À partir du 29 décembre 2004, le Canada a fermé ses
 portes à un grand nombre de revendicateurs du statut de réfugié
 demandant la protection à la frontière canado-américaine. 
 Dans un accord entre les deux pays, les États-Unis ont été 
 déclarés « tiers pays sûr » pour les réfugiés. 
 Le Conseil canadien pour les réfugiés pense qu’il s’agit d’un 
 mauvais accord  pour les réfugiés et pour les deux pays, 
 le Canada et les États-Unis. Voici les raisons :
                  UN : Les États-Unis n’offrent pas de sécurité
                      aux  réfugiés à cause du risque de détention.
                    L’entente force les revendicateurs à présenter une demande 
                    de protection aux États-Unis, un pays qui n’est pas nécessairement 
                    sécuritaire pour les réfugiés. Des milliers de demandeurs 
                    d’asile, y compris des enfants, sont détenus aux États-Unis 
                    pendant des mois, voire même des années, souvent dans des prisons 
                    où ils côtoient des criminels. Ceux qui sont détenus 
                    ont moins de chance de se voir accorder le statut de réfugié 
                    parce qu’il leur est difficile d’obtenir l’assistance dont ils ont besoin 
                    pour présenter leur revendication adéquatement. Récemment, 
                    des abus sur les détenus dans les prisons d’immigration aux États-Unis 
                    ont été largement divulgués.
                  DEUX : Les États-Unis n’offrent pas de sécurité
                      aux réfugiés parce que certains d’entre eux sont privés 
                      de la protection.
                    Les États-Unis ne donnent pas toujours la protection à ceux 
                    qui en ont besoin. Plusieurs revendicateurs ont été reconnus 
                    réfugiés au Canada après avoir été refusés 
                    aux États-Unis, à cause des règles et de l’interprétation 
                    de la définition de réfugié plus restrictives. Les règles
                    d’éligibilité aux États-Unis stipulent que les revendicateurs
                    qui introduisent leur demande après un séjour de plus d’une
                    année ne seront pas entendus. À la différence du Canada,
                    la loi américaine n’offre pas de protection aux personnes exposées
                    à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines
                    cruels et inusités. Si le Canada refoule un réfugié 
                    qui est par après déporté à la persécution 
                    par les États-Unis, le Canada portera une part de responsabilité 
                    pour tout mal qui adviendra à ce réfugié.
                  TROIS : Les États-Unis n’offrent pas de sécurité 
                      aux réfugiés à cause de leurs pratiques discriminatoires.
                    La politique et les pratiques des États-Unis sont discriminatoires 
                    envers certains réfugiés et immigrants sur la base de leur 
                    nationalité, ethnicité ou religion. Par exemple, les États-Unis 
                    placent en détention les revendicateurs haïtiens sur la base de
                    leur nationalité.  Les personnes en provenance des pays majoritairement 
                    musulmans sont aussi particulièrement vulnérables aux risques 
                    de détention.
                  QUATRE : Les États-Unis pourraient même devenir moins
                      sécuritaires  pour les réfugiés.
                    La situation pour les réfugiés aux États-Unis pourrait 
                    s’empirer prochainement. Le Congrès américain est en train
                    d'étudier de nombreuses dispositions anti-réfugiés. 
                    La Chambre des représentants les a déjà adoptées
                    et elles sont présentement à l'étude par le Sénat.
                  CINQ : Les États-Unis n’ont pas assuré la sécurité 
                      de Maher Arar.
                    En dépit de sa citoyenneté canadienne, Maher Arar a été 
                    déporté par les États-Unis vers la torture. Si les États-Unis
                    n’offrent même pas la sécurité à une personne
                    bénéficiant de la protection relative d’un passeport canadien,
                    comment pouvons-nous croire qu’ils assureront la sécurité aux
                    revendicateurs qui n’ont aucun gouvernement pour les protéger?
                  SIX : L’accord rend la frontière canado-américaine moins 
                      sécuritaire.
                      Avant l'entrée en vigueur de l'accord, les revendicateurs du statut
                    de réfugié se présentaient, selon les règles,
                    à la frontière, on les interrogeait et on les soumettait à
                    un contrôle de sécurité. Actuellement, les revendicateurs
                    du statut de réfugié ayant besoin de la protection canadienne
                    chercheront les moyens de traverser la frontière clandestinement.
                    L’Allemagne a connu cette expérience quand la réglementation
                    a changé d’une façon semblable : du jour au lendemain les revendicateurs
                    ont arrêté de faire la demande à la frontière
                    et se sont présentés à l’intérieur du pays. Les
                    principaux bénéficiaires de cette entente du tiers pays sûr
                    seront les passeurs et les trafiquants.
                  SEPT : Les revendicateurs du statut de réfugié peuvent
                                        affronter des dangers en essayant d’entrer au Canada.
                                        Les traversées clandestines des frontières sont souvent 
                    dangereuses pour les migrants : chaque année plusieurs meurent partout 
                    dans le monde en essayant de traverser les frontières. Sommes-nous 
                    prêts à voir sur notre frontière un accroissement des 
                    victimes occasionné par des réfugiés cherchant désespérément 
                    la protection canadienne.
                  HUIT : L’accord fait de la détermination de réfugiés 
                      une procédure plus compliquée.
                    La mise en œuvre de l’accord est difficile. Il n’est pas du tout facile 
                    de déterminer quels réfugiés ont droit à soumettre 
                    leur revendication au Canada selon les termes de l’accord. Il s’ensuit qu’au
                    lieu de se concentrer sur les besoins du demandeur en matière de
                    protection,  les autorités canadiennes doivent détourner leurs
                    ressources  pour déterminer si les demandeurs correspondent aux exceptions
                    citées  dans l’accord.
                  NEUF : En échange de l’accord, le Canada donne aux États-Unis 
                      un mot à dire sur notre programme de réinstallation.
                      En échange de la signature de l’accord, les États-Unis se
                    voient accorder la possibilité d’avoir un mot à dire concernant
                    quels réfugiés sont réinstallés au Canada, comme 
                    une clause secrète au départ. En permettant aux États-Unis 
                    de référer eux-mêmes des réfugiés pour 
                    la réinstallation, le Canada renonce à ses droits de décider 
                    quels réfugiés ont le plus besoin d’être réinstallés. 
                    Ironiquement, les autorités américaines ont plus de pouvoir 
                    que les agents d’immigration  canadiens pour identifier les réfugiés 
                    qui seront réinstallés. Ces agents, aux termes de la loi canadienne, 
                    ne peuvent pas identifier les réfugiés pour la réinstallation, 
                    à moins que ces derniers ne leur aient été référés.
                  DIX : Le Canada ferme la porte aux réfugiés.
                    Le but et les effets de cet accord sont de réduire le nombre de 
                    réfugiés  qui peuvent présenter une demande de protection 
                    au Canada. En signant  cet accord, le Canada se joint à un triste groupe
                    de pays qui adoptent  l’approche « pas dans ma cour » à
                    l’égard des réfugiés.  Même avant l’introduction 
                    de l’accord du tiers pays sûr, l’année  2004 a été 
                    l’année qui a connu au cours des 6 dernières  années 
                    le nombre le plus bas de réfugiés. Le Canada reçoit
                    moins d’un quart d’un pour cent des réfugiés dans le monde.
                    Pourquoi devrions-nous réduire notre part encore plus?
                   * * * * * *
                  Durant la deuxième guerre mondiale, le Canada a refusé
                      sa protection aux réfugiés juifs qui fuyaient la persécution 
                                        nazie. La devise à l’époque était « None is Too 
                                        Many ».  Il s’agissait d’une réponse donnée par 
                                        un fonctionnaire canadien lorsqu’on lui avait demandé combien de réfugiés 
                                        juifs le Canada allait accueillir. Le Conseil canadien pour les réfugiés 
                                        considère l’accord entre le Canada et les États-Unis comme 
                                        l’accord « None is Too Many », parce que son but est de fermer 
                                        la porte aux réfugiés, tout comme nous avions fermé nos
                                        portes aux réfugiés juifs dans les années trente et
                    quarante.
                   
                  février 2005