RÉPONSES À DES QUESTIONS SOULEVÉES PAR L’ACCORD « UN EST DÉJÀ TROP »

Le Canada et les États-Unis se sont entendus pour négocier une entente de tiers pays sûr entre les deux pays. La conclusion de cet accord permettra à chaque pays de se reconnaître mutuellement comme tiers pays sûr en matière de revendications du statut de réfugié.

Une fois qu’un tel accord entrera en vigueur, les portes du Canada se fermeront à la plupart des revendicateurs du statut de réfugié qui transitent par les États-Unis lorsqu’ils sont en route vers le Canada pour y trouver protection.

Le Conseil canadien pour les réfugiés s’oppose à cet accord. Si l’accord est signé, il devrait au moins donner aux revendicateurs du statut de réfugié le droit de choisir le pays dans lequel ils vont faire leur demande.

L’accord « Un est déjà trop »
« Un est déjà trop » est la réponse qui avait été donnée par un haut fonctionnaire du gouvernement canadien lorsqu’on lui avait demandé combien de Juifs devraient être acceptés à l'époque de la persécution nazie contre les Juifs. Cette réponse décrit bien les politiques du gouvernement canadien qui a fermé ses portes aux réfugiés juifs fuyant l’Holocauste. Comme l’accord de tiers pays sûr exprime une volonté de fermer nos portes aux réfugiés, le Conseil canadien pour les réfugiés croit qu’il doit plutôt être appelé l’accord « Un est déjà trop ».

Durant la Deuxième Guerre mondiale, les politiques canadiennes étaient antisémites et les réfugiés juifs étaient traités différemment des autres réfugiés fuyant l’Europe. Suivant l’accord proposé, aucun groupe ethnique n’est particulièrement visé. Cependant, les portes du Canada demeurent tout autant fermées. Avec cet accord, en combinaison avec les obligations de visa et les pratiques d’interception, le Canada est en train de dire aux réfugiés : « Ne venez pas ici, allez ailleurs ».

Les revendicateurs provenant des États-Unis n’ont-ils pas déjà trouvé asile là-bas?
Il n’est pas vrai que les revendicateurs du statut de réfugié qui sont passés par les États-Unis y ont trouvé asile. La plupart d’entre eux ne font que transiter par les États-Unis alors qu’ils sont en route vers le Canada qui est leur destination parce que, dans plusieurs cas, ils ont de la famille ici. À cause de la situation géographique du Canada, qui est bien loin de la plupart des pays que les réfugiés fuient, peu d’entre eux peuvent arriver ici sans devoir transiter par un autre pays. Si le Canada ferme ses portes aux revendicateurs qui sont passés par un autre pays, nous fermons nos portes à la majorité des réfugiés.

Les réfugiés ne doivent-ils pas trouver asile dans le premier pays sûr où ils arrivent?
Le droit international n’oblige pas les réfugiés à trouver asile dans le premier pays où ils arrivent. Le principe de base en droit international est que les États ne doivent pas refouler les réfugiés vers la persécution. Le Canada a donc une obligation à l’égard des réfugiés qui se présentent à nos frontières. Si nous renvoyons un réfugié vers un autre pays et que ce pays refuse de le protéger, nous devons partager la responsabilité de cette violation du droit international.

Pourquoi le Canada est-il la destination de réfugiés?
Plusieurs réfugiés choisissent de venir au Canada plutôt qu’aux États-Unis parce qu’ils ont de la famille ou des amis ici. Il peut ne pas s’agir de famille immédiate, mais quand vous avez été forcés de fuir et que vous êtes dans un pays étranger, un cousin ou un ami représente une planche de salut. D’autres viennent ici parce qu’ils parlent français. Il est normal pour des réfugiés d’aller dans un pays où ils ont des liens.

Plusieurs réfugiés viennent également au Canada parce qu’ils croient que le Canada leur offre une meilleure chance de protection que les États-Unis.

Les systèmes de détermination du statut de réfugié des États-Unis et du Canada ne sont-ils pas à peu près les mêmes?
Les systèmes pour les réfugiés au Canada et aux États-Unis sont similaires à plusieurs égards, mais ils ont également d’importantes différences, incluant l’interprétation de la définition de réfugié. Un des résultats qui en découle est que des réfugiés qui seraient acceptés au Canada seront refusés aux États-Unis. Par exemple, les femmes qui fuient une persécution basée sur le sexe sont plus susceptibles de se voir reconnaître une protection si on leur permet de présenter leur demande au Canada.

Les États-Unis rendent aussi difficile la possibilité de présenter une demande si vous avez été aux États-Unis pour plus d’un an. Cela veut dire qu’une personne qui a été aux États-Unis à titre d’étudiant, par exemple, pourrait ne pas pouvoir présenter une demande du statut de réfugié.

Les normes des États-Unis ne répondent-elles pas aux normes internationales, même si elles ne sont pas exactement les mêmes que celles du Canada?
Les États-Unis ont été largement critiqués pour ne pas rencontrer les normes internationales dans ses politiques et ses pratiques en matière de réfugiés.

La détention constitue un des domaines les plus problématiques. Plusieurs demandeurs d’asile sont arbitrairement privés de leur droit à la liberté. Ils sont souvent détenus dans des conditions scandaleuses et avec des criminels condamnés. Des enfants sont aussi parmi les détenus. Le recours à la détention aux États-Unis ne rencontre pas les normes internationales.

En décembre 2001, les États-Unis ont institué une politique de détention indéterminée d’Haïtiens comme stratégie afin de dissuader d’autres Haïtiens demandeurs d’asile. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, la détention de demandeurs d’asile basée sur leur origine nationale constitue une détention discriminatoire et arbitraire. Le HCR a également noté que le recours à la détention, comme moyen de dissuasion ou pour pénaliser les demandeurs d'asile d’être entrés illégalement, est contraire au droit international.

Les États-Unis ont aussi une politique de refoulement accéléré qui s'appliquent aux gens qui arrivent aux États-Unis sans document. Il y a une exception pour les gens dont la demande est jugée credible, mais les décisions portant sur la « crédibilité » de leur crainte sont prises par des agents d’immigration sans que les demandeurs aient le droit d’être conseillés ou même de téléphoner à un membre de leur famille.

Le Canada a-t-il besoin d’un accord pour contrôler le nombre de demandes du statut de réfugié?
Si le Canada voulait prendre une part équitable des réfugiés dans le monde, cela voudrait dire en accepter plus, pas moins. Les pays qui reçoivent les plus grands nombres de réfugiés sont principalement en Afrique et en Asie. Le nombre de demandes reçues par le Canada est insignifiant en comparaison. Même lorsqu’on compare avec d’autres pays occidentaux, d’autres pays reçoivent plus de demandes que le Canada, que ce soit en nombres absolus ou sur une base per capita.

En 2001, le Canada a reçu 42 746 demandes, un chiffre significativement plus important que la moyenne de 28 000 par année au cours des années 1990. Cependant, il y a plusieurs facteurs qui affectent l’augmentation et la baisse du nombre de demandes. Les nombres ont tendance à augmenter avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi. Durant le premier quart de 2002, les chiffres ont diminué dramatiquement : ils sont plus qu’un tiers plus bas que les chiffres de l’an dernier pour la même période.

En 2001, 35% des demandes du statut de réfugié faites au Canada provenaient de gens qui étaient entrés à partir des États-Unis. (Prendre note que le chiffre de 72% souvent cité est inexact).

Un accord n’est-il pas nécessaire entre les pays pour que les choses soient plus ordonnées?
Au contraire, l’accord proposé va détruire l’actuel processus établi aux frontières et est plus probable de créer du désordre. Des accords similaires en Europe ont conduit à de nouveaux problèmes de trafic.

Présentement, ceux qui désirent présenter une revendication du statut de réfugié le font d’une manière ordonnée aux frontières auprès des autorités canadiennes. Une fois que la porte sera fermée, les réfugiés désespérés vont essayer de traverser illégalement. Les passeurs vont tirer profit de cette situation. Les problèmes d’exploitation, des morts accidentels et des forces de sécutié aux frontières que l’on voit déjà le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique trouveront leur parallèle au nord.

14 juin 2002