Le système canadien de détermination du statut de réfugié
est admirable à bien des égards et il permet, chaque année, à des milliers
de réfugiés de trouver protection.
Toutefois, à cause d’importants défauts du système, nombre
de réfugiés se voient refuser toute forme de protection. Ces défauts entraînent
que des réfugiés sont rejetés par erreur. Le pire étant précisément l’incapacité
du système de corriger ses erreurs. Dès qu’une mauvaise décision est prise,
pratiquement plus rien ne peut être fait pour la renverser, parce que le
gouvernement n’a toujours pas mis en vigueur d’appel pour les réfugiés. Pourtant,
la loi d’immigration prévoit un droit d’appel pour les revendicateurs de
refuge.
Décideur unique : Les décisions concernant les revendications du
statut de réfugié sont rendues par la Commission de l’immigration et du statut
de réfugié (CISR). Auparavant, les revendicateurs de refuge étaient entendus
par deux membres du tribunal et ils recevaient une décision positive si un
des deux commissaires reconnaissait que le revendicateur était un réfugié.
Depuis le 28 juin 2002, les revendications ne sont entendues que par un seul
commissaire. La réduction à un seul décideur devait être compensée par l’instauration
d’un processus d’appel portant sur le bien-fondé de la revendication. Or,
bien qu’ayant réduit les membres du tribunal à un seul décideur, le gouvernement
n’a pas mis cet appel en vigueur. En conséquence, le sort d’un revendicateur
de refuge dépend maintenant de la décision d’un seul commissaire.
Nomination politique des commissaires : Les membres du tribunal
sont nommés à la CISR par un processus de politique partisane qui prend en
considération les contacts politiques des candidats, et pas seulement leur
capacité de bien déterminer le statut de réfugié des revendicateurs. En conséquence,
les niveaux de compétence sont très variables. Plusieurs commissaires sont
hautement qualifiés, alors que d’autres ont des compétences douteuses. Ainsi,
le processus de reconnaissance a parfois l’apparence d’une loterie offerte
à des réfugiés qui peuvent être acceptés ou rejetés selon le commissaire
qui les entend.
Mauvaise représentation : Les revendicateurs de refuge,
souvent démunis pour faire face aux procédures du système canadien, sont
aussi particulièrement vulnérables à l’exploitation par des consultants ou
des avocats incompétents et sans scrupule. À ce jour, les consultants, au
contraire des avocats, ne sont pas tenus responsables de leurs gestes devant
un organisme professionnel. Une mauvaise représentation signifie pour les
revendicateurs que, non seulement leur cause est mal défendue, mais qu’elle
est minée au départ. En plus, les insuffisances de l’aide juridique dans
la plupart des provinces du Canada peuvent sérieusement limiter l’accès des
revendicateurs à des avocats compétents.
Refus d’entendre la revendication : En outre, certaines personnes
qui cherchent la protection du Canada n’arrivent jamais à être entendues
devant la CISR. Le système canadien de refuge contient plusieurs barrières
à la recevabilité excluant automatiquement certains revendicateurs. Par exemple,
ceux qui ont déjà fait une demande de refuge au Canada (quelle qu’en ait
été la conclusion), ou encore ceux qui ont déjà été reconnus réfugiés par
un autre pays, même s’ils y craignent la persécution. Toute personne ayant
déjà reçu une mesure de renvoi est aussi dans l’impossibilité de faire une
demande de refuge. En conséquence, des personnes qui craignent la persécution
n’ont jamais l’occasion de faire connaître leurs craintes à la Commission.
Défaut de mettre en vigueur l’appel sur le bien-fondé : La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit une section
d’appel à laquelle peut avoir recours le revendicateur de statut de réfugié
à la suite d’une décision négative. Pourtant, le gouvernement a mis en vigueur
cette Loi, en juin 2002, sans mettre en vigueur ces articles de la Loi qui
donnent aux revendicateurs de refuge le droit d’en appeler d’une décision.
En mai 2002, le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration promettait
au Conseil canadien pour les réfugiés que l’appel serait mis en vigueur avant
un an. Plus d’un an plus tard, l’appel n’est toujours pas mis en application
et le Ministre ne s’est pas engagé à un nouvel échéancier.
« Je me suis déjà engagé devant le Conseil
canadien des réfugiés que d’ici un an, il y aura un système d’appel. »
Denis Coderre, Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Chambre des
communes, le 6 juin 2002. Plus d’un an plus tard, aucun système d’appel n’est
en place. |
Absence d’autres recours : Faute d’un appel sur le bien-fondé
de la demande, il n’y a aucun autre mécanisme qui puisse assurer que les
erreurs soient corrigées. Un revendicateur de refuge refusé peut faire application
à la Cour fédérale, mais seulement après autorisation de la Cour et sur des
points techniques de loi. Moins de 1% des décisions de la Commission sont
renvoyées par la Cour fédérale.
Un revendicateur refusé peut aussi demander un Examen
des Risques Avant Renvoi (ERAR), mais il ne peut y soumettre que de nouvelles
preuves sans pouvoir contester la décision rendue par la Commission. Seulement
3% des décisions de l’ERAR sont positives.
Enfin, le Ministre a toujours la discrétion d’intervenir
dans des cas individuels, quand les circonstances l’exigent, pour renverser
des décisions. Par contre, le Ministre a choisi de ne pas faire un usage
régulier de ce pouvoir.
Le système canadien de protection des réfugiés comporte plusieurs caractéristiques
positives, en commençant par un tribunal indépendant (la CISR), des services
de recherche et de documentation de grande qualité, de même qu’une reconnaissance
que les femmes ont besoin d’être protégées des persécutions fondées sur le
sexe. Cependant, le système est loin d’être parfait et, comme tout système,
il produit des erreurs.
Le gouvernement canadien a été exhorté d’accorder un appel
aux revendicateurs de refuge, tant par le Haut Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés et par la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme,
que par de nombreuses organisations. Tant que le système de protection des
réfugiés n’aura pas un mécanisme pour corriger ses erreurs, personne ne pourra
avoir l’assurance qu’une personne refusée n’avait pas en fait besoin de la
protection du Canada.
« Dès que les faits d’une situation individuelle sont disputés,
le cadre d’une procédure efficace devrait permettre leur révision. Puisque
même les meilleurs des décideurs peuvent se tromper en rendant leur jugement,
et compte tenu des dangers potentiels pour la vie des personnes qui résultent
de telles erreurs, un appel sur le bien-fondé d’une détermination négative
constitue un élément nécessaire de la protection internationale. »
(Traduit de l’anglais; Commission interaméricaine des Droits de
l’Homme, Report on the situation of human rights of asylum seekers within
the Canadian refugee determination system, February 2000, para. 109.) |
2003