RUPTURES ET CONTINUITÉS : LES RÉFUGIÉS
ET LE CANADA
Cette activité est conçue pour des groupes qui désirent
approfondir les connaissances de la réponse canadienne aux réfugiés,
dans un contexte historique. L'activité fournit certaines données
historiques et d'actualité mais invite la participation en demandant
aux gens de chercher des contrastes et des correspondances. Il vous
faudra une demi-heure ou plus. Si vous avez plus de 8 personnes, il
faudrait les diviser en petits groupes pour l'activité.
Mode d’emploi
Les 5 « éléments dans l’histoire du Canada » sont
imprimés sur des cartons, un point par carton, et les cartons distribués
aux participants dans des petits groupes (par exemple, 5 participants par
groupe, chaque participant dans le groupe a un des 5 cartons). Les 5
« éléments de la politique actuelle » sont tous
soit affichés sur une grande feuille au vu de tous les participants,
soit distribués à tout le monde sur des feuilles. À
tour de rôle, les participants lisent au groupe leur carton et le groupe
cherche ensemble des éléments de la politique actuelle (sur
la feuille ou de leur propre connaissance) qui représentent des ruptures
ou des continuités.
Éléments dans l’histoire du Canada
1.
Voyage continu (continuous journey)
En 1908 le gouvernement canadien adopte un décret qui exige que les
immigrants viennent au Canada par « voyage continu » à
partir de leur pays d’origine et avec un billet acheté dans leur pays
d’origine. Cette mesure vise principalement à exclure les ressortissants
indiens (aucune liaison directe entre l’Inde et le Canada n’est offerte).
Le règlement est neutre en apparence mais il est appliqué
uniquement contre les « immigrants indésirables », tandis
que les fonctionnaires sont invités à faire preuve de discrétion
dans le cas des immigrants européens qui ont séjourné
dans un autre pays (par exemple, les États-Unis) en route vers le Canada.
Le ministre de l’Immigration explique à ses fonctionnaires comment
il faut l’appliquer : « Ce règlement se veut un moyen d’exclure
ceux que la politique gouvernementale cherche à exclure, sans exclure
ceux que la polique cherche à admettre. » [traduction]
2.
Le Canada, les réfugiés et la sécurité
En 1951, lors de la conclusion de la Convention relative au statut de réfugié,
le Canada ne devient pas signataire, craignant qu’elle ne l’empêche
de déporter des personnes pour motif de sécurité.
Le Canada ne devient signataire de la Convention qu’en 1969.
3.
Déportations des communistes et des militants des droits des
travailleurs
Au cours de la première partie du 20ième siècle, les
immigrants soupçonnés d’être communistes ou proches des
communistes étaient susceptibles de déportation, dans le cadre
de la guerre livrée par le gouvernement contre le communisme et le
radicalisme de gauche. Les années 30 ont notamment vu plusieurs
déportations de ce genre. Par exemple, le 1 mai 1932, 10 militants
ont été arrêtés dans plusieurs villes. Accusés
d’être communistes, ils étaient envoyés à Halifax
et, à l’intérieur de quelques jours, ils étaient déportés.
Les immigrants « radicaux » étaient déportés
même devant des preuves que leur vie pourrait être menacée
dans leur pays d’origine (ce qui était le cas pour les pays qui persécutaient
les communistes). Parmi les dix déportés en mai 1932,
un, Hans Kist, est supposément mort suite à des tortures subies
dans un camp de concentration allemand. Aucune loi ni politique ne protégeaient
les immigrants contre la déportation vers la persécution.
Au contraire, les agents d’immigration, ayant appris que deux personnes ont
pu se sauver au cours de leur déportation vers l’Yougoslavie, où
ils allaient être tués, ont resserré les mesures de sécurité
pour empêcher des fuites à l’avenir.
4.
L’exclusion des Juifs
Pendant les années 30 et 40, alors que les Juifs d’Europe cherchaient
des terres d’asile pour s’échapper au génocide nazi, la politique
canadienne maintenait ses portes résolument fermées aux immigrants
juifs. Le Canada dépassait dans son hostilité envers ces
réfugiés les principaux autres pays occidentaux, qui eux-mêmes
n’avaient guère des records très reluisants.
Une note préparée en 1938 par les ministères des Affaires
extérieures et des Mines et Ressources disait : « Nous ne voulons
pas prendre beaucoup de Juifs, mais dans les circonstances, nous ne voulons
pas le dire. Nous ne voulons pas légitimiser la mythologie aryenne
par l’introduction d’une disctinction formelle pour les fins d’immigration
entre les Juifs et les non-Juifs. La distinction pratique doit cependant
être faite, et elle devrait être dessinée avec discrétion
et sympathie par le ministère compétent, sans la nécessité
d’établir un arrêté formel de politique. »
[traduction]
5.
Interception
Dans les années suivant la Première guerre mondiale, de nombreux
réfugiés et autres personnes déplacées à
cause de la guerre et les conditions économiques cherchaient à
venir au Canada et aux États-Unis. Selon le gouvernement canadien,
ces immigrants, dont beaucoup étaient originaires de l’Europe centrale,
étaient indésirables. Pour la première fois, des
agents d’immigration étaient envoyés à l’étranger
pour faire des contrôles de l’autre côté de l’océan
et ainsi empêcher l’embarquement des « indésirables ».
En 1921, un fonctionnaire expliquait le raisonnement comme suit :
« Si nous pouvons arrêter une partie appréciable de ce
mouvement continental au point d’origine, nous ferons des économies
de ce côté. En d’autres mots, si nous pouvons construire
une clôture en haut du précipice, elle serait moins coûteuse
que de maintenir des hôpitaux en bas pour les personnes qui y tombent
...» [traduction]
Élements de la politique actuelle
A. Le Canada a signé la Convention relative au statut de réfugié,
ainsi que la Convention contre la torture. Des éléments
des deux conventions sont intégrées à la Loi sur l’immigration
et la protection des réfugiés. La Loi exige également
qu’elle soit interprétée et mise en oeuvre de façon à
« se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits
de l’homme dont le Canada est signataire. »
B. Le Canada se targue d’être un leader dans le domaine de l’interception,
c’est-à-dire l’ensemble des mesures visant à empêcher
les « voyageurs non munis des documents » de voyager au Canada.
Le Canada s’est doté d’une équipe d’agents d’interception postés
à l’étranger, qui oeuvrent notamment dans les aéroports
et qui interceptent entre autres les réfugiés qui cherchent
à venir au Canada.
C. La politique canadienne de sécurité nationale, annoncée
par le gouvernement fédéral en avril 2004, incluait un engagement
de simplifier le processus de détermination du statut de réfugié.
Le lien entre réfugiés et sécurité nationale n’était
pas explicité, laissant sous-entendre le mythe que les réfugiés
représentent une menace à la sécurité.
D. Le Canada a abandonné toute politique de discrimination raciale
explicite dans la sélection des immigrants dans les années 60.
La Charte canadienne des droits et libertés a depuis 1982 formellement
interdit la discrimination sur la base de la race ou de la religion.
Cela n’a pas pour autant éliminé les différentes formes
de racisme qui persistent dans les programmes d’immigration comme ailleurs
dans la société canadienne.
E. Le 29 décembre 2004, le Canada a imposé la règle
du tiers pays sûr qui ferme la porte à la plupart des demandeurs
du statut de réfugié qui passent par les États-Unis avant
de demander le statut de réfugié au Canada.