DROIT DES RÉFUGIÉS = DROITS DE LA PERSONNE
À QUEL POINT LE CANADA EST À
LA HAUTEUR, OU ÉCHOUE,
QUANT À SES ENGAGEMENTS DE RESPECT
DES DROITS DE LA PERSONNE
À L'ÉGARD DES RÉFUGIÉS
ET D'AUTRES NON-CITOYENS
Le Canada a la réputation d'être un des pays les plus respectueux des droits de la personne et de réserver un accueil très généreux aux réfugiés. Le Canada est signataire de plusieurs protocoles internationaux visant les droits de la personne et s'est doté de la Charte canadienne des droits et libertés pour assurer la protection fondamentale des droits de la personne.
Mais en fait, le Canada respecte-t-il les droits des réfugiés ? Pas toujours. Les réfugiés font partie des gens les plus vulnérables dans la société, courant le risque d'être déportés, n'ayant souvent pas la maîtrise de la langue, les contacts, la connaissance de la société canadienne et les autres ressources nécessaires pour défendre leurs droits. Aussi, en cas de coupures et de restrictions, les réfugiés sont toujours les premiers touchés : ce sont les étrangers, sans droit de vote, bref, ceux qu'on n'avait pas invités.
Ce qui suit est un survol de quelques secteurs où le Canada se situe en-deça des normes internationales, démontrant ainsi que, si Canada se classe parmi les « meilleurs » au monde, ce n'est pas parce que nous sommes parfaits, mais plutôt du fait que le niveau de respect des droits individuels est tellement bas à l'échelle mondiale.
Déclaration
universelle des droits de l'homme
La Déclaration universelle des
droits de l'homme, adoptée en 1948, apporte une définition
des droits de base et des libertés fondamentales auxquels a droit
tout être humain. En tant que déclaration, elle n'a pas de
pouvoir contraignant; toutefois elle est reconnue internationalement comme
une pierre angulaire dans la protection des droits de la personne.
«Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile dans d’autres pays.» Article 14.1 |
LÀ OÙ LE CANADA N'EST PAS À LA HAUTEUR :
Quoique le Canada dispose d'un système permettant de déterminer qui a le droit d'asile, ce système n'est pas accessible à tous. Certains n'y ont pas accès parce qu'une mesure d'exclusion a été émise à leur égard et selon la Loi sur l'Immigration, il est impossible de faire une demande de statut de réfugié une fois qu'une mesure d'exclusion a été émise.
Par exemple : T., un réfugié du Zaïre, est arrivé au Canada et a été questionné à l'aéroport. Il n'a pas déclaré qu'il voulait demander le statut de réfugié car il croyait qu'il serait alors immédiatement renvoyé au Zaïre (cela arrive dans certains pays européens et en fait, ce fut le cas pour sa soeur). Une mesure d'exclusion a été émise à son encontre et il fut détenu, en attente d'être déporté. Il était alors trop tard pour demander le statut de réfugié. Ce qui lui épargna la déportation fut le fait que le Canada a alors déclaré un moratoire sur les déportations vers le Zaïre. Finallement, après cinq mois, il fut libéré. Maintenant, presque trois ans plus tard, il poursuit une existence en sursis.
D'autres se retrouvent non éligibles à la demande de statut de réfugié pour des motifs qui vont au-delà de ce qui est permis par les lois internationales.
Par exemple : Sophie et sa famille ont fui la persécution dans leur pays d'origine et ont trouvé refuge dans un pays voisin d'Afrique. Toutefois, du fait de liens étroits entre ces deux pays, leurs persécuteurs ont pu les suivre et continuer à menacer leurs vies. Ils ont alors fui de nouveau, cette fois pour le Canada. Le Canada a refusé d'examiner leur demande du statut de réfugié, parce que selon la loi canadienne, ceux qui ont déjà un statut de réfugié dans un autre pays ne sont pas éligibles à faire une demande, même s'ils ne sont pas en sécurité dans cet autre pays.
Le Canada dispose d'un programme d'interdiction directe qui freine l'arrivée au Canada de demandeurs du statut de réfugié. Les exigences de visa constituent une dimension importante de ce programme d'interdiction : le Canada exige des visiteurs en provenance de la plupart des pays qu'ils détiennent un visa avant de voyager vers le Canada. Lorsque des agents estiment qu'une personne cherche à voyager au Canada afin d'échapper à la persécution, celle-ci n'obtiendra pas un visa. Si des atteintes graves aux droits de la personne ont lieu dans un pays d'où un visa n'est pas requis, alors le Canada en impose un afin de restreindre l'arrivée de réfugiés.
Par exemple : en 1983, lorsque des troubles civils ont éclaté au Sri Lanka et que plusieurs Tamouls ont été tués ou chassés de leurs demeures, le Canada a exigé l'obtention d'un visa de la part des Sri Lankais, limitant ainsi le nombre de réfugiés Tamouls cherchant asile au Canada.
L'imposition d'amendes aux lignes aériennes transportant des voyageurs n'ayant pas les « documents appropriés » au Canada, même s'ils sont des réfugiés, constitue une autre dimension de ce programme d'interdiction.
Le personnel des lignes aériennes est ainsi investi du rôle d'agent d'immigration outre-mer, vérifiant et re-vérifiant les documents des voyageurs et les empêchant de monter à bord s'ils estiment que leurs documents ne sont pas authentiques. Les réfugiés refusés aboutissent souvent en prison ou sont rapatriés de force vers leur pays d'origine.
Par exemple : L. est arrivée
au Canada et a demandé le statut de réfugiée. Quelques
mois plus tard, son mari s'est également enfui de leur pays d'origine.
En chemin vers le Canada pour rejoindre sa femme (qui venait d'accoucher),
il s'est fait interdire l'accès à l'avion qui allait l'amener
au Canada, de Londres. Il n'a eu aucune indication quant à ses possibilités
de demander le statut de réfugié en Grande-Bretagne et a
été immédiatement expulsé vers son pays d'origine.
La Convention relative
au statut des réfugiés
Le plus important texte international
pour les réfugiés est la Convention relative au statut des
réfugiés, adoptée en 1951. Le Canada ne devint signataire
de la Convention qu'en 1969. Contrairement à d'autres textes pour
les droits de la personne apparus ensuite, il n'y a aucun mécanisme
de surveillance ni de comité qui examine comment les pays respectent
leurs obligations en vertu de la Convention.
« Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. » Article 33 |
LÀ OÙ LE CANADA N'EST PAS À LA HAUTEUR :
L'article 33, qui établit l'interdiction fondamentale de tout refoulement (retour forcé d'un réfugié), est bafoué lorsque le Canada refoule un réfugié qui n'a pas eu le droit d'entamer le processus de demande de statut de réfugié (voir ci-haut). Le fait que le système de reconnaissance du statut de réfugié du Canada ne comporte aucun appel sur le bien-fondé signifie également que des réfugiés refusés par erreur n'ont aucune possibilité de faire corriger cette erreur et risquent d'être renvoyés vers la persécution (voir plus bas).
La Convention comporte également plusieurs autres exigences qui ne sont pas pleinement respectées par le Canada.
« Les États contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure. » Article 34 |
Afin d'être naturalisés Canadiens, les réfugiés doivent d'abord obtenir leur résidence permanente, pour ensuite demander la citoyenneté. Depuis quelques années, l'obtention de la résidence permanente est devenue plus difficile et plus coûteuse.
Depuis 1993, les réfugiés reconnus comme tels au Canada doivent fournir des pièces d'identité satisfaisantes pour obtenir la résidence permanente. Ceux qui, pour des raisons hors de leur contrôle, n'ont que peu de documents prouvant leur identité, doivent attendre longtemps -- peut-être sans jamais en voir le dénouement -- avant de pouvoir être naturalisés. Les femmes, les jeunes et les personnes qui proviennent de zones rurales sont particulièrement touchés par cette exigence de pièces d'identité, puisqu'ils ont moins de chance d'avoir eu des papiers d'identité tels que permis de conduire et certificats scolaires.
Loin de réduire ces coûts,
au fil des années 1990 le Canada a exigé des frais sans cesse
croissants de la part des réfugiés et autres candidats à
la résidence permanente et à la citoyenneté. Le droit
exigé pour l'établissement (couramment appelé la Taxe
d'entreé, éliminé pour les réfugiés
en février 2000) de 975$ par adulte était une charge particulièrement
lourde, mais il ne s'agit qu'un exemple des frais exigés. Une famille
réfugiée de cinq personnes (deux adultes, trois enfants),
reconnus comme réfugiés au Canada, doit toujours payer un
total de 1 300$ pour la résidence permanente et 700$ pour la citoyenneté.
AUGMENTATIONS DES FRAIS D'IMMIGRATION ET
DE CITOYENNETÉ
1 juin 1994 | Les réfugiés reconnus au Canada doivent payer des frais de traitement | 500$ par adulte
100$ par mineur |
28 février 1995 | Introduction du Droit exigé pour l'établissement (DEPÉ) | 975$ par adulte |
28 février 1995 | Introduction du Droit exigé pour la citoyenneté | 100$ par adulte |
28 février 1995 | Augmentations des frais de demande de citoyenneté | de 80$ à 100$ |
2 janvier 1997 | Augmentations de divers frais de service d'immigration | par ex. le visa de visiteur passe de 55$ à 75$, le transfert d'un dossier passe de 55$ à 100$ |
1999 | Proposition d'introduction des frais de recouvrement pour une carte de résident permanent | coût estimé approx. 50$ |
DERNIÈRE NOUVELLE : les réfugiés ayant obtenu la résidence permanente après le 28 février 2000 n'auront plus à payer le Droit exigé pour l'établissement (la taxe d'entrée)!
« Les États contractants délivreront aux réfugiés
résidant régulièrement sur leur territoire, des titres
de voyage destinés à leur permettre de voyager hors de ce
territoire...»
Article 28 |
Même après avoir été reconnus par la Commission d'immigration et du statut de réfugié, les réfugiés au sens de la Convention qui sont au Canada ne peuvent obtenir de documents de voyage avant d'avoir obtenu leur résidence permanente. Ceci est à la source de situations particulièrement difficiles pour certains réfugiés qui doivent attendre des années avant d'obtenir leur résidence permanente, soit parce qu'ils n'ont pas de pièces d'identité « satisfaisantes » soit parce qu'ils doivent attendre des années avant que des enquêtes de sécurité soient complétées. Plusieurs de ces réfugiés proviennent de pays comme la Somalie ou l'Afghanistan, où il n'existe pas de gouvernement en fonction qui puisse délivrer de tels documents. Pour d'autres réfugiés, tels que les Kosovars, les documents d'identité ont été délibérément détruits par leurs persécuteurs.
Par exemple : R. a été reconnu réfugié d'Iraq en 1993. Six ans plus tard, il n'a toujours pas reçu sa résidence permanente suite à de longs délais dans la conduite des enquêtes de sécurité. Il a appris récemment qu'il souffre d'un cancer terminal et aimerait avoir l'opportunité de voir sa mère. Puisqu'il n'est pas résident permanent, il est presque certain que l'on refusera à sa mère un visa pour lui rendre visite au Canada. Quant à R. et ses chances d'obtenir un document de voyage lui permettant de se rendre dans un pays tiers pour rencontrer sa mère, de telles demandes sont automatiquement rejetées par les autorités canadiennes.
Pacte
international relatif aux droits civils et politiques
Le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques a été adopté en 1966, pour renforcer
les droits civils et politiques inscrits dans la Déclaration universelle
des droits de l'homme. Ce Pacte, ainsi que le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels (voir
plus bas) et la Déclaration universelle des droits de l'homme,
fondent ensemble la Charte internationale des droits de l'homme.
En vertu du Pacte, les États doivent envoyer des rapports au Comité
des droits de l'homme des Nations unies à propos des mesures entreprises
pour appliquer le Pacte.
« Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial...» Article 14.1 |
LÀ OÙ LE CANADA N'EST PAS À LA HAUTEUR :
Au Canada, la tâche de reconnaître le statut de réfugié est assurée par les commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, dont les nominations sont politiques et ne découlent donc pas nécessairement de leur compétence. Les demandeurs du statut de réfugié qui sont refusés n'ont aucun droit d'appel sur la décision, même s'il en va de leur vie. Mais, les Canadiens, eux, peuvent aller en appel à propos de banalités comme une contravention de stationnement.
Les seuls recours offerts aux réfugiés sont extrêmement minces. Ils peuvent demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale; certains appellent cela un « appel » mais il ne s'agit pas d'un appel sur le bien-fondé. Il n'y a qu'une marge très faible d'erreurs techniques qui peuvent être corrigées et aucun nouvel élément de preuve ne peut être apporté. Les demandes doivent être déposées dans les 15 jours suivant une décision négative; de plus, la Cour n'accepte de réviser que 10% des demandes.
Les demandeurs ayant essuyé un refus peuvent demander une révision des risques de retour auprès de Citoyenneté et Immigration Canada (également à l'intérieur des 15 jours suivant la décision). La définition du « risque » est très réduite et la révision n'est pas destinée à corriger des erreurs de la CISR. Moins de 5% des demandes sont acceptées.
Ceci signifie qu'un réfugié qui est refusé par erreur ne dispose souvent d'aucune possibilité de faire corriger l'erreur, même si d'autres éléments de preuve à l'égard de sa persécution deviennent disponibles. Ceci mène à de graves injustices.
Par exemple : Pierre est un Chrétien d'Iran. Suite au décès de son père, l'oncle de Pierre a remis en question le droit de Pierre et de sa mère à l'héritage de la maison familiale, du fait que Pierre n'est pas musulman. Pierre a tenté de s'objecter aux démarches légales de son oncle, ce qui l'a amené à recevoir des raclées et d'être persécuté par la Garde révolutionnaire, dont l'oncle de Pierre était membre. Suite à un passage à tabac très rude, Pierre a fui le pays. Sa demande de statut de réfugié a été refusée par un commissaire, qui avait la réputation d'être hostile à l'égard des revendicateurs iraniens. Il n'y avait rien que Pierre puisse faire pour qu'une autre personne dans le système examine à nouveau la décision. Trois ans plus tard, Pierre tente toujours de convaincre Citoyenneté et Immigration Canada qu'il ne devrait pas être renvoyé vers l'Iran.
Par exemple : La famille Mitac, qui a fondé sa demande du statut de réfugié sur le fait qu'elle était persécutée en tant que Roma (Gitan), a été refusée parce qu'ils avaient l'air davantage « pakistanais ou turcs ». Les commissaires ont estimé qu'ils avaient le teint trop foncé pour être Roma. La décision a été renversée par un jugement de la Cour fédérale qui en avait long à dire à propos du recours par la Commission à la couleur de peau pour estimer l'ethnicité. Le jugement a souligné que l'évaluation des aspects physiques d'un demandeur représente « un danger en soi ». Cette famille a eu la chance de voir la Cour fédérale renverser la décision; combien d'autres décisions fondées sur des notions aussi erronées ne sont pas révisées ?
« Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire... » Article 9.1 |
En vertu de la Loi sur l'Immigration, les agents de l'immigration disposent de pouvoirs étendus d'arrestation pour des motifs de présomption que la personne ne se présenterait pas aux audiences. Ceci mène à des arrestations arbitraires et des détentions « préventives » de personnes visées par des mesures d'exclusion. Certains demandeurs sont demeurés en détention pendant un, deux ou même trois ans. Pour certains non-citoyens identifiés commes des «risques de sécurité» grâce à des procédures arbitraires, la détention est automatique et indéfinie.
Les agents d'immigration sont les seuls agents canadiens à disposer d'un pouvoir d'arrestation qui ne soit assujetti à aucune instance indépendante de surveillance. Toute plainte concernant un agent d'immigration doit être acheminée au ministère de l'immigration comme tel.
Par exemple : Roger, un demandeur du statut de réfugié refusé, originaire du Zaïre, avait toujours suivi à la lettre les exigences de l'immigration. Un soir, des agents de l'immigration sont venus chez lui pour procéder à son arrestation. Du fait de leurs attitudes intimidantes et de son respect irréprochable de la loi, Roger s'est senti tellement désorienté qu'il a tenté d'appeler la police. Il n'a même pas eu le temps de mettre ses souliers avant qu'on l'amène vers le centre de détention.
Par exemple : M. a fui son domicile
en Afrique où il avait travaillé au sein d'un groupe politique
d'opposition. Il a été détenu à son arrivée
à Toronto parce qu'il n'avait pas immédiatement demandé
le statut de réfugié (croyant qu'il devait d'abord entrer
comme visiteur). Lorsqu'il a tenté de placer sa demande, un agent
de l'immigration l'a informé qu'il était trop tard pour le
faire et que le Canada avait déjà trop de réfugiés.
M. a passé trois mois dans deux prisons différentes et dans
un centre de détention de l'immigration, avant d'être finalement
libéré sous caution.
« La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État.» Article 23.1 |
Le Canada n'est pas en mesure de protéger l'unité familiale en raison, d'une part de la lenteur des réunifications familiales (voir plus bas), et d'autre part des déportations qui séparent les familles.
Suite à des changements apportés à la Loi sur l'Immigration en 1995, plusieurs résidents permanents sont déportés sans avoir eu d'audience, après avoir commis un crime et purgé leur peine d'emprisonnement. La personne est désignée comme étant un « danger public » au terme d'un processus très injuste. Une forte proportion des gens qui sont ainsi jugés «dangers publics » sont noirs. Certains de ceux qui sont renvoyés sont au Canada depuis leur petite enfance, ne connaissent plus personne dans leur pays d'origine et ne parlent même pas la langue de « leur » pays. Plusieurs de ces renvois occasionnent également des séparations familiales.
En avril 1999, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a publié ses Observations finales après avoir étudié le dossier du Canada en relation avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Parmi ses Principaux sujets de préoccupation et recommandations, la mention suivante figure au paragraphe 15 :
Convention contre la
Torture
La Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été
adoptée en 1984. Elle élargit l'article 7 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques en vertu duquel « Nul ne
sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants...» Le Canada a signé la Convention
contre la Torture en 1985 et l'a ratifiée en 1987. Le Comité
contre la torture des Nations unies assure la surveillance de l'application
de la CCT par les États et peut recevoir et enquêter en lien
avec des plaintes de particuliers. Une nouvelle évaluation de la
performance du Canada doit être complétée sous peu.
« Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ». Article 3 |
LÀ OÙ LE CANADA N'EST PAS À LA HAUTEUR :
La Loi sur l'Immigration ne mentionne nulle part qu'il ne faut pas renvoyer des personnes vers la torture. Alors que plusieurs des personnes risquant d'être torturées sont des réfugiés et peuvent donc être protégées en tant que réfugiés, il y a néanmoins des non-réfugiés qui, en vertu de la Convention contre la torture, ont besoin d'être protégés contre la déportation. La définition de réfugié comporte plusieurs clauses restreignantes (par exemple, les réfugiés doivent être persécutés en raison d'un des 5 motifs retenus, et ne doivent pas avoir de passé criminel), alors que personne ne peut être renvoyé vers la torture, indépendamment de la raison pour laquelle quelqu'un risque d'être torturé, indépendamment de ce que quelqu'un a fait dans le passé ou pourrait faire éventuellement. La dimension absolue de la règle reflète l'aversion fondamentale à l'égard de la torture et l'obligation de la communauté internationale de refuser toute complicité avec des bourreaux.
Il n'existe aucun processus permettant de déterminer si une personne sur le point d'être renvoyée pourrait être exposée à la torture. Les personnes à risque peuvent tenter de présenter leurs arguments au cours d'un autre processus, tel que la révision pour motifs humanitaires (s'ils peuvent se le payer : le coût est de 500$ par adulte) mais il n'y a aucune obligation légale de la part du décideur d'appliquer la Convention contre la torture. En cas d'échec, les personnes peuvent alors se tourner vers des instances internationales, comme l'appel logé au Comité contre la torture des Nations unies. Mais le Canada n'applique pas nécessairement ses décisions.
Par exemple : En 1997, le Canada a déporté Tejinder Singh vers l'Inde, malgré une demande du Comité contre la torture des Nations unies pour que la déportation soit suspendue afin que le Comité puisse étudier son dossier. Il soutenait qu'il risquait d'être torturé. Il a été arrêté dès son arrivée à Delhi.
En 1999, le Canada a adopté une nouvelle Loi sur l'extradition. C'était l'occasion idéale pour inclure l'obligation de ne pas extrader quiconque vers une destination où il y a risque de torture. Ceci ne fut toutefois pas le cas. Le Canada prend ainsi le risque d'extrader des personnes vers la torture.
En avril 1999, le Comité des droits de l'homme des Nations unies, après avoir examiné l'application par le Canada du Pacte international relatif aux droits civils et politiques note dans ses Observations finales [Para. 13]:
Convention relative
aux droits de l'enfant
La Convention relative aux droits de l'enfant
a été adoptée en 1989. Presque tous les pays l'ont
signé (pas cependant les États-Unis). Le Comité des
droits de l'enfant des Nations unies surveille l'application par les États
de cette Convention. Le Canada a ainsi été examiné
en 1995 et sera soumis à un autre examen sous peu.
« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.» Article 3.1 (nous soulignons) |
LÀ OÙ LE CANADA N'EST PAS À LA HAUTEUR :
La Convention n'a jamais été insérée dans des lois canadiennes. La Loi sur l'Immigration n'exige nulle part des décideurs qu'ils considèrent l'intérêt supérieur de l'enfant, encore moins d'en faire un objet de considération primordiale. Il en découle des décisions d'immigration qui font que des enfants et des jeunes sont détenus, déportés vers des situations risquées, ou séparés d'un, voire des deux parents et de leurs frères et soeurs.
Par exemple : Marie, une jeune femme de 17 ans, originaire d'un pays africain francophone en guerre, a fui de chez elle pour arriver à Montréal, y retrouvant certains membres de sa parenté. Sa demande de statut de réfugié a été refusée, de même qu'une demande de révision pour motifs humanitaires. Immigration Canada avait décidé de la renvoyer vers les États-Unis, en dépit du fait qu'elle ne parle pas l'anglais, n'a aucune famille aux États-Unis et risquerait d'être détenue et déportée vers son pays d'origine. Apparemment aucune attention particulière n'a été apportée au fait qu'elle était mineure ou à son sort éventuel suite à sa déportation vers les États-Unis. Marie a eu de la chance : une activiste déterminée à défendre son cas a réussi à suspendre son renvoi à la dernière minute et une demande de révision pour motifs humanitaires a été acceptée.
En juillet 1999, la Cour suprême
du Canada a rendu une décision dans le dossier de Mavis Baker,
une femme menacée de déportation vers son pays d'origine.
Cette déportation aurait inévitablement eu un impact sur
ses enfants nés au Canada. Leur père serait résté
au Canada, de sorte que d'une façon ou d'une autre, les enfants
allaient être séparés d'un de leurs parents si Mme
Baker était renvoyée. Toutefois, leurs intérêts
ne furent pas pris en considération dans la décision d'Immigration
Canada. La Cour suprême a stipulé que la Convention relative
aux droits de l'enfant n'a pas d'application directe du fait qu'elle n'a
jamais été insérée dans des textes de lois
par le Parlement. Néanmoins, la Cour a mentionné que les
lois internationales des droits de la personne devraient être consultées
afin d'aider à interpréter les lois canadiennes. La Cour
en est venue à la position de compromis suivante, n'arrivant pas
tout à fait à la hauteur de la Convention : « le décideur
devrait considérer l'intérêt supérieur des enfants
comme un facteur important, lui accorder un poids considérable,
et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt
».
«... toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence.» Article 10.1 |
Les réfugiés déposant une demande de réunification familiale attendent normalement des mois, voire des années avant qu'enfants et parents puissent être réunis. Plusieurs des délais découlent de communications lentes (particulièrement dans certaines régions du monde, notamment en Afrique, où le Canada tient peu de bureaux d'immigration) et par la demande de preuves de liens familiaux (dans certains bureaux de visas, les réfugiés doivent subir de façon routinière des tests d'ADN, à des coûts prohibitifs et entraînant des délais). Pour certains réfugiés qui vivent des difficultés particulières dans l'obtention de la résidence permanente (par exemple, du fait des exigences de pièces d'identité), l'attente est de plusieurs années, voire sans fin.
Par exemple : Une femme a fui la persécution dans la République démocratique du Congo (Zaïre), laissant derrière elle son mari et deux jeunes enfants. Elle s'est rendue au Canada où elle a été reconnue réfugiée. Entre-temps, son mari qui, à cause de la persécution, avait dû fuir leur domicile pour la capitale, Kinshasa, est tombé malade et est décédé. Les deux jeunes enfants ont été laissés aux soins de voisins, puisqu'aucun membre de la parenté ne se trouvait à proximité. Au Canada, la mère a plaidé avec vigueur pour que des mesures urgentes soient prises afin d'amener ses enfants au Canada rapidement, mais selon un agent d'Immigration Canada ce n'est pas le genre de situation qui mérite une attention urgente.
En 1995, le Canada a été
examiné par le Comité des droits de l'enfant des Nations
unies. Dans ses
Observations finales, parmi les Principaux sujets
de préoccupation, le Comité mentionne au paragraphe 13
:
Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, adopté en 1966, jumelé
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (voir
ci-haut) constituent ensemble le cadre des éléments fondamentaux
des obligations des États en ce qui a trait aux droits de la personne.
Alors que la réflexion occidentale sur les droits de la personne
a eu tendance à favoriser surtout les droits civils et politiques,
ce pacte-ci vise à donner un poids équivalent aux droits
économiques, sociaux et culturels. Le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels des Nations unies surveille l'application du Pacte
par les États. Le dernier examen du Canada remonte à novembre
1998.
Selon l’article 2(2) du Pacte, les États parties s’engagent à « garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe ... ou toute autre situation » (nous soulignons). Les droits cités dans le Pacte comprennent les droits au travail, à la sécurité sociale, à l’éducation et aux services de santé. |
LÀ OÙ LE CANADA N'EST PAS À LA HAUTEUR
Plusieurs des droits énoncés dans le Pacte ne sont pas garantis au Canada sans discrimination fondée sur le statut d'immigration. Les réfugiés au sens de la Convention qui n'ont pas encore obtenu la résidence permanente, les demandeurs du statut de réfugié en attente d'une décision, les demandeurs du statut de réfugié refusés demandant un contrôle judiciaire ou une révision sur la base de risques appréhendés au retour, des personnes sous des mesures d'exclusion mais qui n'ont pas été renvoyées à cause de la situation des droits de la personne dans leur pays d'origine, de même que plusieurs autres sans statut permanent d'immigration au Canada, sont victimes de discrimination du fait de leur statut d'immigration (ou de leur absence de statut), quant à l'accessibilité de plusieurs des droits énoncés dans le Pacte.
Par exemple : Fatima est une jeune femme somalienne qui a été reconnue au Canada comme réfugiée au sens de la Convention. Parce que ses documents d'identité n'ont pas été jugés « satisfaisants » (il n'y a aucun gouvernement en Somalie pour émettre ces documents), elle ne peut pas obtenir sa résidence permanente. Malgré le fait qu'elle soit diplômée avec mention d'honneur de l'école secondaire, Fatima n'a pas pu être admise à l'université, puisque les réfugiés au sens de la Convention ne sont pas éligibles aux prêts et bourses.
Le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels des Nations unies a examiné en novembre 1998
l'application du Pacte par le Canada. Dans ses Observations finales
(décembre 1998), le Comité a inclus ceci dans ses Principaux
sujets de préoccupation :
La Loi sur l'Immigration a été
interprétée de façon à obliger toute personne
qui n'a pas de statut permanent à obtenir une autorisation d'études
afin de fréquenter l'école et à ne pas permettre à
certaines catégories de personnes de recevoir d'autorisation d'études.
Par conséquent, des enfants de demandeurs du statut de réfugié
en attente d'une décision sur la recevabilité de leur demande,
des enfants de demandeurs du statut de réfugié refusés
et des enfants de migrants sans pièces d'identité se sont
vus refuser l'accès même à des écoles primaires
par certaines responsables locaux (même lorsque la législation
provinciale peut exiger, en contradiction avec la Loi sur l'Immigration,
que tous les enfants d'âge scolaire aient accès à l'éducation).
Ce document souligne seulement quelques-unes des façons par lesquelles le Canada n'est pas à la hauteur de ses obligations internationales envers les réfugiés et autres non-citoyens. Le Conseil canadien des réfugiés et le Comité inter-églises pour les réfugiés ont produit des soumissions conjointes quant à la conformité du Canada avec les Pactes (en anglais) :
Non-Discrimination in Economic and Social Rights for Uprooted People. Submission with Respect to the Examination of Canada, November 1998, prepared by the Canadian Council for Refugees and the Inter-Church Committee for Refugees, July 1998
Submission to UN
Committee on Human Rights in preparation for the examination of Canada
on its compliance with the International Covenant on Civil and Political
Rights, prepared by the Canadian Council for Refugees and the Inter-Church
Committee for Refugees, March 1999
Ce document a été produit grâce au soutien généreux du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Des copies de ce livre sont disponibles (sans frais) - contactez le CCR, tél. (514) 277-7223 |
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