Questions à traiter lors de la table ronde sur les CH, les 27 et 28 mars 2006
A. Principales préoccupations quant aux considérations humanitaires (CH) à l’heure actuelle
L’article
25 de la Loi sur l’immigration et la protection des
réfugiés (LIPR) a
fourni et continue de fournir une solution ;à de nombreuses
personnes pour
lesquelles la Loi et le Règlement constituent un
obstacle à la
résidence permanente, malgré les raisons
impérieuses à l’appui de leur demande
pour venir ou demeurer au Canada de façon permanente. En fait,
les CH doivent
répondre à de grandes attentes étant donné
les lacunes de nombreuses politiques
en matière d’immigration. Ces attentes ne servent qu’à
accroître les
préoccupations des membres du Conseil canadien pour les
réfugiés (CCR) quant à
certaines lacunes liées au fonctionnement actuel des CH.
1.
Délai
de traitement très long :Les demandeurs attendent souvent des années avant
d’obtenir une
décision concernant leur demande CH. Les délais de
traitement très longs sont
injustes (notamment en raison des frais considérables que
doivent verser les
demandeurs) et inefficaces (les personnes qui ont besoin d’une dispense
pour
des considérations humanitaires peuvent en être
privées parce qu’elles doivent
quitter le Canada avant qu’une décision soit rendue et/ou elles
passent des
années dans une situation incertaine sur le plan juridique). On
constate un
manque flagrant d’uniformité pour ce qui est des sursis au
renvoi des personnes
dont la demande CH est en suspens. Les délais de traitement
très longs
signifient également que les observations
présentées dans le cadre d’une
demande ne sont plus pertinentes lorsqu’une décision est rendue.
Bien que dans
de nombreux cas les agents demandent une mise à jour de
l’information avant de
prendre une décision, il n’en est pas toujours ainsi.
2.
Processus
de traitement à l’étranger particulièrement obscur
pour les demandes CH : Ceux
qui auraient besoin de
présenter une demande CH à l’étranger ne savent
pas comment procéder. Il
n’existe aucun formulaire de demande. Les bureaux des visas ne semblent
pas
traiter les demandes de façon uniforme. Dans certains cas, le
demandeur qui
utilise le formulaire pour la catégorie du regroupement familial
et qui inclut
une demande CH voit tout simplement sa demande rejetée parce
qu’il ne satisfait
pas aux exigences visant la catégorie du regroupement familial.
Les bureaux
locaux de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) au Canada et
le Télécentre ne
fournissent pas de conseils uniformes sur les demandes CH
présentées à
l’étranger. Le manque de clarté quant au traitement des
demandes CH à
l’étranger constitue un problème important étant
donné qu’un grand nombre de
personnes doivent avoir recours aux CH à des fins de
regroupement familial
(notamment pour que les enfants puissent être réunis avec
leurs parents,
conformément aux obligations du Canada en vertu de la Convention
relative aux
droits de l’enfant). Les cas nécessitant le recours à une
demande CH à
l’étranger comprennent : a) les membres de la famille
exclus [R117(9)d)];
b) les enfants qui sont reconnus comme n’étant pas les enfants
biologiques à la
suite d’une analyse de l’ADN; c) d’autres membres de la famille de fait.
3.
Frais
de traitement représentant un obstacle : C’est le cas pour les personnes les plus
vulnérables, notamment pour les enfants, les chefs de famille
monoparentale,
les personnes ayant des problèmes médicaux ou les
personnes handicapées. Par
conséquent, certains des cas que les Canadiens jugeraient comme
nécessitant une
dispense pour CH sont ceux où le demandeur n’est pas en mesure
de payer les
frais de traitement pour la demande CH. Les personnes qui ont besoin
d’une
dispense pour CH sont souvent dans une situation financière
extrêmement précaire
(par exemple les femmes fuyant la violence conjugale), et leur absence
de
statut au Canada peut signifier qu’elles n’ont pas de permis de travail
(même
si elles en ont un, elles ne sont probablement pas en mesure d’obtenir
un
emploi bien rémunéré). Les frais relatifs au droit
de résidence permanente
constituent également une contrainte importante dans de nombreux
cas CH.
4.
Processus
complexe pour les demandeurs non représentés : Il est difficile pour la plupart des
demandeurs d’entreprendre le processus sans représentation ou
sans les conseils
de professionnels. Bon nombre d’organisations non gouvernementales et
de
cliniques d’aide juridique offrent ce genre d’appui, mais il n’est pas
disponible pour tous les demandeurs, même s’ils en ont vraiment
besoin, étant
donné que peu de fonds sont prévus pour ce genre de
service. Il serait
intéressant d’étudier l’incidence de la
représentation (y compris les
différents types de représentation) sur le taux
d’acceptation des demandes et
les raisons pour lesquelles certains demandeurs ne sont pas
représentés.
5.
Incohérence
des décisions :
Les membres du CCR sont souvent déconcertés par le
processus de prise de
décisions, qui ne semble pas suivre un modèle uniforme.
Certains cas qui
semblent présenter des raisons impérieuses sont
rejetés, alors que d’autres cas
semblables ou présentant des raisons moins impérieuses
sont acceptés. On
constate un manque d’uniformité entre les régions et
entre les personnes
chargées de prendre les décisions.
6.
Décisions
ne témoignant pas toujours d’une approche humanitaire : La Loi renvoie aux
« circonstances d’ordre humanitaire ». Selon le
guide IP5, le
contrôle relatif aux CH vise à déterminer s’il y a
« difficulté
inhabituelle et injustifiée » ou
« difficultés démesurées ».
Ce
contrôle ne sert-il pas à restreindre les circonstances
possibles? Pour
certaines décisions, cependant, le contrôle est
modifié de sorte qu’il est
beaucoup plus difficile de satisfaire aux exigences. Par exemple,
certaines demandes
ont été rejetées parce que les demandeurs
n’éprouvaient pas de
« difficultés excessives » ou ne
subissaient pas un « tort
irréparable ». Le contrôle relatif aux CH
est-il interprété et appliqué de
façon uniforme?
7.
Intérêt
supérieur de l’enfant : Le CCR est conscient des efforts déployés
par CIC pour ce qui est de
prendre en considération l’intérêt supérieur
de l’enfant, obligation prévue
dans la législation et dans la Convention relative aux droits de
l’enfant.
Toutefois, l’interprétation et l’application ne sont pas
uniformes, et nous
sommes préoccupés par la tendance à
l’interprétation restrictive. Selon le
guide IP5, section 5.19, l’agent doit être vigilant et sensible
à l’intérêt des
enfants, mais l’obligation est ensuite restreinte de sorte qu’elle ne
semble
plus cadrer avec les obligations du Canada sur le plan des droits de la
personne. On indique à l’agent qu’il n’y a aucune obligation si
l’intérêt
supérieur de l’enfant n’est pas suffisamment clair en fonction
de la
documentation présentée, et ce, malgré
l’obligation prévue dans la Convention,
qui est renforcée par l’alinéa 3(3)f) de la Loi
sur l’immigration et
la protection des réfugiés (LIPR) (la Loi
doit être appliquée de
façon conforme aux instruments internationaux portant sur les
droits de la
personne). Le guide met également l’accent sur le fait que
l’intérêt supérieur
de l’enfant ne surpasse pas tous les autres facteurs liés au
cas, sans préciser
l’obligation prévue dans la Convention selon laquelle
l’intérêt supérieur de
l’enfant constitue une « considération primordiale
». En outre, le
guide IP5 ne tient pas suffisamment compte de la décision de la
Cour fédérale
dans l’affaire Hawthorne, selon laquelle il faut tenir compte, pour
l’enfant,
des avantages du non-renvoi ainsi que des difficultés
liées au renvoi.
8.
Conception
restreinte de la notion de bonne intégration. L’intégration est un processus qui fait
intervenir toute une gamme d’aspects de l’expérience humaine,
incluant les
aspects social, culturel, psychologique et familial. Citoyenneté
et Immigration
Canada, qui a acquis des compétences considérables dans
le domaine de
l’intégration, l’a très bien compris. Grâce
à l’initiative Metropolis, les
chercheurs nous aident à mieux comprendre encore la
complexité et la nature
multidimensionnelle de l’intégration. Pourtant, dans la prise de
décision CH,
l’intégration semble trop souvent être mesurée
principalement, voire
exclusivement, en termes économiques. La conception plus large
de l’intégration
doit être mieux reflétée. Il faut également
noter que les rejets de demandes CH
peuvent avoir un impact négatif considérable sur
l’intégration de nombreuses
personnes autour du demandeur, incluant sa famille, ses
collègues, ses amis et
sa communauté.
9. Utilisation des considérations CH comme « passe-partout » pour toutes les politiques inadéquates. Ces dernières années, en particulier, les considérations CH ont été proposées à maintes reprises comme la solution aux politiques problématiques. Par exemple, les enfants réfugiés ne peuvent pas inclure leurs parents et frères et sœurs sur leur demande de résidence permanente : la solution est la demande CH. Les victimes de la traite de personnes risquent le renvoi du Canada bien qu’elles soient victimes d’un crime : la solution est la demande CH. Des personnes innocentes sont assujetties à la règle des membres de la famille exclus : la solution est la demande CH. Cependant, l’utilisation des considérations CH pour combler les lacunes des politiques limitées ne fonctionne pas de façon satisfaisante.
10.
Obstacles
à l’établissement pour
ceux qui sont acceptés en principe. Les diverses exigences de la Loi,
telles que l’admissibilité médicale et l’exigence
relative aux documents
d’identité, bloquent fréquemment les gens dont la demande
a été approuvée en
principe. Ceci est particulièrement inique lorsque le motif
principal de leur
acceptation est lié à leur incapacité à
répondre aux exigences. Par exemple,
une personne acceptée en raison de son état de
santé est ensuite exclue parce
qu’elle est interdite de territoire pour raison médicale; un
demandeur accepté
en raison de son apatridie est exclu parce qu’il ne peut pas
présenter de
passeport. Le L25 prévoit la dispense de
« tout ou partie des critères et obligations
applicables ». Pourquoi
cette disposition n’est-elle pas mieux utilisée? Pourquoi le L25
est-il
interprété comme ne s’appliquant qu’à la
décision relative à la sélection?
B. Genres de situations préoccupantes liées aux demandes CH
Voici une
liste non exhaustive des genres de situations particulièrement
préoccupantes
pour le Conseil canadien pour les réfugiés lorsque les
gens optent pour une
demande CH.
Au
Canada :
1.
Réfugiés
qui auraient dû obtenir une protection mais dont le statut a
été refusé en
raison de failles du système de détermination.
2.
Survivants
de la traite de personnes.
3.
Personnes
qui ont de la famille ayant le statut de réfugié ou de
résident permanent au
Canada (incluant les parents et/ou les frères et sœurs d’enfants
réfugiés
reconnus au Canada).
4.
Personnes
apatrides.
5.
Personnes
(souvent des femmes) parrainées mais qui ont quitté leur
époux pour des raisons
de violence conjugale.
6.
Personnes
dont le renvoi du Canada constituerait une grave atteinte aux droits
(p. ex.
personnes atteintes d’une maladie grave pour laquelle un traitement est
disponible au Canada mais pas dans le pays où elles seraient
renvoyées).
7.
Personnes
provenant de pays vers lesquels le Canada n’effectue
généralement pas de
renvois en raison d’une situation de risque
généralisé (pays pour lesquels un
moratoire est imposé).
8.
Personnes
qui vivent au Canada de façon continue depuis plusieurs
années.
9.
Personnes
qui se sont intégrées au Canada, l’intégration
étant considérée non du point de
vue économique restreint mais prenant en compte
l’intégration sociale, culturelle
et familiale.
10.
Personnes qui
travaillent depuis un
certain temps dans le cadre de programmes concernant les travailleurs
temporaires, notamment à titre de travailleurs agricoles
saisonniers.
À
l’étranger :
11.
Membres de la
famille exclus
[R117(9)d)].
12.
Enfants non
biologiques séparés de
leur unique famille, qui se trouve au Canada.
13.
Parents et
frères et sœurs d’enfants
réfugiés au Canada.
14.
Autres membres
de la famille de
personnes se trouvant au Canada, pour lesquels il existe des
préoccupations
humanitaires particulières (par exemple, parce qu’ils se
trouvent dans – ou
risquent d’être renvoyés à un endroit où
règne – une situation de risque
généralisé).
C. Recommandations
générales
1.
Approche
en matière de droits de la personne.
La prise de décision CH devrait être
motivée par les principes des
droits de la personne. Il faudrait accorder davantage de poids au L3(3)f)
et à la nécessité de se conformer aux instruments
portant sur les droits de
personne, notamment en ce qui concerne les obligations ayant trait :
a.
à l’intérêt
supérieur de l’enfant;
b.
à l’unité
familiale (il faudrait s’attacher davantage à maintenir
ensemble les
membres des familles/à les réunir).
Les situations qui reflètent une lacune politique
devraient être réglées
au moyen d’une solution d’ordre politique. Cela pourrait inclure une
plus
grande utilisation des catégories prévues par le Règlement
pour faire
face, par exemple, à la situation :
a.
des
victimes de traite de personnes;
b.
des
personnes apatrides;
c.
des
ressortissants de pays pour lesquels un moratoire est imposé
(ils devraient
pouvoir demander la RP après avoir passé trois ans
au Canada);
d.
des
victimes de violence familiale;
e.
des
résidents de fait à long terme.
Il faudrait instaurer des changements politiques visant
à :
f.
éliminer
le R117(9)d) (membres de la famille exclus);
g.
accorder
aux enfants réfugiés au Canada le droit d’inclure leurs
parents et leurs frères
et sœurs dans leur demande de résidence permanente;
h.
reconnaître
comme membres de la famille les enfants non biologiques, qui font
partie
intégrante d’une famille;
i.
mettre
en œuvre le droit d’appel des réfugiés.
3.
Mettre
en place un processus pour les demandes CH à l’étranger
Ce processus à l’étranger devrait
comprendre un formulaire, des lignes
directrices claires et accessibles et une formation à
l’intention des agents
des visas ainsi que du personnel des bureaux locaux et du
Télécentre.
4.
Appliquer
les résultats de
l’analyse comparative entre les sexes
Procéder à une analyse comparative entre
les sexes du processus et des
décisions CH et en appliquer les résultats afin d’assurer
une égalité entre les
sexes.
5.
Guider
davantage les agents
Les agents pourraient et devraient être
guidés davantage, sans que cela
ne porte atteinte à leur pouvoir discrétionnaire.
Davantage de situations
pourraient être présentées comme comportant une
présomption favorable. La
notion d’intégration doit être définie de
façon plus large.
6.
Supprimer
les obstacles liés au traitement
Éliminer les obstacles tels que les droits (de
traitement et de
975 $), les longs délais de traitement, les critères
d’admissibilité et le
manque d’accès à un représentant compétent.
7.
Fournir
aux demandeurs la possibilité d’être entendu en sursoyant
au renvoi
Veiller à ce qu’une politique soit
appliquée de façon uniforme pour
surseoir au renvoi pendant qu’une décision CH est prise, au
moins lorsqu’une
demande CH est en instance pendant un certain temps.
8.
Mettre
l’information à jour avant de prendre une décision
Veiller à ce qu’une politique soit
appliquée de
façon uniforme pour demander de l’information à jour
avant de prendre une
décision si une demande n’est pas traitée dans un
délai raisonnable.