre facteur important. Dans son rapport, le Groupe Consultatif indique que l’Agence de Protection peut être " indépendante et en même temps sensible à des impératifs nationaux plus larges " (page 84). Bien que ces qualités ne soient pas incompatibles, le HCR tient à faire remarquer qu’une institution quasi-judiciaire indépendante contribuerait à garantir l’indépendance du processus de décision.

Le Groupe consultatif n’explique pas vraiment pourquoi il faudrait renoncer à un mécanisme décisionnel quasi-judiciaire. On croit comprendre que la question du coût et de l’efficacité n’est pas étrangère à cette position. Or, il n’est pas évident qu’un mécanisme administratif soit moins onéreux ou plus rapide. Le HCR aimerait aussi signaler que le Canada a investi d’importantes ressources dans le développement de la CISR depuis sa création en 1989. De plus, le HCR a pu apprécier le role innovateur et de la jurisprudence de la CISR dans la processus de reconnaissance du statut de réfugié, surtout en matière de formation, de documentation et de traitement des besoins de protection spécifiques des femmes, des enfants et des autres réfugiés vulnérables.

b. Délais d’étude des dossiers

Le Groupe Consultatif propose de créer les "conditions d’une procédure juste et rapide " par l’instauration de délais strictes pour l’étude des demandes d’asile (recommandation 105). Il recommande en outre que les demandes soient entendues dans les six semaines suivant la présentation de la demande et qu’une décision écrite soit rendue dans les six semaines suivantes (recommandations 105 et 107).

Si l’adoption d’une procédure de reconnaissance juste et efficace ne peut qu’être bénéfique aux réfugiés, le HCR sait par expérience que l’établissement de délais strictes pour l’examen des demandes d’asile s’avère généralement impraticable concrètement. Le HCR admet que de nombreuses demandes pourraient être réglées à l’intérieur de la période de douze semaines proposée. Cependant, comme dans le cas des délais de déclaration et de dépôt de la demande, les règles doivent être suffisamment souples pour tenir compte des problèmes qu’éprouveront de nombreux demandeurs d’asile dans la préparation et la présentation de leur demande. La reconnaissance du statut de réfugié exige un processus d’enquête complexe sur des questions de droit et de fait lequel est souvent entravé par les difficultés inhérentes à l’établissement de la preuve. Le HCR sait par expérience que des facteurs tout à fait légitimes peuvent souvent retarder la décision finale, dans certains cas bien au-delà du délai recommandé par le Groupe Consultatif.

Le resserrement proposé des délais risque d’accroître le fardeau pour toutes les parties impliqués dans le processus de détermination du statut. On peut imaginer que le personnel de l’Agence de Protection préconisée subirait des pressions énormes puisque l’agence serait financièrement responsable de la satisfaction des besoins élémentaires du demandeur jusqu’à la prise de la décision. (recommandation 118). Le HCR redoute que dans de telles conditions, l’objectif de justice ne s’efface devant celui de la diligence. Même si le gouvernement dotait l’Agence de Protection du personnel et des fonds nécessaires pour respecter les délais impartis, on peut craindre que cela soit sans effet sur les contraintes affectant les requérants. Enfin, le HCR souligne que les délais rigoureux proposés par le Groupe Consultatif risquent de créer un lourd fardeau pour les avocats bénévoles, les organisations non gouvernementales et les organismes communautaires qui représentent et conseillent les demandeurs d’asile, au détriment, en définitive, de ces derniers.

c. Acceptation sans entrevue

Le Groupe Consultatif recommande que lorsque la soumission écrite du requérant démontre clairement le besoin de protection, les agents de protection soient habilités à approuver la demande sans entrevue (recommandation 106). Le HCR considère cette voie accélérée pour l’étude et l’approbation d’une démande clairement fondée comme une excellente innovation.

d. Demandes déjà à l’étude à la CISR

Le Groupe Consultatif recommande que l’on affecte des ressources suffisantes afin que la Section du Statut de Réfugié (SSR) règle toutes les demandes reçues avant l’entrée en vigueur du nouveau système, tout en réduisant le quorum à un membre pour mieux atteindre cet objectif (recommandation 119). En l’absence d’un droit d’appel sur le fond, le HCR déconseille le recours à une instance reduite à un membre.

4. CRITÈRES DE PROTECTION

Le Groupe Consultatif recommande que la loi sur la protection qui est proposée tienne compte de la Convention de 1951 ainsi que d’autres aspects actuels et virtuels du droit de la personne et de considérations d’ordre humanitaire dont la violation peut compromettre la vie et la sécurité du demandeur (recommandation 87). La Communauté Internationale a exprimé des préoccupations relatives aux droits de la personne qui dépassent la protection des réfugiés, notamment la protection de personnes qui ont survécu à la torture et ne sont pas des réfugiés. Le HCR considère la proposition du Groupe Consultatif comme extrémement progressiste et positive, dans un contexte général où de nombreux pays interprètent de façon de plus en plus restrictive leurs obligations internationales, y-inclus dans le cadre de la Convention de 1951.

a. Préservation de l’identité spécifique des réfugiés

Le HCR recommande que les réfugiés continuent d’être considérés comme une catégorie distincte au sein de la nouvelle catégorie élargie des personnes protégées. La procédure devrait prévoir la reconnaissance du statut de réfugié, s’il y a lieu, même si l’examen d’une demande de protection fondée sur d’autres critères se justifie. Le HCR considère qu’il est nécessaire que cette distinction soit maintenue de façon à assurer aux réfugiés le respect de droits et la protection qui leur sont accordés spécifiquement par la Convention de 1951 et, d’une manière plus générale, à préserver l’intégrité du régime de protection internationale actuel.

b. Critères de protection à l’étranger

Les autorités se montrent très généreuses en offrant aux réfugiés qui sont outre-mer la possibilité d’une réinstallation au Canada. Le Groupe Consultatif recommande que le Canada continue d’exercer son rôle de leader en apportant des solutions oriéntées vers la protection des réfugiés dans les situations de crise. (recommandation 82). Le Groupe Consultatif propose en particulier que les critères élargis decrits antérieurements soient appliqués aux demandes de protection présentées à l’étranger (recommandation 87).

i) " Ceux qui ont le plus besoin de protection "

Le Groupe Consultatif insiste sur l’importance de créer un système qui " prêterait attention d’abord et avant tout à ceux qui ont le plus besoin de protection et qui rendrait ses décisions plus près de la source du problème " (page 87). Il recommande que la loi sur la protection " établisse des conditions de nature à encourager la présentation des demandes à la première occasion, c’est-à-dire dans l’ordre : à l’étranger, au port d’entrée, au Canada " (recommandation 89). Le HCR approuve cette idée de prendre l’initiative pour répondre aux besoins de protection en général, mais avec certaines réserves.

Le HCR aimerait insister sur le fait que les mesures positives prises pour encourager la présentation de demandes à l’étranger ne doivent pas s’accompagner de moyens dissuasifs ni d’obstacles à la venue directe au Canada. Le rôle que joue le Canada en offrant sa protection aux demandeurs d’asile à l’intérieur du pays demeure extrêmement important et, comme le fait observer le Groupe Consultatif, c’est également une question d’obligation internationale (page 89). Bien que le sens de l’expression " ceux qui ont le plus besoin de protection " ne soit pas explicité, l’hypothèse du Groupe Consultatif est sans doute que les demandeurs de protection à l’étranger ont plus besoin de protection que les demandeurs d’asile qui sont au Canada. Si c’est le cas, le HCR ne peut qu’exprimer son désaccord. Pour ce dernier en effet, les personnes qui ont besoin de protection sont celles qui ont des craintes fondées de persécution, qu’elles demandent l’asile du Canada ou à l’étranger. Il désapprouve donc toute tentative d’établir une hiérarchie parmi les demandeurs du statut de réfugié.

ii) Priorités du HCR en matière de réinstallation

Le HCR suggère que la priorité dans le traitement des demandes à l’étranger soit de repérer les personnes qui ont le plus besoin d’une réinstallation. Le réinstallation est un outil indispensable de protection qui offre des solutions durables, mais il en existe d’autres. Alors que le Groupe Consultatif s’intéresse exclusivement à la réinstallation, le HCR tient compte de l’ensemble des possibilités avant de déterminer quelle solution durable serait la plus appropriée à un réfugié ou à un groupe particulier de réfugiés. Avant de préconiser la réinstallation, le HCR s’efforce d’explorer toutes les possibilités de solutions sur place et examine si le rapatriement volontaire est possible ou envisageable dans un délai acceptable.

Le HCR a défini certaines catégories de réfugiés qui pourraient avoir plus besoin de réinstallation que d’autres. Par exemple, le HCR envisage la possibilité d’une réinstallation en priorité pour les réfugiés qui ont un besoin urgent de protection juridique et physique, en particulier les femmes en danger et les enfants seuls, dans les cas où réinstallation serait la meilleure solution pour les enfants. Les victimes de violence et de torture qui auraient besoin de soins médicaux et psychologiques spécialisés qui ne sont pas disponibles dans le pays où ils auraient trouvé asile, seraient également des candidats prioritaires à la réinstallation. Le HCR considère également la réinstallation comme une solution durable appropriée pour les réfugiés qui ne présentent aucune possibilité d’intégration locale ni de rapatriement volontaire. Dans ces cas en effet, les réfugiés pourraient ne pas être menacés de refoulement immédiat, mais la qualité de l’asile accordée serait inacceptable. La réunification des familles est, bien sûr, un facteur important dans les activités de réinstallation du HCR.

iii) Cas urgents

Une intervention immédiate peut être nécessaire pour assurer la protection des personnes dans des cas exceptionnels. Ainsi, le HCR souscrit à la recommandation du Groupe Consultatif selon laquelle toute personne considérée comme ayant un besoin urgent de protection outre-mer devrait se voir conférer un statut de protection temporaire et être admise au Canada (recommandation 93).

iv) Perspectives d’intégration

Le Groupe Consultatif recommande que l’Agence de Protection n’impose pas " aux requérants qu’ils démontrent qu’ils peuvent s’établir avec succès au Canada " (recommandation 88). Le HCR a toujours insisté sur la distinction entre la réinstallation des réfugiés et les critères de sélection des immigrants et soutient donc résolument cette recommandation. Comme le rapport le fait remarquer avec justesse, la protection des personnes persécutées a sa source dans les violations des droits de la personne et dans les obligations juridiques internationales des Etats, alors que les décisions qui relèvent de l’immigration reposent sur des objectifs économiques, sociaux et culturels qui doivent être bénéfiques au pays comme aux immigrants (page 13). La réinstallation étant un outil de protection, l’appréciation des chances d’un réquerant de s’intégrer avec succès ne devrait pas être un obstacle a la séléction et à la recommandation de cette option. La suppression des critères de réinstallation serait trés positive car elle faciliterait la présentation pour le HCR au Canada de cas de réinstallation justifiée. Le Groupe Consultatif recommande également que " les indicateurs d’efficacité de la protection " incluent " les indicateurs d’intégration des personnes protégées " (recommandation 13). Si l’Agence de Protection avait à répondre au Parlement du niveau d’intégration des personnes protégées, le HCR espère que ce facteur n’aura pas une influence négative sur le processus de sélection à l’étranger.

v) Importance de prendre des décisions expéditives

Le Groupe Consultatif recommande que les agents de protection rendent leur décision motivée par écrit dans les six semaines de l’entrevue avec le requérant (recommandation 92). Le HCR est acquis à cette préoccupation d’accélérer le processus, à condition que les décideurs disposent des ressources appropriées pour prendre des décisions équitables et réfléchies. Les candidats à la réinstallation ont, par définition, besoin de protection. Des délais interminables dissuadent le HCR de soumettre des cas à certains pays. C’est d’ailleurs ce qui explique en grande partie la diminution du nombre des cas de réinstallation soumis au Canada.

Une décision positive rendue promptement n’aura pas nécessairement pour effet d’accélérer la venue de la personne protégée au Canada, si d’autres étapes de la procédure ne sont pas également accélérées. Pour les personnes qui sont à l’etranger et ont besoin de soins médicaux importants, le Groupe Consultatif propose que l’Agence de Protection prenne les dispositions nécessaires avec la Province de destination (recommandation 117). Actuellement, l’autorisation des Provinces dans les cas où les requérants ont besoin de soins médicaux particuliers peut prendre des mois, provoquant parfois l’annulation de la demande et la soumission du cas à un autre pays. Le Groupe Consultatif n’indique pas comment ce processus devrait être accéléré, bien qu’il recommande la création d’un Conseil Fédéral-Provincial de l’Immigration et de la Protection qui offrirait un cadre formel de résolution de ces problèmes au niveau de la politique à suivre. (recommandation 22).

5. RECOURS EN CAS DE REFUS

Le HCR considère que les demandeurs d’asile devraient avoir un recours en cas de refus du statut de réfugié, de même que de toute décision pouvant entraîner la perte du statut de réfugié et un refoulement éventuel. Pour le Comité Exécutif du HCR, le droit d’en appeler d’une décision négative constitue une des " exigences minimales " des procédures de détermination du statut de réfugié (Conclusions n° 8 du Comité exécutif (XXVIII) (1977)). Étant donné les conséquences graves que pourrait entraîner une décision défavorable erronée, un droit effectif d’en appeler de toute décision négative est le reflet d’un processus équitable et constitue une composante fondamentale du régime de protection internationale.
 
 

a. Révision des decisions de refus du statut de réfugié Le Groupe Consultatif recommande que la loi sur la protection prévoit un recours en appel des décisions des agents de protection sur les demandes entendues sur le sol canadien (recommandation 108). Le Groupe Consultatif confirme que l’option de l’appel d’une décision " s’impose par souci d’équité, pour corriger des erreurs de fait et pour garantir une interprétation uniforme de la loi, d’autant qu’une erreur peut mettre en danger la vie du requérant " (page 94). Les décisions d’appel " ayant valeur de jurisprudence seraient publiées par l’Agence de Protection " (page 95). Le HCR défend depuis des années le droit des réfugiés au Canada d’en appeler des décisions négatives faisant suite à des demandes de reconnaissance du statut de réfugié et il soutient, par consequent, la recommandation du Groupe Consultatif. Le HCR aimerait ajouter que la nécessité d’établir un mécanisme d’appel est encore plus impérative lorsque la décision de première instance est rendue par un seul agent de protection, plutôt que par une instance composée de deux membres comme c’est le cas actuellement à la SSR. Le Groupe Consultatif a recommandé que les décisions sur les demandes de protection à l’étranger ne soient pas sujettes à un appel,. Le HCR espère cependant que la pratique actuelle qui consiste à lui permettre de clarifier les demandes de réinstallation et de les soumettre à nouveau aux missions canadiennes à l’étranger sera maintenue.

La révision des décisions négatives serait confiée à la " Section d’Appel " de l’Agence de Protection. Les agents d’appel formeraient un cadre distinct de fonctionnaires de niveau supérieur. La procédure d’appel serait limitée à l’examen des pièces écrites. Les agents d’appel auraient toutefois le loisir d’entendre le requérant pour juger de la validité de nouveaux éléments de preuve concernant la crédibilité. Le HCR considère que le cadre de la procédure d’appel et les garanties qui s’y rattachent devraient être mieux définis. Par exemple, il conviendrait d’établir une nette distinction entre la procédure d’appel et la procédure de première instance de façon à assurer l’indépendance de la Section d’Appel. Le Groupe Consultatif reconnaît l’importance d’accorder à la Section d’Appel, en ce qui concerne les décisions prises en vertu de la loi proposée sur l’immigration et la citoyenneté, " le niveau requis d’indépendance " (recommandation 157). L’indépendance du mécanisme d’appel dans le cadre de la loi sur la protection devrait être également assurée.

b. Révision des décisions de " cessation " du statut

Le Groupe Consultatif recommande que la loi sur la protection prescrive une procédure dite de cessation pour la révocation du statut de protection temporaire ou du statut d’immigrant reçu octroyé pour des motifs de protection (recommandation 110). Le ministre pourrait utiliser cette procédure dans les cas suivants :

La réclamation volontaire de la protection du pays d’origine ou le rétablissement dans le pays que la personne a fui et à l’extérieur duquel elle est restée; la non-divulgation, la déformation ou la suppression d’un fait matériel ou une action frauduleuse commise par une personne qui a été considérée comme ayant un besoin de protection; de serieuses raisons de croire que la personne a commis a) des crimes de guerre, des crimes contre la paix ou des crimes contre l’humanité; b) des crimes non politiques graves hors de son pays d’asile; et c) des actes contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. (recommandation 111) (pages 96-97) Le Groupe Consultatif recommande que ce soit l’agent de protection qui décide de la "cessation" du statut à la suite d’une entrevue (recommandation 112). Il ajoute que les motifs de révocation du statut devraient être interprétés restrictivement, ce qu’approuve le HCR étant donné les conséquences graves qui peuvent en résulter.

i) Usage consistent de la terminologie

Avant d’entrer dans le vif du sujet, le HCR voudrait faire remarquer que les motifs de "cessation" énoncés par le Groupe Consultatif englobent les concepts de cessation, d’annulation et d’exclusion selon la Convention de 1951 et les principes essentiels du droit des réfugiés. On parle de cessation pour les personnes qui n’ont plus besoin de protection internationale, d’annulation pour les personnes reconnues à tort comme réfugiés et d’exclusion pour celles dont on juge qu’elles sont indignes de la protection internationale. La cessation, l’annulation et l’exclusion sont des notions distinctes régies par des considérations totalement différentes. Pour éviter une confusion doctrinale fâcheuse, le HCR conseille vivement que la terminologie utilisée pour la loi sur les réfugiés au Canada ait le même sens que celle de la Convention de 1951.

ii) Droit d’appel

La décision sur la cessation du statut serait sans appel, sauf si le défendeur est un immigrant reçu (recommandation 112). Le HCR recommande que les personnes qui sont l’objet d’une décision de cessation aient une possibilité de recours, indépendamment de leur statut au Canada. La cessation peut impliquer la perte de la protection et de droits importants et même se traduire par un refoulement. Les conséquences potentielles d’une décision erronée ne sont pas moins graves que dans le cas d’une décision sur le statut de réfugié et affectent autant les réfugiés qui jouissent du statut de protection temporaire que ceux qui sont immigrants reçus.

Le HCR note que le Groupe Consultatif recommande que l’immigrant reçu dont le statut est révoqué ait un droit de révision, sauf si un certificat de sécurité a été émis contre lui ou si, de l’avis du ministre, il représente un danger pour le public (recommandation 163). Le Groupe consultatif n’a pas fait mention de cette qualification en proposant qu’un droit d’appel soit accordé aux immigrants reçus qui sont soumis à une décision de cessation. Par conséquent, le HCR estime que le Groupe Consultatif avait l’intention d’accorder un droit d’appel aux immigrants reçus pour des motifs de protection et convient que cette mesure de protection supplémentaire est nécessaire.

iii) Délais pour prendre une décision sur la cessation

Le Groupe Consultatif recommande que la procédure de "cessation" soit engagée dans les trois ans qui suivent l’obtention du statut d’immigration [recommandation 112). Le HCR reconnaît qu’une telle limitation serait raisonnable afin de donner un sentiment de sécurité aux immigrants reçus pour des motifs de protection. Par contre, il tient à faire remarquer que, dans les cas de crimes de guerre et de crimes contre la paix et contre l’humanité, tels qu’ils sont décrits dans les actes internationaux, il n’y a pas de prescription, et il en va de même pour les exclusions prononcées pour ces causes selon la Convention de 1951.

c. Évaluation des risques au retour

Le Groupe Consultatif recommande que toute personne faisant l’objet d’une mesure de renvoi dispose préalablement à son exécution d’un délai suffisant pour soumettre une demande d’évaluation des risques auxquels l’exposerait le renvoi (recommandation 152). Un délai de 48 heures lui sera accordé dans ce but, ce qui tiendrait lieu de sursis à l’exécution de l’ordonnance, jusqu’à ce que l’Agence de Protection se prononce. Les personnes qui, selon l’agence, ne courent aucun risque seront renvoyées dans les plus brefs délais. Le HCR considère qu’une telle évaluation du risque constitue une mesure préventive importante dans les cas où les circonstances ont changé et font d’une personne un réfugié sur place depuis le rejet de sa première demande. Le HCR recommande que les critères et procédures qui régissent l’évaluation préalable des risques auxquels expose un renvoi soient clairs, transparents et à la disposition du requérant.

Le Groupe Consultatif déclare également que " [d]ans les cas de personnes expulsées pour cause de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou d’autres crimes graves, le renvoi serait exécuté quels que soient les risques dans le pays de destination " (page 120). On note par la suite que cette mesure est conforme " aux dispositions relatives à l’exclusion qui figurent dans la Convention de Genève sur les réfugiés ", ce qui n’est pas inexact, à condition toutefois que les procédures prévoient que le décideur évalue tous les facteurs en cause et qu’un appel de la décision soit possible. De plus, dans le cas d’une expulsion pour crime grave, il faut également faire la preuve que la personne concernée constitue un " danger pour le public ", comme le précise l’actuelle Loi sur l’immigration. Le HCR aimerait enfin faire remarquer que la Convention contre la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), dont le Canada est signataire, interdit le refoulement ou l’extradition " d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ". La Convention contre la torture ne comporte aucune clause d’exclusion et n’admet aucune exception à l’obligation de non-refoulement.

6. STATUT ET DROITS DES RÉFUGIÉS RECONNUS

Le Groupe Consultatif a étudié toutes les options d’asile temporaire pouvant servir de base au régime de protection au Canada et les a rejetées en bloc pour des motifs d’équité et des facteurs humanitaires et en raison des difficultés pratiques d’administration d’un tel régime (page 95). Le Groupe Consultatif a conclu que la tradition canadienne de donner accès au statut d’immigrant reçu et à la citoyenneté aux réfugiés devait être préservé; le HCR acceuille avec faveur cette décision conforme à la pratique actuelle.

a. Processus d’établissement

Le Groupe Consultatif propose d’accélérer et de faciliter le processus d’établissement des réfugiés et des autres personnes admises au Canada pour des motifs de protection. Les personnes dont le besoin de protection a été reconnu, qu’elles soient au Canada ou à l’étranger, verraient leur demande d’établissement traitée sans délai, de même que les membres de sa famille immédiate, sous réserve des vérifications obligatoires de l’état de santé, des antécédents criminels et des risques à la sécurité (recommandations 113 et 115). Tout en reconnaissant le bien-fondé de cette procédure pour le Canada, le HCR aimerait faire remarquer que les vérifications de l’état de santé, des antécédents criminels et des risques à la sécurité peuvent occasionner des délais considérables. Encore une fois le HCR déconseille vivement que l’on communique, pour des cas particuliers, avec les autorités d’un pays où les demandeurs d’asile craignent d’être persécutés. Le Groupe Consultatif recommande également que les personnes protegées à l’étranger dont le besoin de protection a été reconnu par le Canada, ainsi que leurs dépendants , soient exemptes des coûts excessifs liées aux dispositions d’inadmissibilité médicale et des droits exigibles pour le traitement de leur demande (recommandations 114 et 116). Il est également suggéré dans le rapport que soit établi, dans un texte de loi, un programme d’assurance-maladie pour les requérants qui sollicitent la protection et ceux qui ont un besoin de protection (page 98).

En plus de ces trois recommandations qu’il approuve, le HCR encourage l’adoption de mesures supplémentaires visant à réduire les dettes importantes que les réfugiés contractent au cours du processus de demande de protection et d’obtention du statut d’immigrant reçu au Canada. Les réfugiés doivent déjà payer des frais pour les examens médicaux obligatoires et s’engager à rembourser le prix du transport au Canada. Le Groupe Consultatif recommande que les réfugiés continuent de payer des droits d’établissement, précisant toutefois qu’un prêt pourrait leur être consenti par le gouvernement (recommandation 114). Il recommande également que des frais d’initiation à l’anglais ou au français au Canada soient exigés de tout immigrant parrainé de la catégorie de la famille âgé de six ans ou plus et ne possédant pas une bonne connaissance d’une langue officielle (recommandation 35). On ne dit pas si les réfugiés et les personnes à leur charge qui ont le statut d’immigrant reçu au Canada seront exemptés de ces frais d’initiation. Le HCR s’inquiète de ce qu’une accumulation de dettes aussi importante ne constitue un obstacle majeur à l’intégration des réfugiés et ne rende vains les efforts qu’ils font pour surmonter les difficultés sociales, culturelles et psychologiques qu’occasionne inévitablement la réinstallation.

b. Réunification des familles

Dans le chapitre intitulé " La famille : pierre de touche de l’immigration ", le Groupe Consultatif accorde une importance particulière à la réunification familiale et propose d’élargir le concept de famille de façon à refléter les réalités sociales actuelles et les pratiques culturelles des divers pays d’origine. Le Groupe Consultatif recommande une nouvelle définition des termes " conjoint " et " enfant à charge " et conçoit un troisième niveau de la catégorie de la famille qui permettra aux garants d’immigrants de parrainer des parents ou des connaissances qui ont d’importants liens affectifs avec eux, mais qui ne font pas partie de la famille nucléaire traditionnelle (recommandations 32, 33, 34 et 40). Le Groupe Consultatif recommande également de repousser la limite d’âge à 22 ans pour le parrainage d’un enfant qui n’est pas marié, ce que le HCR approuve sans réserve (recommandation 33).

Le HCR considère que la recommandation du Groupe Consultatif selon laquelle la loi et les règlements devraient, autant que possible, " autoriser les garants à définir leur famille " est à la fois humaine et innovatrice. Le troisième niveau de la catégorie de la famille permettra aux familles réfugiées de parrainer des enfants plus âgés, y compris des femmes célibataires qui ne peuvent pas vivre seules pour des raisons de sécurité ou des attitudes culturelles particulières. Le troisième niveau soulagera également les familles de réfugiés qui sont séparées de parents âgés ou d’autres membres qui sont à leur charge et qui, souvent, ne peuvent être parrainés au Canada pour des raisons financières. Du même coup, le HCR fait remarquer que la flexibilitié de ce troisième niveau pourrait être considérablement limitée par l’obligation pour les garants de s’engager pour une période de dix ans.

Selon la loi canadienne, la réunification familiale n’est possible que si une personne se voit accorder le statut d’immigrant reçu. Le Groupe Consultatif ne remettant pas en question cette condition, le HCR aimerait souligner que l’intérêt pour la réunification familiale est lié à la reconnaissance du statut de réfugié ou à la reconnaissance que la personne relève de la compétence du Haut Commissaire. Même si les recommandations du Groupe Consultatif viendront effectivement en aide de façon importante à certaines familles de réfugiés, le HCR rappelle que les efforts visant à faciliter la réunification familiale doivent suivre immédiatement la reconnaissance du statut de réfugié. Le HCR a déjà indiqué les difficultés éprouvées par les réfugiés qui ne réussissent pas à obtenir le statut d’immigrant reçu et qui ne peuvent donc pas réunir leur famille, habituellement parce qu’ils ne satisfont pas aux critères d’admissibilité, manquent d’argent pour payer les frais exigés ou sont dans l’impossibilité de fournir des preuves d’identité satisfaisantes. Le Groupe Consultatif recommande que les réfugiés de la dernière catégorie bénéficient d’un statut de protection temporaire, avec possibilité de demander l’établissement au bout de trois ans, de façon à pouvoir parrainer et ètre réunis avec les membres de leur famille (recommandation 109).

Le Groupe Consultatif recommande également que, même après avoir obtenu le statut d’immigrant reçu, les réfugiés qui veulent faire venir des conjoints et des enfants à charge au Canada soient tenus de s’engager pour une période de trois ans et n’aient pas beneficié de prestations d’aide sociale depuis douze mois (recommandation 37). Les garants d’autres immigrants de la catégorie de la famille devraient être tenus de s’engager pour une période de dix ans. Le point de vue du Groupe Consultatif est que " la population du Canada n’accepte plus qu’une personne incapable de subvenir à ses besoins en parraine d’autres ".

Le HCR est convaincu que la différence essentielle qui existe entre les réfugiés, en tant que personnes ayant besoin d’une protection internationale, et les autres immigrants justifie une approche plus flexible et plus appropriée en ce qui concerne la réunification familiale. Les réfugiés qui sont séparés de leur famille au moment de leur réinstallation au Canada doivent parfois attendre des années avant d’être à nouveau réunis, le temps de s’établir et de rassembler l’argent nécessaire a un parrainage. Les réfugiés qui ont peu d’expérience professionnelle à leur arrivée, ou les parents qui doivent s’occuper de leurs enfants ont beaucoup de difficultés à satisfaire les exigences requises. Les conjoints, les enfants à charge et les autres parents vulnérables qui sont restés dans le pays d’origine peuvent être en danger pendant cette période. Si le Groupe Consultatif affirme, avec justesse, que la famille est " la pierre de touche de l’immigration ", le HCR aimerait faire valoir qu’il en va de même pour la réunification des familles, dont dépend étroitement le succès de l’intégration des réfugiés.

c. Titres de voyage

Actuellement, le Canada ne délivre pas de titres de voyage aux réfugiés qui n’ont pas le statut d’immigrant reçu. Comme le Groupe Consultatif n’a pas traité cette question, le HCR aimerai