CCR

CONSEIL CANADIEN POUR LES RÉFUGIÉS

Communiqué

Pour diffusion immédiate

LE GOUVERNEMENT PRIÉ DE RECONNAÎTRE QUE LES ÉTATS-UNIS SONT
MOINS SÛRS QUE JAMAIS

Le 6 décembre 2006, Montréal – Le Conseil canadien pour les réfugiés a publié aujourd’hui une soumission présentée au Conseil fédéral des ministres à l’effet que les États-Unis ne peuvent plus être considérés un tiers pays sûr pour les réfugiés.

« Les développements aux É-U. au cours des deux dernières années signifient que les États-Unis ne peuvent plus être considérés à juste titre comme un tiers pays sûr, si jamais ils l’étaient » a dit Elizabeth McWeeny, présidente du CCR.  « Selon la loi, un pays désigné sûr doit se conformer à ses obligations de ne pas refouler les gens vers la persécution ou la torture. Il est maintenant évident que les É-U. ont renvoyé des gens vers la torture.  Nous demandons instamment au Conseil des ministres d’examiner la situation aux É-U., tel que l’exige la loi, et de reconnaître que le fait de fermer la porte aux réfugiés à notre frontière avec les É-U. met leur vie en péril.  Le gouvernement doit mettre fin à la désignation des É-U. comme tiers pays sûr. »

La soumission du CCR présente des preuves que, depuis la désignation des É-U. comme tiers pays sûr, il y a eu une série de développements qui signifie que les É-U. ne répondent pas aux critères du tiers pays sûr, selon la définition et les facteurs prescrits par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.  La loi impose au Conseil des ministres l’obligation d’assurer le suivi de l’examen de la conformité ou non des É-U. aux obligations de non-refoulement; de ses politiques et usages en ce qui touche la Convention sur les réfugiés et la Convention contre la torture et ses antécédents en matière de respect des droits de la personne.

« Le droit d’asile aux É-U. connaît des problèmes systémiques et de fond  – des dates limites inappropriées pour déposer une demande, des exigences arbitraires et excessives de corroboration, le manque de représentation juridique, entre autres » a dit Deborah Anker, directrice du Immigration and Refugee Clinical Program de la Harvard Law School. « Il en résulte un risque réel qu’un réfugié renvoyé aux États-Unis finisse par être refoulé vers la persécution »

« Même si les États-Unis ont ratifié la Convention contre la torture, depuis quelques années ils bafouent régulièrement des dispositions clé de ce traité, dans le cadre d’une poursuite farouche de leur politique mal avisée contre le terrorisme » a dit  Steven Watt de l’American Civil Liberties Union (ACLU). « Dans le cadre du programme de la CIA de renvoi (« rendition »), par exemple, des centaines d’hommes, tels Maher Arar, ont été renvoyés pour des interrogatoires dans des pays connus depuis longtemps pour leur utilisation de la torture, ou encore contraints à « disparaître » dans des cellules de torture outremer gérées par les É-U. Les États-Unis ne devraient plus être considérés comme un tiers pays sûr pour des personnes qui cherchent à se protéger d’un risque de torture. »

Le résumé du rapport se trouve à http://www.ccrweb.ca/moinssurres.html. Le rapport intégral (en anglais) est disponible à http://www.ccrweb.ca/Lesssafe.pdf

Contact:
Colleen French, Coordinatrice de la communication du CCR (514) 277-7223 (poste. 1)
Deborah Anker, Harvard Law School, (617) 584-2974
Steven Watt, ACLU, (212) 519-7870 ou (646) 206-2025 (cell)

Le Conseil canadien pour les réfugiés est un organisme de regroupement sans but lucratif qui se voue à la défense des droits et à la protection des réfugiés au Canada et dans le monde, et à l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada. Ses 170 membres sont des organismes impliqués dans la protection et le parrainage des réfugiés et dans l’établissement des nouveaux arrivants.  Le CCR est au service de ses membres pour leurs besoins en matière d'échange d'informations et d'expériences et de défense des droits.

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MOINS SÛR QUE JAMAIS
Contester la désignation des É.-U. comme tiers pays sûr pour les réfugiés
DOCUMENT D’INFORMATION
Décembre 2006


La désignation des É.-U. comme tiers pays sûr
En 2004, le Conseil fédéral des ministres a adopté un règlement qui désigne les États-Unis comme un tiers pays sûr en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.  La désignation est entrée en vigueur le 29 décembre 2004.  Depuis ce jour, les demandeurs d’asile qui cherchent la protection du Canada à la frontière entre les É.-U. et le Canada voient leur demande jugée irrecevable, à quelques exceptions près, et ils sont plutôt renvoyés aux É.-U. où, prétend-on, ils peuvent trouver la protection s’ils en ont besoin.

L’introduction de la règle du tiers pays sûr a occasionné une diminution dramatique du nombre de demandeurs d’asile au Canada (on a vu en 2005 le nombre le plus bas de demandeurs depuis le milieu des années 1980).  Les réfugiés à qui on refuse à tort la protection aux É.-U. se cognent en vain à la porte du Canada.  Les Colombiens en particulier subissent les conséquences négatives, tant parce qu’ils représentaient le groupe le plus important à faire des demandes d’asile à la frontière avant l’introduction du tiers pays sûr, que parce que de nombreux Colombiens passent entre les mailles du filet du système américain de refuge.

Pour des informations sur les impacts de la règle du tiers pays sûr, voir le rapport du CCR, Les portes se ferment pour les réfugiés : rapport sur la première année de l’accord sur les tiers pays sûrs, 29 décembre 2005, http://www.ccrweb.ca/resTPSdec05.html.

Les obligations légales relatives à l’examen de la désigation d’un tiers pays sûr
La Loi canadienne sur l’immigration et la protection des réfugiés autorise le gouverneur en conseil (le Conseil des ministres) à adopter des règlements prévoyant:

« la désignation des pays qui se conforment à l’article 33 de la Convention sur les réfugiés et à l’article 3 de la Convention contre la torture.” (LIPR 102(1)(a))

L’article 33 de la Convention sur les réfugiés et l’article 3 de la Convention contre la torture contiennent les obligations de non-refoulement, c’est-à-dire les obligations imposées aux États de ne pas refouler des réfugiés vers la persécution ni quiconque vers la torture.

La loi stipule en outre à l’alinéa 102(2) qu’on doit tenir compte des facteurs suivants en vue d’une telle désignation d’un pays :

a) le fait que ces pays sont parties à la Convention sur les réfugiés et à la Convention contre la torture;
b) leurs politique et usages en ce qui touche la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés et les obligations découlant de la Convention contre la torture;
c) leurs antécédents en matière de respect des droits de la personne;
d) le fait qu’ils sont ou non parties à un accord avec le Canada concernant le partage de la responsabilité de l’examen des demandes d’asile.

L’alinéa 102(3) affirme que « le gouverneur en conseil assure le suivi de l’examen des facteurs [cités ci-dessus] à l’égard de chacun des pays désignés ».

Malgré les développements très importants qui ont eu lieu aux É.U. depuis sa désignation comme tiers pays sûr, il ne semble pas que le Conseil fédéral des ministres a examiné le statut du pays.

La soumission du CCR au Conseil des ministres
En novembre 2006, le Conseil canadien pour les réfugiés a présenté une soumission au Conseil des ministres, exposant les preuves que les États-Unis ne peuvent plus être considéré à juste titre un tiers pays sûr, vu la définition et les facteurs établis par la loi canadienne.  Cette soumission est maintenant rendue publique sous le titre Moins sûr que jamais.  Le résumé est disponible à http://www.ccrweb.ca/moinssurres.html. Le rapport intégral (en anglais) est disponible à http://www.ccrweb.ca/Lesssafe.pdf

Contestation judiciaire du tiers pays sûr
Le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie internationale et le Conseil canadien des églises ont entamé une contestation judiciaire du tiers pays sûr, conjointement avec un demandeur d’asile colombien aux É.U.  La contestation soutient que la désignation des É.U. comme un tiers pays sûr est une erreur de droit et que renvoyer des demandeurs d’asile aux É.U. sans entendre leur demande viole la Charte des droits et libertés et les obligations du Canada en matière de droits humains internationaux.  L’audience de la Cour fédérale est prévue pour février 2007.